IL N’Y A GUÈRE DE DOUTE POUR LES MÉDECINS LIBÉRAUX : la réforme de 2004, dont l’actuel ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a souvent été présenté comme le « mécanicien » et le « VRP » de luxe, ne sera pas la « der des ders ». Selon l’étude Teletech/Ifop pour « le Quotidien du Médecin » et « les Echos », présentée aujourd’hui dans le cadre du forum Economie-Santé, à Paris, 83 % des médecins libéraux jugent que cette réforme «ne permettra pas à terme d’assurer durablement l’équilibre financier de l’assurance-maladie». On est loin du « plan de la dernière chance » annoncé pour sauver la Sécurité sociale.
Résultats et analyses de ce sondage sur le bilan de la réforme.
Adhésion globale minoritaire
Deux ans après la loi du 13 août 2004, les médecins libéraux dressent un bilan très mitigé de la réforme de l’assurance-maladie, deuxième chantier social de la législature après celui des retraites. Leur adhésion générale demeure minoritaire : seulement 40 % des praticiens déclarent approuver la réforme, et encore sans enthousiasme (5 % «tout à fait», 35 % «plutôt»), lorsque 58 % d’entre eux disent ne pas l’approuver (dont «30%» pas du tout). Les soutiens sont plus nombreux chez les généralistes (44 %) que chez les spécialistes (34 %) et chez les hommes (45 %) que chez les femmes (27 %). Le consentement croît avec l’ancienneté d’exercice et le nombre de patients. Le rejet de la réforme de 2004 est beaucoup plus marqué chez les médecins d’Ile-de-France (67 %) que partout ailleurs (Nord-Est : 51 %, Sud-Ouest : 50 %), c’est-à-dire là où le médecin traitant est entré plus facilement dans les pas du médecin de famille.
Déficit, qualité: des résultats en demi-teinte
Malgré la diminution peu contestable du déficit de la branche maladie (11,6 milliards d’euros en 2004, 8 milliards en 2005, 6 milliards en 2006), il est surprenant que seulement 37 % des médecins pensent que la réforme réduit effectivement le déficit. Comme si le discours répété sur le redressement de la branche maladie se heurtait à un sentiment général de « trop peu », au regard de la dette sociale accumulée. Les plus anciens se montrent les plus critiques quant à l’efficacité financière de cette réforme.
Le verdict des médecins sur l’amélioration de la qualité des soins depuis deux ans est plus sévère encore : un praticien sur deux (48 %) considère que la qualité s’est dégradée, 36 % ne voient aucun changement et 14 % constatent un progrès (score similaire chez les généralistes et les spécialistes). Le pessimisme des professionnels est également marqué sur l’accès aux soins : 51 % des médecins sont convaincus qu’il a empiré, 39 % qu’il n’a pas évolué et 8 % que l’accès aux soins a été facilité.
Interrogés sur la contribution de chaque mesure à la baisse des dépenses, les médecins retiennent le «contrôle des arrêts de travail» (83 % de réponses positives) devant «le développement des génériques» (74 %), le non-remboursement de certains actes (69 %) et le forfait de un euro (56 %). Mais plus d’un praticien sur deux (51 %) juge que le choix par les patients d’un médecin traitant unique ne constitue pas une mesure susceptible de limiter la dépense.
Pratiques, tarifs: des changements indéniables à digérer
Les médecins libéraux perçoivent plusieurs modifications de l’activité. Un tiers des praticiens soulignent la hausse du nombre de consultations chez les généralistes. Surtout, 57 % d’entre eux (et 61 % des spécialistes) sont convaincus que le nombre de consultations de spécialistes a baissé, ce que confirment les études de la Cnam pour certaines disciplines (dermatologie, ORL, cardiologie...). D’où la revendication des syndicats de mesures d’accompagnement.
Le passage par le généraliste est-il entré dans les moeurs? Pour 56 % des médecins, c’est « oui », qui pensent que le principe de la consultation préalable du médecin traitant est systématiquement respecté. Néanmoins, 39 % des praticiens – et un spécialiste sur deux – affirment que les patients n’hésitent pas à consulter de temps en temps en accès libre, quitte à payer plus cher, ce qui accrédite la thèse d’une souplesse (relative) des parcours de soins.
Dès lors, le suivi médical a-t-il progressé ? Les praticiens sont divisés : si 54 % des généralistes constatent l’impact positif du médecin traitant sur le suivi, seulement 29 % des spécialistes partagent cet avis. Sans doute faudra-t-il attendre le dossier médical personnel pour accroître le nombre des convaincus.
Côté médecins, la réforme a surtout modifié les pratiques des généralistes. Ces derniers citent la diminution des prescriptions de médicaments déremboursés (53 %), la baisse des visites (53 %), la maîtrise médicalisée des prescriptions – antibiotiques, statines… – (41 %) et la réduction du nombre d’arrêts de travail.
Avenir: la démographie au coeur du débat
Comment les médecins perçoivent-ils l’avenir ?
