PRATIQUE
Le prêt-à-porter
Le terme « orthèse », qui était relativement peu employé antérieurement à propos de semelles plantaires, de corsets, de ceintures lombaires ou de colliers cervicaux, est tout à fait aujourd'hui d'actualité. En effet, la famille des orthèses s'est beaucoup élargie avec le développement de dispositifs péri-articulaires de contention plus ou moins élastiques, en « prêt à porter ». Il s'agit de gouttières, de bracelets de poignets, d'épaulières, de ceintures lombaires et de colliers cervicaux.
La mode des rollers, et autres dispositifs à roulettes, a multiplié l'usage des protections des genoux, des coudes et des poignets qui font ressembler nos enfants et nos adolescents (ou plus âgés) bien souvent à des « Robocop ».
Prévenir, compenser
L'orthèse est entrée dans la vie quotidienne des Européens, soit par la protection qu'elle apporte dans les situations dangereuses de la circulation, soit par la prévention et l'aide qu'elle apporte aux articulations douloureuses ou endommagées.
Ce terme d'orthèse mérite d'être précisé. Il dérive de « Orthos » (en grec, droit). Il faut le prendre dans le sens de correct, correction, mais dans le cadre de la médecine physique et de réadaptation, il a pris un sens particulier qu'il convient de préciser. Il s'agit de l'ensemble des dispositifs qui, par une action mécanique directe sur le corps, permettent de prévenir ou de compenser une atteinte lésionnelle ou une limitation fonctionnelle, sans qu'il s'agisse du remplacement anatomique de l'organe.
De cette façon, l'orthèse peut se différencier de la prothèse, son lien avec l'aide technique est beaucoup plus subtil. La différence est très nette lorsqu'il s'agit d'aide technique dite « situationnelle », c'est-à-dire modifiant et compensant une situation de telle sorte qu'elle ne soit plus handicapante. C'est le cas d'une barre d'appui pour se redresser d'un siège de toilettes, c'est le cas aussi d'un système de téléalarme ou d'un système de télécommande d'une ouverture de porte ou de fenêtre. En revanche, lorsqu'il s'agit d'une aide à la marche comme une canne, un déambulateur, même un fauteuil roulant, l'usage qui en est fait est beaucoup plus proche de l'orthèse que de l'aide technique.
Dans un ravin
Bernard J., 15 ans, passager arrière d'une voiture conduite par son père, attaché par sa ceinture. Soudain, la voiture fait une embardée, quitte la route et va terminer son parcours après plusieurs tonneaux dans un ravin. Ce n'est plus qu'un amas de ferraille dont le garçon arrive à se sortir par la lunette arrière qui est sortie de son habitacle. Il est vivant, mais son père est mort. Il est transporté en urgence dans un hôpital voisin du lieu de l'accident d'où il est transféré aussitôt par intervention de sa mère vers un hôpital de la région parisienne où il sera accueilli et traité. Une radiographie du bras met en évidence une fracture de l'humérus. L'examen ne montre pas de déficit du nerf radial, il est décidé de l'opérer, de le fixer par une broche.
Orthèse en thermo-plastique
Nous l'examinons six mois plus tard, dans le cadre d'une expertise judiciaire. Il se présente avec une orthèse en thermo-plastique extrêmement impressionnante qui immobilise le coude, l'avant-bras et les doigts en extension. Cette orthèse est soutenue par une écharpe. Il se plaint de douleurs de ce membre supérieur. Il mentionne qu'il est très handicapé car il ne peut plus porter son cartable ni écrire et qu'il doit se faire aider par ses camarades.
Nous l'examinons après l'avoir longuement interrogé sur ses difficultés et après avoir essayé de cerner avec l'aide de sa mère les conséquences du traumatisme de la mort de son père. La mobilité est parfaitement normale, l'absence totale de limitation articulaire aussi bien de l'épaule, du coude que de la main. Il n'y a aucun trouble sensitif. La préhension-manipulation est totalement normale et, après quelques minutes d'encouragement, tout à fait indolore.
Handicap sévère
Au total, voici une orthèse particulièrement nuisible puisqu'elle immobilisait un membre sain, créait une situation de handicap scolaire sévère et maintenait ce garçon dans la sensation qu'il était devenu un grand handicapé du fait d'une lésion très sévère du membre supérieur. Ce n'est pas un fait isolé, et nous observons, de temps à autre, cet engouement pour « l'orthèse facile » et le plus souvent nuisible.
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