EN JANVIER 2006, Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé, lançait son plan Démographie médicale dont la mesure principale consistait à proposer aux médecins généralistes exerçant en cabinet de groupe dans une zone déficitaire en offre de soins (zone sous-médicalisée) une majoration de 20 % de la valeur de leurs actes (consultations et visites). Xavier Bertrand l'avait lui-même précisé, «cette valeur supplémentaire de l'acte ne sera ni à la charge des patients, ni à celle des mutuelles, mais directement prise en charge par l'assurance-maladie. Il n'y aura aucun changement pour le patient».
Comme souvent dans ce type d'affaire, il a fallu du temps pour passer de la parole aux actes. C'est seulement à la fin du mois de mars 2007 qu'a été publié l'avenant n° 20 à la convention médicale, traduction conventionnelle du projet ministériel.
En vertu de ce texte, pour adhérer à cette option, le médecin doit, outre les deux conditions de démographie médicale et d'exercice en groupe, s'engager à ne pas cesser son activité (hors départ en retraite) ni à changer son lieu d'exercice pendant une durée de trois années consécutives à compter de la date d'adhésion. Le praticien s'engage également à participer à la permanence des soins.
L'avenant précise en outre que la majoration de 20 %, calculée au terme de chaque année civile et prise en charge par la branche risque de l'assurance-maladie, est versée dans le courant du premier trimestre de l'année suivante. Possible depuis mars 2007, le dispositif a donc donné lieu récemment à sa première campagne de versements. Où en est-on précisément alors que Xavier Bertrand avait, en la lançant, chiffré le coût de l'opération à 20 millions d'euros en rythme annuel ?
Une pincée d'arbitraire
Il convient de noter que la première condition d'adhésion – qui veut que le médecin exerce dans une zone déficitaire en offre de soins – rend la mesure un peu arbitraire, dans la mesure où cette cartographie, effectuée par les missions régionales de santé (MRS) juste avant l'annonce du plan Démographie médicale, n'a pas été effectuée selon les mêmes critères dans toutes les régions. Certaines MRS ont intégré dans leurs critères l'âge moyen des praticiens, d'autres des critères sanitaires de la population ou d'autres critères encore, si bien que le résultat ne présente pas un grand caractère d'homogénéité. C'est ainsi que, dans certaines régions réputées plutôt sous-médicalisées comme le Limousin, aucun médecin généraliste ne bénéficie des dispositions de l'avenant 20, cette région ne comptant que deux zones déficitaires, une dans la Creuse, l'autre dans la Corrèze. À l'inverse, une région comme l'Île-de-France, dont on sait qu'elle ne figure pas dans le peloton de queue en matière de démographie médicale, comptabilise 34 généralistes bénéficiant malgré tout de ces dispositions.
L'état des troupes
D'une façon générale, et selon les chiffres communiqués par la CNAM (Caisse nationale d'assurance-maladie), 562 généralistes bénéficient en France des dispositions de l'avenant 20. Parmi eux, 15 se sont installés dans une zone déficitaire après la publication de l'avenant, et 50 étaient installés depuis moins de cinq ans dans l'une de ces mêmes zones. Une centaine d'autres médecins ont par ailleurs fait une demande d'adhésion à l'avenant 20 mais ont été retoqués, le plus souvent parce qu'ils n'exerçaient pas en groupe.
L'addition pour un an: 12,4millions d'euros
Quant au budget de l'opération pour 2007, il est chiffré par la CNAM au niveau national à 8,3 millions d'euros. Un chiffre à examiner en tenant compte du fait que l'avenant a été publié en cours d'année, et que la plupart des adhésions à l'option qu'il propose ont été signées entre avril et juin, selon les indications de la CNAM et des différentes URCAM (unions régionales des caisses d'assurance-maladie) contactées par « le Quotidien ».
Si l'on considère arbitrairement que les médecins généralistes ont adhéré en moyenne en mai, cette somme de 8,3 millions d'euros correspond grosso modo à 20 % des 2/3 des revenus (consultations et visites) de ces généralistes pour l'année 2007. En rythme annuel plein, on peut donc estimer le coût du dispositif pour l'assurance-maladie à environ 12,4 millions d'euros (sur la base de 562 adhérents).