Le dossier médical personnel (DMP), que le gouvernement compte généraliser l’an prochain, reste plébiscité (71 % de médecins favorables et 84 % des jeunes installés). Les trois quarts des médecins pensent qu’il améliorera le suivi du patient et limitera les examens redondants (65 %). Ce qui n’empêche pas les médecins de craindre les contraintes associées : 87 % s’attendent à une surcharge de travail et 68 % jugent que cet outil représente un danger en matière de confidentialité. Enfin, deux tiers des praticiens (et 71 % des généralistes) considèrent que le DMP devra être accompagné d’une incitation financière pour que les médecins l’utilisent.
• Autre projet : la carte Vitale avec photo recueille une courte majorité de soutiens (52 %).
Interrogés enfin sur les solutions à apporter pour lutter contre la désertification médicale, les médecins sont divisés en trois camps : 39 % estiment que seule une remise en cause de la libre installation ou du conventionnement systématique permettra à terme de résoudre les problèmes de démographie ; 32 % pensent qu’une politique d’incitations suffira (consultations bonifiées, aides à l’installation…) ; et 29 % n’ont aucun avis. Le débat sur la nécessité d’une politique démographique plus draconienne n’est donc plus tabou… chez les médecins installés. Reste à savoir ce qu’en pense la nouvelle génération.
(1) Sondage réalisé par l’Ifop-Teletech pour « le Quotidien du Médecin » et « les Echos » auprès d’un échantillon de 338 médecins dont 186 généralistes et 152 spécialistes, représentatif des médecins libéraux. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (généraliste/spécialiste, sexe, âge) après stratification par région et catégorie d’agglomérations. Les entretiens ont eu lieu par téléphone du 16 au 24 octobre 2006.
Un texte toujours très critiqué.
Cliquez sur ce lien pour obtenir, en format PDF, le tableau des réponses à la question : "Dune manière générale, approuvez-vous ou désapprouvez-vous la réforme de lassurance-maladie ?"Un impact limité Depuis la mise en place de la réforme, avez-vous ? |
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Oui (%) | Non (%) | NSP (%) | Total(%) | |
Diminué vos prescriptions de médicaments déremboursés | 37 | 50 | 13 | 100 |
Diminué les visites à domicile | 33 | 38 | 29 | 100 |
Diminué vos prescriptions d' antibiotiques, d'anticholestrol, etc. | 29 | 49 | 22 | 100 |
Réduit le nombre darrêts de travail | 20 | 61 | 19 | 100 |
Le parcours des soins respecté par les patients Dans les faits, diriez-vous que les patients... |
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Ensemble (%) | |
Ont tendance à consulter systématiquement leur médecin traitant avant de voir un autre médecin | 56 |
N'hésitent pas à voir de temps en temps un autre médecin directement, quitte à payer plus cher ou être moins remboursé | 39 |
Ne se prononcent pas | 5 |
Total | 100 |
L' efficacité du dispositif du médecin traitant en question Personnellement, diriez-vous que la mise en place du médecin traitant améliore le suivi médical ? |
|
Ensemble (%) | |
Total oui | 42 |
Oui, tout à fait | 17 |
Oui, plutôt | 25 |
Total non | 57 |
Non, plutôt pas | 26 |
Non, pas du tout | 31 |
Ne se prononcent pas | 1 |
Total | 100 |
Le coeur des Français balance
Deux ans après sa mise en oeuvre, les Français approuvent-ils ou désapprouvent-ils la réforme de l’assurance-maladie ? Avec un imperceptible avantage aux satisfaits, la question est en ballottage, répond le sondage du « Quotidien » et des « Echos » (1), dans lequel 51 % des Français paraissent favorables à la réforme et 47 % défavorables.
La population juge très majoritairement que, depuis 2004, les coûts de santé ont augmenté, qu’il s’agisse des tarifs des complémentaires (en hausse pour 64 % des personnes interrogées) ou, encore plus manifestes, des honoraires des médecins (que 86 % des Français ont vu décoller).
Pour autant, les Français ne sont pas convaincus par l’impact de la réforme en termes de qualité et d’accessibilité aux soins (pour 46 % des Français, celui-ci est nul et un bon tiers de la population estime même que la réforme a contribué dans ce domaine à la dégradation de la situation). Sceptiques également semblent les Français quand on les interroge sur la capacité de la réforme à réduire les déficits de la Sécurité sociale : si 20 % pensent que le trou se résorbe, 44 % estiment qu’il se creuse.
Tout n’est cependant pas tout à fait noir dans l’esprit des Français qui, paradoxalement, étiquettent « propres à contribuer à la baisse des dépenses de santé » un certain nombre d’ items de la réforme – le futur dossier médical personnel (DMP, qui recueille 86 % d’avis favorables), le développement des génériques, qui conquiert 81 % des Français, ou le contrôle des arrêts de travail (76 %).
Une mesure un peu à part dans le coeur des Français : le médecin traitant. En termes de réduction des coûts, elle ne convainc pas (pour 54 %, c’est un facteur de réduction des déficits ; pour 45 % non). En revanche, son bénéfice en matière de suivi médical ne fait pas de doute : il est avéré pour 67 % des Français ayant déclaré un médecin traitant (les hommes sont même plus conquis sur ce chapitre – 75 % d’avis positifs – que les femmes – 60 %).
(1) Sondage réalisé par Teletech/Ifop auprès de 946 personnes (représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus) interrogées par téléphone du 16 au 23 octobre.
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