L'EXPOSITION PROFESSIONNELLE aux rayonnements solaires concerne principalement les métiers du bâtiment et des travaux public, de la mer (pêcheurs, marins, moniteurs de sports nautiques...), de la montagne (guides, moniteurs de ski) et du secteur de l'agriculture. En France, selon les estimations rapportées dans la base de données internationale Carex (Carcinogen exposure) pour la période 1990-1993*, les rayonnements solaires viennent en tête des agents cancérogènes incriminés : ils concernent 1,5 million de travailleurs sur les 5 millions potentiellement exposés, devant le tabac (1,2 million d'individus). Ont été pris en compte les sujets exposés pendant au moins 75 % de leur temps de travail. Dans cette population, il n'y a pas de spécificités par rapport à la population générale quant aux conséquences de l'exposition chronique au soleil, tant au niveau de la peau que de l'œil.
Sur le plan oculaire, le développement de la cataracte est lié à l'âge, mais aussi au stress photo-oxydatif induit par les ultraviolets (UV) A et B sur les protéines du cristallin. Une étude réalisée il y a une vingtaine d'années en Amérique du Nord a mis en évidence une apparition plus précoce de la cataracte chez les marins-pêcheurs que dans la population environnante. Dans le milieu professionnel exposé à la lumière solaire, la meilleure protection contre cette affection est le port de lunettes de soleil filtrant à la fois les UVB et les UVA et dotées de caches latéraux comme les lunettes de glacier.
En ce qui concerne les effets cutanés à long terme chez les travailleurs en plein air, ils sont évoqués de longue date. En effet, la nuque rhomboïdale, une manifestation de l'héliodermie caractérisée par une peau épaissie et quadrillée, a été décrite il y a deux siècles chez des agriculteurs. Outre son aspect inesthétique, l'héliodermie, qui traduit l'exposition à une grande quantité d'UV, représente un marqueur de risque accru de carcinomes cutanés. Dans les cancers cutanés, il faut noter que la responsabilité des deux types d'UV - B et A - est bien établie. Des travaux récents en ont apporté une nouvelle preuve en retrouvant, dans des cancers spinocellulaires humains, des altérations moléculaires dues aux UVB, mais aussi aux UVA.
Mesures de protection.
Les sujets qui travaillent à l'extérieur doivent bénéficier des mesures de protection solaire classiques. Tout d'abord vestimentaires avec le port d'un chapeau à larges bords (7 cm) afin de protéger le visage et les yeux, d'un T-shirt à manches longues et de pantalons, en sachant que la qualité de la protection conférée par les vêtements dépend de leur couleur (d'autant meilleure qu'ils sont foncés), mais aussi, et surtout, à la densité du tissage (meilleure quand le tissage est serré). Cet équipement ne peut pas, bien sûr, être utilisé pour l'ensemble des professionnels exposés. La protection par des écrans solaires prend alors toute son importance. Dans tous les cas, la réduction de l'exposition doit être recherchée, chaque fois que possible, par l'utilisation de sources d'ombre.
Par ailleurs, comme n'importe quel sujet, les travailleurs exposés aux rayonnements solaires peuvent développer des pathologies spécifiques, comme une photosensibilisation médicamenteuse ou une allergie solaire de type lucite estivale bénigne, lucite polymorphe ou photoallergie de contact. Ces maladies posent le problème des mesures d'éviction professionnelle, qui ne sont pas toujours faciles. Enfin, il est essentiel d'interdire aux travailleurs en plein air l'exposition à d'autres sources d'UV comme les cabines de bronzage.
* Inrs, Cahiers de notes documentaires - Hygiène et sécurité du travail. N° 176, 3e trimestre 1999.
Difficile imputation
Il peut être difficile d'affirmer l'origine professionnelle d'un cancer cutané lié aux UV. L'histoire suivante en témoigne. Dans une étude réalisée il y a quinze ans, des auteurs londoniens avaient remarqué, chez des secrétaires travaillant en sous-sol et donc exposées en permanence à un éclairage artificiel, un taux de mélanomes des jambes beaucoup plus important que dans d'autres populations. Ils avaient conclu que cet éclairage artificiel était probablement cancérogène et inducteur de mélanome. Quelques années plus tard, la même équipe publia un nouvel article dans lequel elle revint sur son interprétation initiale. Certes, les faits étaient les mêmes, mais dès qu'elles avaient un moment, en particulier à l'heure du déjeuner, ces femmes, privées de lumière naturelle, allaient dans le parc voisin, et exposaient leurs jambes au soleil. La prise en compte de cette exposition supplémentaire a conduit à modifier l'origine des mélanomes : de professionnelle, elle est devenue environnementale.
Une campagne grand public
Pour prévenir les risques de cancer liés à l'exposition solaire et aux UV, le ministère de la Santé lance une grande campagne d'information et de sensibilisation à destination du grand public. Elle vise principalement à convaincre les parents de mettre en œuvre des mesures de protection pour leurs enfants dès le plus jeune âge. Des mesures pour renforcer la protection des utilisateurs de cabines de bronzage et de rayons artificiels sont également annoncées. « Le Quotidien » y reviendra.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature