«D E manière générale, la mise en place de la RTT n'a pas provoqué de grande révolution. Mais on a l'impression qu'elle peut être un bon instrument pour établir une meilleure conciliation entre la vie familiale des salariés et leur vie professionnelle », estime Dominique Méda, l'un des auteurs de l'étude réalisée par la direction de la Recherche, des Etudes et des Statistiques (DARES) du ministère de l'Emploi.
Un an après la mise en place de la RTT dans le monde salarial, il est encore difficile de tirer un bilan exhaustif du changement apporté par l'adoption des 35 heures.
Toutefois, cette enquête menée entre novembre 2000 et janvier 2001 auprès de 1 618 salariés « ayant connu une RTT depuis au moins un an » donne quelques orientations sur le sentiment des travailleurs. Globalement, 59 % d'entre eux considèrent que les effets de la RTT sur leur vie quotidienne, « aussi bien au travail qu'en dehors du travail », sont allés plutôt dans le sens d'une amélioration, 13 % plutôt dans le sens d'une dégradation et 28 % jugent que « cela n'a rien changé ».
Plus le niveau social est élevé et plus la perception d'une amélioration de la vie quotidienne est fréquente, note l'étude. Les femmes sont en outre légèrement plus nombreuses que les hommes à déclarer bénéficier de cette amélioration. C'est aussi celles qui manifestaient, a priori, le plus d'enthousiasme face à cette nouvelle organisation du travail.
Une intensification des cadences
« En revanche, précise Dominique Méda, lorsque nous évoquons les seules conditions de travail, les salariés sont moins satisfaits. » Pour 46 % des salariés interrogés, la RTT n'a en effet pas sensiblement modifié les conditions de travail. Un quart d'entre eux déclarent même avoir connu plutôt une dégradation. « Je ne pense pas que l'on puisse déjà mesurer les effets de la RTT sur la santé des salariés, relève Françoise Piotet, chercheuse au CNRS et professeur à l'université Paris-I. Ce qu'on commence à voir dans certaines entreprises, c'est que la RTT s'est accompagnée d'une intensification du travail ». La sociologue parle d'une chasse au temps des salariés, tandis que les entreprises n'ont pas réduit leurs objectifs de productivité. « Cette intensification du travail, reprend-elle, a forcément des effets sur la tension et sur l'investissement intellectuel et physique des salariés. La question devient : combien de temps va-t-on pouvoir tenir la cadence? »
Par ailleurs, l'exigence accrue de polyvalence, ressentie par près d'un salarié sur deux, selon l'étude de la DARES, est fréquemment associée à l'intensification du travail. Celle-ci est plus souvent évoquée chez les cadres. « Mais par rapport aux employés les moins qualifiés, ajoute Dominique Méda, ce sont quand même eux qui arrivent à tirer leur épingle du jeu. Ils disposent d'une plus grande marge de manœuvre et disent mieux s'organiser depuis la RTT. Ils ont plus le contrôle de leur temps. »
L'étude note que près du tiers des salariés se disent stressés dans leur travail. Le surcroît de stress touche plus les femmes, en particulier non qualifiées. « Le travail devient plus dur aujourd'hui, reconnaît Françoise Piotet. Le stress provient principalement de deux sources contradictoires. D'une part, les salariés supportent un contrôle accru de leur travail, et d'autre part, on leur demande de faire preuve de plus d'autonomie et d'endosser plus de responsabilités ».
Plus de temps avec les enfants
Selon elle, cette nouvelle condition de travail n'est toutefois pas le seul reflet de la mise en place des 35 heures mais celui, plus général, d'une évolution de la société de consommation.
Le sentiment d'amélioration repose donc essentiellement sur la vie quotidienne, en dehors du travail. L'étude souligne que près de la moitié des parents d'enfants de moins de 12 ans déclarent passer globalement plus de temps avec leurs enfants depuis la RTT. Au total, un tiers des personnes interrogées estiment que la conciliation du travail est devenue plutôt facile depuis la RTT.
Pour autant, la division traditionnelle des tâches n'a pas beaucoup évolué. Plus d'un salarié en couple sur deux a discuté avec son conjoint des répercussions de la nouvelle organisation sur leur vie quotidienne, mais seulement un quart a été amené à parler de la répartition des activités domestiques : bricolage et jardinage pour les hommes, rangement de la maison, ménage et courses pour les femmes. En dehors de ces activités domestiques, constate l'étude, les salariés ont surtout mis à profit le temps dégagé par la RTT pour se reposer : c'est le cas de quatre femmes sur dix et d'un homme sur trois.
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