Les quatre intersyndicats de médecins hospitaliers ont signé avec le ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner, un protocole d'accord sur la réduction du temps de travail (RTT) du corps médical hospitalier.
Il y a deux mois, personne, ni au ministère, ni parmi les syndicats, n'aurait parié un euro sur cet événement. « On était parti pour ne pas signer ! », a d'ailleurs lancé en souriant Bernard Kouchner à l'issue des négociations. Que l'INPH (Intersyndicat national des praticiens hospitaliers), la CMH (Coordination médicale hospitalière), le SNAM (Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des hôpitaux publics), et surtout la CHG (Confédération des hôpitaux généraux) aient unanimement adhéré aux dernières propositions du gouvernement constitue une surprise à plusieurs titres.
Le gouvernement réussit d'abord avec les médecins ce qu'il n'avait pas pu faire avec les agents de la fonction publique hospitalière. Rappelons que, pour le passage aux 35 heures de ces 800 000 fonctionnaires, l'Etat a dû se contenter d'un accord très minoritaire (les signataires ne représentant que 35 % des personnels de l'hôpital). Bernard Kouchner, en signant avec les PH, n'a pas hésité à mettre l'accent sur « l'unanimité syndicale peu fréquente dans notre pays dont ont fait preuve les médecins sur le dossier des 35 heures », et a apprécié au passage que « la cohésion et l'esprit du corps médical (aient) été préservés » dans le texte paraphé.
Cette signature est le point d'orgue d'une histoire qui a mal commencé et qui finit bien. En effet, le ralliement des troupes médicales s'est produit tout à fait à la fin de la discussion, alors que les débats avaient été souvent très difficiles (par deux fois les syndicat ont quitté tous ensemble la table des négociations). « Comme dans les bonnes familles, la discussion ne fut pas toujours simple », a résumé Bernard Kouchner. Jusqu'à la fin, la CHG a menacé de ne pas signer ce protocole d'accord, considérant en particulier que le dispositif programmé allait « conduire à augmenter le temps de travail exigible pour tous les PH ». Ultime pirouette de discussions sous tension, au cours desquelles les médecins de l'hôpital sont allés jusqu'à la grève : la CHG, sous la pression de ses adhérents, et parce qu'elle ne voulait pas être exclue du comité de suivi du protocole, a signé. Et le bras de fer semble avoir une issue heureuse pour tous les protagonistes. Le gouvernement a pour lui le ralliement des médecins qu'il a pu faire valoir dès hier devant la représentation nationale en ouvrant le débat sur le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale). Quant aux syndicats, ils ont obtenu satisfaction sur beaucoup de points : on leur proposait 10 jours de RTT par an, ils en auront finalement gagné 20 ; leur temps de travail hebdomadaire ne pourra plus dépasser 48 heures, gardes comprises ; 3 500 postes de PH et d'assistants vont être créés (« le Quotidien » du 22 octobre.)
Des inquiétudes persistantes
Malgré cela, les uns comme les autres se gardent de tout triomphalisme. Bernard Kouchner a lâché beaucoup de lest au cours de la négociation et ne crie pas victoire. Parce qu'il sait bien, d'abord, que l'application du dispositif aura un coût. Autour de 1,4 milliard de francs, indique-t-on à la DHOS (Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins). Le ministre est bien conscient aussi que réduire leur temps de travail ne réglera pas tous les problèmes des médecins de l'hôpital, ni bien sûr ceux de l'institution dans son ensemble. « Il nous faut un projet hospitalier. L'hôpital a besoin d'un fonctionnement à la fois pérenne et adapté. Ce n'est pas le cas aujourd'hui », a-t-il insisté.
Les syndicats n'ont pas dit autre chose. S'ils ont salué « un bon protocole » (Dr François Aubart président de la CMH), « des avancées » (Dr Pierre Faraggi président de la CHG), « un accord loyal et de qualité » (Dr Rachel Bocher, présidente de l'INPH), « un changement d'état d'esprit » (Claude-François Degos, président du SNAM), ils ont aussi montré du doigt les limites du dispositif qui sera mis en place dans deux mois. « L'hôpital reste bloqué. Sa réorganisation reste en jachère et des problèmes de financement majeurs demeurent », a déploré le Dr Aubart. Rachel Bocher, elle, insiste sur les étapes qui devront suivre celles, importantes, de la signature de ce protocole de RTT. Le président du SNAM émet des doutes sur la capacité de l'hôpital a recruter 3 500 nouveaux médecins dans un contexte de démographie médicale fragile. Quand au Dr Faraggi, il s'inquiète : « C'est un chèque sur l'avenir que vient de nous signer le gouvernement. »
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