LES CONDITIONNEMENTS extérieurs de tous les médicaments susceptibles de provoquer une somnolence, des troubles visuels, des vertiges ou une altération de la vigilance chez les conducteurs comporteront obligatoirement un signal d'alerte, conformément à un arrêté du ministère de la Santé du 18 juillet dernier*, auquel devront satisfaire les laboratoires pharmaceutiques d'ici à août 2006. Sur environ 7 000 spécialités actuellement commercialisées, 2 500 produits sont concernés.
Trois triangles de vérité.
Trois triangles équilatéraux avec liseré et voiture noirs, l'un sur fond jaune, l'autre orange et le troisième rouge, inciteront les personnes « conduisant des véhicules » ou les utilisateurs de « machines » sous médicament à la prudence, voire à l'abandon du volant. Ces pictogrammes « de vérité », dont l'idée revient au Pr Maurice Cara, de l'Académie de médecine, renforcent le devoir d'information auquel sont tenus les médecins vis-à-vis de leurs patients. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) vient d'adresser aux 96 580 généralistes du pays une brochure de 20 pages intitulée « Médicaments et conduite automobile : mise au point ».
Le triangle sur fond jaune est associé à la formule « Soyez prudent. Ne pas conduire sans avoir lu la notice ». Trente pour cent des antalgiques, 80 % des sirops antitoux et des remèdes contre le rhume, 100 % des antihistaminiques de deuxième génération, certains anti-inflammatoires, des antalgiques, des antigrippaux et quelques antinauséeux sont visés. Le jaune exprime, en somme, une mise en garde modérée, les produits « pouvant avoir des effets mineurs sur la conduite », dit au « Quotidien » le Dr Charles Guyon-Mercier, directeur du Centre d'études et de recherches en médecine du trafic, l'un des seize experts qui ont travaillé depuis 2003 pour l'Afssaps sur le texte de l'arrêté du 2 août 2005.
Le triangle sur fond orange, ou « niveau 2 », signifie « Soyez prudent. Ne pas conduire sans l'avis d'un professionnel de santé ». Sont visés les antihistaminiques de première génération, 60-70 % des anxiolytiques, 100 % des antidépresseurs, 90-95 % des anti-épileptiques, 100 % des antiparkinsoniens et 95 % des antidiabétiques (insulines et sulfamides). « En fait, le niveau 2 regroupe le gros bataillon des médicaments à problèmes », commente le Dr Mercier-Guyon. Les niveaux 1 et 2 représentent chacun 42-43 % des médicaments susceptibles d'altérer l'aptitude à la conduite.
Restent 15 % environ, qui seront marqués du triangle rouge, « niveau 3 », accompagné du libellé « Attention, danger : ne pas conduire. Pour la reprise de la conduite, demandez l'avis d'un médecin ». Il intéresse surtout « des produits ayant un effet très marqué pendant plusieurs heures ». Neuf hypnotiques sur dix sont de « niveau 3 ». Sont également concernés une poignée d'antalgiques, ainsi que des anxiolytiques sous forme injectable ou fortement dosés.
Le groupe de travail de l'Afssaps, composé de pharmacologue, pharmacinéticien, spécialistes en pharmacodépendance, cardiologie, médecin légiste, ophtalmologue et neurologue, devra passer au crible « les pommades et les médicaments dits sans risques » afin que les niveaux 1 et 2 soient complets.
La France joue un rôle important en Europe en matière de conduite automobile et de médicaments. Elle est le seul pays à disposer d'une réglementation, recommandée, certes, par la Direction des transports de la Commission de Bruxelles, mais toujours pas par la Direction générale de la santé de la même commission. D'après les données de la littérature, une exposition à un médicament potentiellement dangereux est retrouvée chez 10 % des accidentés de la route**.
* L'arrêté est publié dans « le Journal officiel » du 2 août 2005, avec la liste de tous les médicaments concernés.
** Selon une enquête portant sur 168 accidents de la route, réalisée dans le Sud-Est entre 1990 et 1993, un conducteur responsable de tôles froissées sur cinq a des benzodiazépines dans le sang contre un sur dix chez les automobilistes non fautifs.
Le triangle sur fond blanc dépassé
La nouvelle réglementation (arrêté du 18 juillet publié dans le « Journal officiel » du 2 août 2005), qui prendra son plein effet au milieu de l'été prochain, rend caduc l'arrêté du 5 mars 1999. Lequel avait le même objectif que le nouveau, sans toutefois proposer une graduation de l'alerte, comme les avis de Météo France. Il a banalisé l'unique pictogramme qui le caractérise - un triangle équilatéral noir sur fond blanc - que l'on retrouve sur les boîtes de 4 000 médicaments, y compris un vaccin infantile et un sirop pour nourrisson.
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