SÉGOLÈNE ROYAL a déclaré en riant l'autre soir qu' «on ne (l') avait pas épargnée». On l'approuvera sans réserves, mais en ajoutant qu'on n'a pas épargné davantage Nicolas Sarkozy, ni les épithètes les plus insultantes ni le contenu d'un hebdomadaire qui a multiplié ses ventes en le faisant passer pour fou. Il était temps que fût mis un terme à ces excès, à cette stridence, aux sarcasmes sexistes dirigés contre Mme Royal, aux folies éditoriales de la Toile, aux intempérances de langage auxquels se sont livrés quelques candidats, comme M. Le Pen, qui a abreuvé M. Sarkozy d'injures, au ridicule de trois ou quatre candidatures arborées avec arrogance par des femmes ou des hommes sûrs de perdre, à la démesure des propos tenus par trop de gens qui n'y entendent rien mais se découvrent un jugement parce qu'on leur tend un micro (merci la démocratie). On avait besoin d'une pause.
Une année particulière.
Chacun d'entre nous votera en fonction de ses convictions, parfois en fonction de sa filiation idéologique. Mais, dans l'ensemble, on peut établir que, cette année, les Français tiennent compte de la situation particulière dans laquelle se trouve le pays qui a absolument besoin d'un sursaut.
LA SEULE QUESTION QUI VAILLE PORTE SUR LA CAPACITE DU CANDIDAT A STIMULER LA CROISSANCE
Les dossiers de la maison France sont nombreux et volumineux. Ils sont compliqués. Ils exposent des maux et appellent des remèdes dont l'effet est incertain et peut même aggraver le mal. Aucun des candidats de la trilogie de tête n'est disqualifié pour résoudre les problèmes nationaux. Aucun n'est incompétent, aucun ne propose une révolution morale, économique ou sociale et tous admettent qu'il faut engager une réforme profonde.
Ce qui les oppose, c'est plutôt une évaluation de questions comme l'immigration, la laïcité, le nationalisme, l'égalité des chances, le niveau des retraites, le temps de travail, le système de santé, la fiscalité. Bien entendu, ces questions sont importantes, sans doute prioritaires. Mais, en définitive, le coeur de l'action politique pour les cinq années qui viennent, ce sera le chômage, le pouvoir d'achat et la croissance.
Les déficits publics doivent être certes comblés par la rigueur budgétaire ; mais cette rigueur sera moins douloureuse si la croissance nous aide à joindre les deux bouts. Des emplois doivent être créés (et des logements construits), et ils ne le seront que grâce à un supplément de croissance. Même les problèmes de sécurité, de délinquance, de racisme, d'intégration, de formation et d'éducation seront résolus plus facilement si le contexte économique est prospère.
De sorte que la question essentielle porte moins sur des sujets que nous qualifierons de « périphériques » (non parce qu'ils seraient négligeables, mais parce qu'ils sont dépendants de l'expansion économique), que sur la capacité du prochain président ou de la prochaine présidente à stimuler la croissance française et à en faire bénéficier les quelque huit millions de nos concitoyens qui ne travaillent pas ou qui, s'ils travaillent, ne parviennent pas à subvenir à leurs besoins essentiels.
La question centrale.
Je me permettrai de dire que c'est l'affaire centrale des élections présidentielle et législatives de cette année. D'abord parce que nous devons, collectivement, accorder aux chômeurs le droit de travailler et aux pauvres celui de sortir de la pauvreté. Ensuite parce que tout espoir de retourner à l'harmonie sociale sera vain si on ne réduit pas les inégalités en France. Enfin parce que la France ne peut jouer aucun rôle extérieur si on ne l'admire pas d'abord pour sa vigueur socio-économique.
L'unique question que l'électeur doive se poser dans le secret de l'isoloir est donc : lequel des douze candidats à la présidence est le mieux placé pour tirer la croissance, pour réduire le nombre de chômeurs, pour augmenter le pouvoir d'achat des plus pauvres ? Lequel a un projet crédible ? Lequel pourra appuyer son action sur une majorité ? Lequel court le moins de risques de commettre une erreur funeste qui aggraverait nos faiblesses économiques (on pense ici à la semaine de 35 heures) ? Lequel, enfin, s'affranchira suffisamment des dogmes, des habitudes, des scléroses, des complaisances pour lancer rapidement un programme efficace et durable ?
Ne comptez pas sur nous pour vous aider dans la réponse. Pendant sa campagne, Ségolène Royal a fait un va-et-vient constant entre son enracinement dans le Parti socialiste et son désir de se libérer de son influence. Il n'est pas impossible qu'elle mette en place un système de gouvernement qui élève le taux de croissance. Elle s'est montrée prête, néanmoins, à augmenter les impôts, ce qui n'est pas du tout la panacée. Au sujet de Mme Royal, on voudrait simplement être sûr qu'elle ne confonde pas la satisfaction de toutes les revendications avec l'investissement productif. Ce n'est pas du tout la même chose.
Nicolas Sarkozy, pour sa part, n'a pas consacré le temps le plus long de sa campagne aux questions de taux de croissance et de pouvoir d'achat. Il a d'abord promis une réduction volontaire de quatre points en cinq ans des prélèvements obligatoires ; il lui a fallu oublier cette proposition sans doute trop généreuse. Il faudra bien, néanmoins, qu'il applique les idées qu'il a exposées et qu'il relance l'économie par une diminution de la pression fiscale. Ce qu'on sait de lui, c'est en tout cas qu'il agira vite et fermement. La stimulation d'un pouvoir politique énergique sera à la fois nécessaire et bénéfique.
Mme Royal a la même force et elle l'a prouvé au cours d'une campagne qui aurait pu la briser mais l'a laissée fraîche, souriante et intacte. Ce qu'on sait d'elle, c'est qu'elle est assez autoritaire, peut-être pas moins que M. Sarkozy. Il nous faut un ou une président(e) qui ait de la poigne. La démocratie, ce n'est pas la mollesse.
François Bayrou dispose-t-il de ces qualités ? Peut-être. A-t-il fait de la croissance le centre de son action ? C'est un candidat sérieux qui n'acceptera jamais l'improvisation et qui peut appliquer un programme productif. Il nous semble cependant qu'on ne peut pas voter Bayrou sans se demander avec quelle majorité il va gouverner. Car il s'est coupé de la droite en faisant des avances à la gauche et la gauche lui a répondu clairement par la négative. Mme Royal a certes renoncé à un apport qui n'eût pas été négligeable, surtout entre les deux tours, mais qui risque aussi de lui faire perdre le report des voix de l'extrême gauche ; et, seul contre les deux mammouths, M. Bayrou, décidément, ne fait pas le poids.
Voter utile, c'est donc voter cohérent. On ne doit pas préférer Mme Royal parce qu'elle est belle, mais parce qu'on veut l'accompagner jusqu'au second tour ; on ne doit pas voter Sarkozy parce qu'il saura réprimer la violence, mais parce que sa connaissance des dossiers, son expérience et son pragmatisme peuvent donner l'espoir d'une France plus prospère. Voilà où se situe le choix. Il n'est nullement réducteur : la croissance est la clé de tout. Et l'histoire aujourd'hui s'écrit sous la forme d'options budgétaires.
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