« Ecchymoses », d'Audrey Dupont

4 portraits, 4 cris contre la souffrance

Publié le 02/10/2007
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

PAR LA DENSITÉ du propos, la rythmique des mots à « maux », ce livre lancerait presque un défi au DSM-IV ! Sous la plume d'Audrey Dupont, toujours très poétique, parfois caressante, souvent spasmodique et déconcertante, Clémence, Adèle, Léa et Albane optent chacune pour un exercice solitaire de contre-plongée, afin d'explorer leur maladie ou leur folie. Loin d'être englués dans une jouissance du pathos, ces quatre monologues s'interpellent sans jamais se croiser, tout en faisant, chacun à leur manière, acte de résistance. Car les bleus à l'âme de ces femmes-là ne sont pas de ceux qui s'estompent en quelques semaines !

Celui de Léa, victime d'inceste, est inscrit dans sa chair et c'est avec toute la violence dont elle est capable qu'elle harangue son «geôlier de l'innocence perdue». Un cheminement personnel, l'acceptation de son désir de vengeance puis la reconstruction la conduiront à «la délivrance», par l'écriture. Adèle, pour sa part, souffre de son double. A moins que ce ne soit cet Autre qui ne souffre d'Adèle. Allez savoir. Toujours est-il que ce dont elle et son Autre pâtissent le plus, puisqu'Adèle est schizophrène, est sans aucun doute d'une incommunicabilité avec le psychiatre. «A croire, se dit Adèle, qu'il a appris par coeur le livre des formules qui m'énervent! Comment ça se passe: il lit un chapitre le soir avant de se coucher ou il a une antisèche planquée sur son bureau?» La jeune femme n'aura donc d'autres ressources que de puiser au fond d'elle-même les moyens d'une pseudo-réunification, transformant son monologue en dialogue imaginaire.

Pour Léa, qui se bat avec l'angoisse de la page blanche, l'affaire n'est pas forcément plus aisée. Elle ne veut pas de phrases creuses garnies de mots sublimes. Car, «là, juste en face, il y a ce miroir de papier blanc». Comme tout écrivain digne de ce nom, c'est la soif d'absolu qui l'anime. Elle veut faire oeuvre ou rien.

Mais c'est à Albane, que l'auteure donne le mot de la « faim ». Une faim de vivre qui va se muer en besoin de mettre dignement fin à sa vie, car cette jeune femme, leucémique, se sait perdue. Audrey Dupont, qui manie aussi bien le texte poétique que le récit, termine ce dernier monologue sur une note théâtrale et peut-être même cinématographique. En postface, elle explique que ses textes accepteraient certainement une traduction picturale (peinture et photographique). Mais, pour l'heure, c'est bien une adaptation théâtrale qui est sur les rails. A suivre.

« Ecchymoses », collection Les Soeurs Océanes, Jean-Pierre Huguet éditeur (www.editionhuguet.com), 140 pages, 14 euros.

> CAROLINE FAESCH

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8228