AVEC 475 MILLIONS d’euros d’économies réalisées de janvier à la fin août grâce à la maîtrise médicalisée, «l’année 2006 se présente sous des auspices favorables», a assuré le directeur général de l’assurance-maladie en présentant un bilan d’étape. «Une vraie dynamique collective s’est instaurée grâce à l’assurance-maladie, aux médecins et aux assurés, mais il faut la maintenir, voire l’amplifier, pour atteindre nos objectifs en fin d’année», a nuancé Frédéric van Roekeghem.
Il est vrai que, sur les huit premiers mois de l’année, les économies déjà engrangées ne représentent que 60 % de l’objectif final de 791 millions d’euros pour 2006, qui avait été fixé en mars dernier par l’avenant conventionnel n° 12 (signé par l’assurance-maladie, les syndicats Csmf et Alliance). C’est pourquoi les délégués de l’assurance-maladie (DAM) feront encore des piqûres de rappel à la maîtrise, chez les médecins libéraux, d’ici à la fin de l’année, après avoir déjà cumulé plus de 110 000 visites dans les cabinets de ville à la fin de l’été. En 2005, la maîtrise médicalisée avait déjà fait économiser à la Sécu 722 millions d’euros, alors que la convention prévoyait un objectif de près de 1 milliard.
Dans le détail, la maîtrise médicalisée fonctionne toujours à plusieurs vitesses, selon les différents postes (voir tableau), mais aussi «selon les régions et selon les médecins», précise la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam). Comme le montrait un premier bilan de la caisse (« le Quotidien » du 31 août), la maîtrise a en fait déjà atteint, voire dépassé, sa cible sur certains postes. Les économies liées à l’infléchissement des arrêts de travail sont supérieures aux espérances (230 millions d’euros à la fin août, contre 190 millions attendus sur l’année). Les dépenses d’indemnités journalières ont diminué de 3 % sur la période, tandis que le nombre de journées indemnisées a baissé de 4,9 %. Les postes de dépenses de plusieurs familles de médicaments évoluent eux aussi très favorablement : les antibiotiques (en recul de 9,4 %), les psychotropes (– 6,8 %) et les statines (– 3,5 %, alors que la Sécu visait une simple stabilisation cette année).
Le coup de frein sur les remboursements de statines est d’autant plus remarquable que ceux-ci ont connu auparavant «de très fortes augmentations», de l’ordre de «15% par an sur la période 2000-2004», relève la Cnam. Cela résulte de plusieurs facteurs combinés : «Le recours de plus en plus fréquent aux génériques», «des dosages mieux adaptés» et l’effet volume grâce aux médecins qui ont moins prescrit (baisse de 9 % du nombre d’instaurations de nouveaux traitements anticholestérol au premier semestre 2006 par rapport au premier semestre 2005). Si «on avance dans une bonne direction», selon les termes du médecin-conseil national Hubert Allemand, il y a encore du grain à moudre en matière de statines. En effet, selon la Cnam, encore «plus de 25% des médicaments prescrits en première intention correspondent à des dosages ou à des médicaments qui devraient être réservés à des prescriptions de seconde intention». En outre, «80% des nouveaux traitements recourent à des molécules qui ne sont pas génériquées».
Certains thèmes de maîtrise médicalisée enregistrent des «résultats plus modestes», tout simplement parce qu’ils ont été ajoutés cette année : c’est le cas des médicaments inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) et des transports sanitaires (accélération de la hausse des dépenses de + 8,4 points).
Enfin, le directeur général de la Cnam a souligné les insuffisances de la maîtrise médicalisée des dépenses liées aux affections de longue durée (ALD), sur lesquelles «il reste très clairement des marges».
