E N théorie, c'est ce soir ou tôt demain matin que la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou, a prévu de boucler la négociation sur le passage aux 35 heures des agents de la fonction publique hospitalière.
En pratique, l'affaire pourrait bien prendre un peu plus de temps que prévu et se prolonger jusqu'à demain, peut-être même jusqu'à vendredi soir, avec une ou deux réunions supplémentaires. Car les discussions ont pris du retard. La faute à un calendrier trop serré. La faute à la multiplication des sujets d'achoppement, au fur et à mesure que les débats avancent. La faute aussi à l'extrême circonspection de toutes les parties sur ce dossier. Le moment n'est jamais bon mais, à quelques mois des élections, il serait particulièrement mal choisi par le gouvernement pour mettre l'hôpital public dans la rue. Quant aux syndicats, ils ne doivent décevoir l'attente des personnels ni en signant ni en refusant de signer les propositions du ministère.
Quel terrain d'entente ?
Ainsi la CGT, qui se range pourtant parmi les plus hostiles au projet pour l'instant défendu par Elisabeth Guigou, reste sur une position ouverte : « Il faut aboutir sur cet accord. Compte tenu des spécificités de la fonction publique hospitalière et des défis que celle-ci aura à relever dans les années à venir, ne serait-ce qu'avec les massifs départs à la retraite qui s'annoncent, il n'y a pas trop le choix », résume la secrétaire générale de sa fédération santé, Nadine Prigent.
Pour que le gouvernement et les syndicats trouvent un terrain d'entente, il faudrait qu'ils viennent à bout d'un certain nombre d'obstacles. Le nombre d'emplois créés en accompagnement de la réduction du temps de travail (RTT) des 800 000 agents hospitaliers en est un particulièrement difficile à franchir. Elisabeth Guigou propose de recruter 40 000 nouvelles personnes en trois ans. Les syndicats espèrent qu'elle pourra aller jusqu'à 48 000. Et la question ne sera de toute façon abordée, la ministre l'a indiqué d'entrée de jeu, qu'en fin de négociation.
L'autre gros point de blocage est la définition de la durée annuelle du travail. Les pouvoirs publics ont accepté la semaine dernière de moduler pour l'hôpital leur proposition initiale de 1 600 heures annuelles, calquée sur le décret Sapin d'août 2000 sur la fonction publique. Ils suggèrent trois niveaux d'horaires différents : l'un de 1 575 heures pour les agents à repos fixe, l'un de 1 560 heures pour les agents à repos variable, le dernier de 1 540 heures pour les agents à travail de nuit.
Un premier pas
« C'est un premier pas, commente le secrétaire général de la fédération santé de la CFDT, François Chérèque, notre objectif reste 1 540 heures annuelles (durée calquée sur ce qui existe depuis plusieurs années pour le travail de nuit, NDLR) , mais il faut reconnaître qu'on est tout de même parti de 1 761 heures, passé par 1 600 heures pour arriver finalement à une proposition de 1 561 heures. » A la CGT, on est plus remonté : « Les références annuelles du gouvernement ne nous vont pas. Elles correspondent à une harmonisation qui tire tout le monde vers le bas et remettent l'acquis en cause », explique Nadine Prigent.
Lors de la dernière séance de négociation, un désaccord s'est également fait jour sur la RTT des cadres. Les pouvoirs publics ont eu beau mettre de l'eau dans leur vin, inscrire cadres et directeurs dans la nouvelle mouture de leur projet d'accord, le compte n'y est toujours pas selon les syndicats. « Nous réclamons plus que les 18 jours de compte épargne temps que l'on nous propose », indique-t-on au SNCH (Syndicat national des cadres hospitaliers). Enfin, la définition du travail effectif, les comptes épargne temps, les astreintes, le temps de travail des personnels de nuit (que les syndicats voudraient faire passer de 35 à 32 heures)... constituent autant de sujets sur lesquels les négociateurs doivent encore accorder leurs violons.
Lézardes
Pari impossible ? La CFDT n'en est pas persuadée. « On est au milieu du gué. La négociation est difficile parce que les enjeux sont importants, mais elle se passe bien », estime François Chérèque. La CGT est beaucoup plus pessimiste. « Dans ce qu'on nous propose, je ne vois rien qui tienne compte de la situation particulière de l'hôpital. Quand j'entends des agents qui n'ont pas plus de trois ans d'ancienneté dire qu'ils voudraient aller travailler ailleurs, quand je constate que 80 % des effectifs sont des femmes, je me dis que la RTT devrait être un moyen d'attirer les salariés à l'hôpital et de les y garder. Pour l'instant, on ne prend pas ce chemin ! », s'indigne Nadine Prigent.
En entamant les négociations à la fin du mois d'août, les huit syndicats participants avaient constitué un front uni face au gouvernement. Dix jours plus tard, même si la menace d'une manifestation nationale commune le 20 septembre continue d'être brandie, l'édifice se lézarde. CGT d'un côté, CFDT de l'autre : le clivage se fait selon une frontière qui n'a rien d'original.
FO : un rôle déterminant ?
Au petit jeu du « signera, signera pas ? » et alors qu'il sera politiquement difficile à Elisabeth Guigou de passer en force sur ce dossier en se contentant d'une seule signature « lourde », FO pourrait jouer un rôle déterminant. En effet, étant donné la configuration du paysage syndical à l'hôpital - dans un ordre de représentativité décroissant, la CGT, la CFDT puis FO se partagent le gâteau ; les cinq autres organisations présentes dans le secteur ne recueillent pas, à elles toutes, plus de 15 % d'adhésions -, l'organisation de Marc Blondel est capable de faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre. Or, « sans vouloir préjuger de la fin de la négociation », les responsables de la fédération santé de Force ouvrière affirment qu' « en l'état actuel des choses, il est hors de question de signer un accord ». De quoi inquiéter des pouvoirs publics par ailleurs titillés dès aujourd'hui par des manifestations d'hospitaliers.
Car, sans attendre la journée d'action programmée par les syndicats, la coordination Priorité Santé, qui revendique 3 000 adhérents, a appelé les agents à faire grève. En province, notamment en Haute-Garonne, à Lille, à Bourges ou à Nice, des manifestations sont également prévues à l'initiative des responsables locaux de la CGT ou d'intersyndicales plus larges.
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