Attraction relative
Quinze primo-installés dans des zones déficitaires (c'est-à-dire qui n'y avaient jamais vissé leur plaque auparavant) ont bénéficié des dispositions de l'avenant 20. Se seraient-ils installés dans ces mêmes zones sans l'attrait d'une rémunération supplémentaire ? Impossible de le dire avec certitude, mais il est malgré tout raisonnable de penser que c'est le cas pour un certain nombre d'entre eux. Mais même si l'on considère que les 15 médecins se sont installés en zone déficitaire « appâtés » par les avantages de l'avenant 20, il s'agit là d'un relativement maigre résultat. Certes, cet avenant a été tout autant élaboré pour attirer de nouveaux médecins dans les zones déficitaires que pour y maintenir ceux qui y exerçaient déjà, mais certains responsables d'URCAM ne cachent pas leur scepticisme. Tel responsable indique ainsi au « Quotidien » que «plus tôt cette mesure cessera et mieux cela vaudra car elle crée surtout des effets d'aubaine. De plus, les zones déficitaires sont par nature évolutives: un seul médecin en plus, et elles peuvent sortir de la cartographie, du moins en principe. Car, dans la pratique, une fois que vous y êtes, vous y restez». Tel autre assure que, dans sa région, «l'opération n'a pas eu trop de succès, sans doute à cause des critères trop restrictifs comme le regroupement».
Il reste que les règles du jeu pourraient prochainement changer. En effet, selon un responsable d'URCAM, le ministère de la Santé aurait un projet de nouveau découpage des zones sous-médicalisées basé sur les bassins de vie, et non sur les cantons, ce qui pourrait changer la donne et notamment le nombre et la localisation des médecins concernés par la mesure.
L'avenant 20, région par région
Toutes les URCAM n'ont pas été en mesure de répondre aux questions du « Quotidien ». Nous publions néanmoins les renseignements qui nous ont été fournis.
Alsace:
Pas de ZSM (zone sous-médicalisée) en Alsace, donc pas d'adhérents... La densité demédecins généralistes reste importante en Alsace.
Aquitaine:
Les Landes comptent 4 adhérents, les Pyrénées-Atlantiques 9, plus 2 depuis 2008.
Le montant de l'aide forfaitaire versée est de 187 771 euros.
Bretagne:
Quatre-vingt-dix-sept médecins exercent en ZSM et 52 y sont installés en groupe. La Bretagne a reçu 47 demandes et en a accepté 38.
Centre:
Le Cher comptabilise 30 adhésions, l'Indre 2, le Loir-et-Cher et le Loiret 6 chacun.
Les médecins exerçant en ZSM ont été avertis par la CPAM par courrier.
Champagne-Ardennes:
Les Ardennes ont enregistré 5 adhésions, l'Aube 9, la Marne 10, la Haute-Marne 8. Il y a 2 primo-installés dans l'Aube.
Franche-Comté:
En tout, 41 adhérents, dont 6 installations après la publication de l'avenant, et 4 installations dans les cinq années précédentes. Il y a 23 adhérents dans le Doubs, 11 adhérents dans le Jura et 7 adhérents dans la Haute-Saône.
Île-de-France:
Il y a eu 4 adhésions en Seine-et-Marne, 1 adhésiondans les Yvelines, 3 dans l'Essonne, 17 dans la Seine-Saint-Denis et 9 dans le Val-d'Oise.
Languedoc-Roussillon:
Dix adhérents. Le premier a adhéré le 29 mars, le dernier le 31 octobre. Les médecins éligibles ont été avertis de l'opportunité par courrier des CPAM, ainsi que ceux dont le cabinet se trouvait proche d'une zone déficitaire. Les 10 médecins adhérents ont perçu conjointement 82 000 euros de l'assurance-maladie au titre de cette option.
Limousin:
Il y a 2 ZSM dans le Limousin, 1 dans la Corrèze et 1 dans la Creuse, mais aucune adhésion à l'avenant 20 dans cette région n'a été enregistrée.
Lorraine:
Trente-deux adhérents, dont 1 installation après la publication de l'avenant et 2 installations dans les cinq années précédentes.
Midi-Pyrénées:
Il y a eu 14 adhésions dans l'Ariège, 7 dans l'Aveyron, 4 dans la Haute-Garonne, 6 dans le Gers, 5 dans le Lot, 5 dans les Hautes-Pyrénées, 2 dans le Tarn, 2 en Tarn-et-Garonne. Le coût total pour la région en 2007 est de 504 338 euros.
Basse-Normandie:
Dix-huit médecins ont souscrit à l'option de l'avenant 20. L'URCAM a écrit à tous les médecins éligibles pour les avertir de la possibilité.
Haute-Normandie:
Vingt-trois médecins ont souscrit à l'option, dont 2 primo-installants. Les CPAM (caisses primaires) ont fait la promotion du dispositif auprès des praticiens concernés. Soixante médecins exercent en ZSM dans la Haute-Normandie, mais tous n'exercent pas, et de loin, en groupe. Selon l'URCAM, ce chiffre de 23 médecins n'évolue quasiment plus.
PACA:
Pas de ZSM, donc pas d'adhérents à l'option.
Rhône-Alpes:
Quarante-quatre adhésions parmi lesquelles 2 correspondent à des installations après la publication de l'avenant 20, et 13 à des installations remontant à moins de cinq ans.
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