Il y a huit jours, l'ensemble des agents et des médecins travaillant dans le millier d'hôpitaux publics français sont passés aux 35 heures. Aucun ne s'en est aperçu.
Pour les praticiens, la situation n'a rien d'extraordinaire. Depuis que, en octobre, ils ont arrêté avec le ministère de l'Emploi et de la Solidarité les modalités de leur réduction du temps de travail (RTT), ils savent que la RTT va se faire progressivement. Ils ont compris que, dans un premier temps, ils n'auront d'autre choix que d'accumuler sur un compte-épargne-temps les 20 jours de congé gagnés grâce aux 35 heures. Pour l'instant, des textes précis qui encadrent l'opération manquent, mais le dispositif sera, c'est prévu, rétroactif au 1er janvier. Le retard est donc de peu de conséquence pour le corps médical.
Du côté du personnel, les choses sont moins simples. Les compteurs RTT ont bien été mis en marche le 31 décembre 2001 à minuit - comme pour les médecins, les futurs accords seront rétroactifs -, mais une toute petite minorité des 780 000 agents de la fonction publique hospitalière sait aujourd'hui à quelle « sauce 35 heures » elle va être mangée. Les quelque 70 000 personnels de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui décideront de signer ou non un accord avec leur direction le 17 janvier, n'en font pas partie, contrairement à ce que laissait entendre le quotidien « le Parisien » dans son édition du 7 janvier.
Le cadrage national arrêté à l'automne par le gouvernement et quatre syndicats - le protocole d'accord du 24 septembre - devait être appliqué dans chaque hôpital par le biais de négociations locales. Or si elles ont été ouvertes dans presque tous les hôpitaux (il y a des réfractaires, comme le CHU de Clermont-Ferrand), quelques-unes seulement ont abouti. Certaines, c'est étonnant, se sont d'ailleurs soldées par le ralliement de syndicats non signataires du protocole national, comme la CGT et Force ouvrière.
Au total, peu après Noël, la direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des soins (DHOS) estimait que « quelques gros CHU comme Poitiers ou Lyon et une vingtaine de centres hospitaliers » étaient parvenus à un accord. Depuis, période de fêtes oblige, les choses n'ont guère évolué, et même les établissements les plus avancés n'ont pas commencé à appliquer concrètement les 35 heures. Dans chaque région, les hôpitaux où direction et personnels ont trouvé un terrain d'entente sur la RTT (et parfois seulement sur la méthode à suivre pour mettre en oeuvre la RTT) se comptent sur les doigts de la main. En Midi-Pyrénées, par exemple, les discussions ne sont closes que dans deux centres hospitaliers : celui de Tarbes et celui de Lourdes.
Les 35 heures flottent et cela n'a rien de surprenant. D'abord parce que certains textes nationaux précisant leur application se font toujours attendre. Les décrets organisant les nouvelles astreintes et les comptes-épargne-temps des personnels n'ont toujours pas été publiés et ne le seront pas avant la fin du mois de janvier (le conseil d'Etat a refusé d'avaliser le second pour des questions de forme).
La RTT, ce n'est pas le passage à l'euro
Ensuite parce que le gouvernement a donné du mou à l'opération. Les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) ont reçu la consigne de laisser aux directeurs d'hôpital jusqu'à la fin de février pour négocier. Le fait que la distribution des moyens dévolus aux 35 heures de la fonction publique hospitalière (45 000 emplois) soit étalée sur trois ans n'arrange rien à la lisibilité de l'affaire. « La RTT, ce n'est pas le passage à l'euro, résume Emmanuel Goddat, du Syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH) ; son application va prendre quatre ou cinq ans. »
Dans certains établissements, cette difficulté a été contournée par la décision de renégocier chaque année les conditions de mise en œuvre des 35 heures.
En toute logique, la fin des congés de Noël devrait sonner le réveil du mécontentement hospitalier. Car la réprobation que suscitent les 35 heures telles qu'elles sont prévues et surtout les moyens qui leur sont alloués s'ajoutent aux inquiétudes soulevées, à la fin de l'année dernière, par l'annonce des budgets de 2002. « Avant les vacances, le contexte était extrêmement tendu », analyse le Dr François Aubart, président de la CMH (coordination médicale hospitalière). « Les hospitaliers commencent à voir le côté concret des choses, à toucher du doigt ce que les 35 heures vont signifier pour eux. La rentrée s'annonce difficile », ajoute Nadine Prigent, la secrétaire générale de la fédération santé de la CGT.
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