A la fin août, les économies réalisées grâce au meilleur respect des règles de l’ordonnancier bizone s’élevaient à 71 millions d’euros, un chiffre bien en deçà de l’objectif de 292 millions fixé par l’avenant n° 12 sur l’ensemble de l’année 2006. Cet accord vise à diminuer de 4 points l’évolution tendancielle des dépenses prises en charge à 100 % rapportées aux dépenses totales remboursées aux personnes en ALD. Sur les huit premiers mois de l’année, ce rapport a décru de 1,3 point seulement.
La Cnam déplore que «15% des médicaments prescrits pour six affections de longue durée ont été remboursés à 100%, alors qu’ils ne devaient pas l’être», du fait de l’absence de lien avec la pathologie considérée. La méconnaissance ou violation des règles ALD est inégale chez les médecins généralistes. La caisse nationale a repéré «600 médecins» qui inscrivent à tort dans la partie haute de leurs ordonnances bizone 55 % des prescriptions de médicaments destinés à des patients en ALD. Un quart des généralistes commettent moins de 8 % d’erreurs en la matière, tandis qu’un autre quart en font plus de 19 %. Les entorses aux règles ALD varient aussi selon les départements. L’Aisne et la Meurthe-et-Moselle font figure de bons élèves (avec 8 % de prescriptions remboursées à tort à 100 %), tandis que, dans d’autres départements, le taux de prescriptions déviantes dépasse 20 % (Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Paris - Seine-Saint-Denis et Corse).
En outre, la Cnam a engagé une réflexion plus générale sur la prise en charge à long terme des quelque 8 millions de personnes en ALD, considérée comme «un enjeu croissant sur le plan sanitaire et économique» (60 % des dépenses totales d’assurance-maladie). La caisse, qui souhaite à l’avenir proposer un accompagnement personnalisé aux patients souffrant d’une ALD (sur le modèle du disease management), a passé au crible ses remboursements pour ces pathologies, dont le montant moyen est évalué à 7 068 euros par personne et par an. Alain Weill, l’un des auteurs de l’étude publiée par la Cnam, observe «l’extrême hétérogénéité des situations», le coût individuel de traitement d’une ALD oscillant de 3 400 euros par an pour la spondylarthrite ankylosante à 26 500 euros pour l’hémophilie. Les dépenses atteignent en moyenne 5 910 euros pour un diabétique, 6 348 euros pour une affection cardio-vasculaire, 8 572 euros pour une tumeur maligne et 9 713 euros pour un malade psychiatrique. Mais, pour la même pathologie, la Cnam constate de fortes variations en fonction du stade de gravité de la maladie et de sa nature (type de cancer). Depuis l’avenant n° 12, la Cnam compte utiliser davantage le dispositif du médecin traitant pour mettre en place des programmes de prévention thématiques (cancer du sein, lutte contre l’iatrogénie…).
Bilan d’étape de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé en 2006 |
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Objectif d’évolution annuel |
Taux à la fin août 2006 |
Rappel objectifs d’économies sur l’ensemble de l’année 2006 (tous régimes) en millions d’€ |
Montant des économies tous régimes, effectives à la fin août 2006 en millions d’€ |
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Arrêt de travail | - 1,0 % | - 3 % | 190 | 230 |
Total médicaments | 222 | 173 | ||
Antibiotiques | - 10,0 % | - 9,4 % | 63 | 36 |
Statines | 0,0 % | - 3,5 % | 93 | 95 |
Psychotropes | - 5,0 % | 6,8 % | 13 | 13 |
Anti-ulcéreux (IPP) | - 2,0 % | - 0,9 % | 28 | 12 |
Génériques 8,4 pts | 126 | 90 | ||
Génériqueséléments correctifs* | - 101 | - 72 | ||
ALD (médecins libéraux) | - 4 pts | - 1,3 pt | 292 | 71 |
Acbus (antiagrégants plaquettaires, coloscopies après polypectomie) | 49 | 0 | ||
Transports sanitaires | - 3,0 % | + 8,4 % | 38 | 0 |
Total | 791 | 475 | ||
* Déduction de leffet de substitution comptabilisé sur les autres postes |
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