1910-1930 : les années folles du radium

Publié le 22/01/2003
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Thérapies d'antan

Au début du XXe siècle, la découverte du pouvoir thérapeutique des faibles doses de radium provoqua un engouement général pour ce produit pourtant, ô combien, dangereux. Cette frénésie fut déclenchée par les déclarations de nombreux scientifiques, tel le Dr C. G. Davis, qui écrivit dans le très sérieux « American Journal of Clinical Medicine » : « La radioactivité prévient la démence, réveille les nobles émotions, retarde le vieillissement et crée une vie joyeuse, pleine d'une splendide jeunesse. »

De nombreuses stations thermales se mirent à vanter les mérites de leur eau radioactive. Mais la radioactivité contenue par les eaux thermales décroissait jusqu'à disparaître après sa mise en bouteille. Il fallut trouver une solution pour permettre aux pauvres et aux infirmes de profiter des mérites de l'eau au radium sans avoir besoin de se rendre sur les lieux de cure. Ainsi, plusieurs sociétés américaines commercialisèrent de petites citernes contenant du radium et permettant de produire de l'eau radioactive chez soi. Afin de protéger les consommateurs des charlatans, l'American Medical Association exigeait que ce type de système délivre au moins 2 microcuries par litre d'eau et par vingt-quatre heures. Le premier et le plus populaire de ces systèmes est le Revigator (brevet de 1912) présenté comme « une source perpétuelle de santé dans le foyer ». L'inventeur de ce produit, R. W. Thomas, n'était pas apparenté à Thomas Edison, mais il possédait le même génie, tout au moins selon les brochures publicitaires du Revigator.
Parallèlement, l'industrie pharmaceutique mit sur le marché des médicaments de toutes sortes à base de radium, certains soignant la bronchite (Tubéradine), d'autres facilitant la digestion (Digéraline) ou encore luttant contre la fatigue (Vigoradine).

Une crème de beauté antirides

Dans le domaine des cosmétiques, la société française Tho-Radia commercialisa une crème de beauté antirides contenant du bromure de radium. « Reste laide qui veut ! », disait la réclame. On trouvait également dans le commerce des accessoires en caoutchouc radioactifs (ceintures, mentonnières, « affine-nuques »...) vendus pour leur vertu amaigrissante. Le fabricant recommandait de les porter une demi-heure par jour, durée suffisante pour constater leur efficacité. Même les nourrissons pouvaient profiter des bienfaits du radium, grâce à la laine Oradium, recommandée pour tricoter la layette de bébé.
Personne ne doutait de l'effet bénéfique de tous ces produits : « Le radium : les scientifiques l'ont découvert, les gouvernements l'approuvent, les médecins le recommandent, les utilisateurs adhèrent à sa consommation, nous le garantissons, il est certain que c'est bon », affirmait la société Radium Health Product.
Heureusement, la majorité de ces « médicaments » étaient vendus à des prix exorbitants et ne contenaient qu'une dose extrêmement faible de radioactivité, ce qui limita les conséquences potentiellement dramatiques de cette folie touchant les industriels et les consommateurs.

La prise de conscience

Ce n'est qu'au début des années 1930, à la suite du décès d'un richissime industriel américain, Eben Byers, qu'une prise de conscience s'amorça : l'exposition à des doses de radium trop importante avait des conséquences délétères, voire mortelles.
Eben Byers avait consommé très régulièrement, pendant cinq ans, une potion au radium nommée Radithor. Ce breuvage était censé guérir tous les maux, des troubles digestifs à l'impuissance en passant par l'hypertension. Le Radithor avait été prescrit à Byers pour soigner une blessure qui ne cicatrisait pas. Chaque flacon de Radithor contenait environ un microcurie de radium et Byers en consommait plusieurs par jours. Persuadé des vertus bienfaisantes de cette potion, il la conseilla à son entourage et en administra même à ses chevaux de course. Cependant, au bout de trois ans et demi de traitement, Byers commença à se plaindre de maux de tête et de dents et à maigrir. Le radium qu'il avait ingéré provoqua une destruction progressive de son ossature. Son autopsie montra que ses os, ses dents et la plupart de ses organes étaient radioactifs. Il a été estimé que Byers avait consommé de 1 000 à 1 500 bouteilles de Radithor au cours de sa vie, soit trois fois la dose létale si elle lui avait été administrée en une seule fois !
Le Laboratoire Bailey, fabriquant du Radithor fut alors contraint à fermer. Les produits au radium disparurent peu à peu des étagères des apothicaires et les associations médicales réclamèrent la mise en place d'une réglementation pour la commercialisation des produits contenant des substances radioactives.
Pourtant, certains produits délivrant des doses non négligeables de radioactivité et destinés au grand public ont continué à être fabriqués jusqu'à nos jours. On peut en particulier citer l'existence d'un système japonais, la plaque NAC, se présentant sous la forme d'une feuille de métal de la taille d'une carte à jouer, recouverte de radium sur une face. Cette plaque est conçue pour être glissée dans un paquet de cigarettes dans lequel les radiations émanant du système vont « dénaturer et réduire la nicotine, le goudron et les gaz dangereux sans affecter le goût original du tabac ».

Sources Internet : www.orau.com/ptp/articlesstory/quackstory.htm et www.laradioactivité.com. Et aussi « la petite boutique du radium » du musée Curie, à Paris.

Un saut dans le présent

Jusqu'à la fin des années 1960, la curiethérapie a été réalisée à l'aide du radium, qui se présentait sous forme d'aiguilles ou de tubes. Il a ensuite été abandonné au profit, essentiellement, de deux éléments artificiels, le césium 137 et l'iridium 192.
L'iridium se présente sous forme de fils en platine iridié ; il est introduit dans une aiguille ou un capillaire en plastique mis au contact de la tumeur. Sa période est de 74 jours, d'où la nécessité d'un renouvellement des fils tous les deux mois.
Le césium se présente sous forme de grains introduits dans des gaines métalliques placées à proximité de la tumeur.
On distingue :
- la curiethérapie interstitielle : le radioélément est mis dans le tissu lui-même (lèvre, langue, peau) ;
- la curiethérapie endocavitaire : il est mis dans les cavités naturelles (vagin, utérus).

Elodie BIET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7258