Dans son édition du 2 décembre, le journal « le Parisien » a révélé le contenu d'un courrier confidentiel portant sur les comptes déficitaires de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Ce qui n'a pas manqué de plonger l'institution dans l'embarras.
Le courrier en question, envoyé à la mi-novembre par la direction des finances de l'AP-HP aux directeurs de la quarantaine d'établissements qui dépendent de sa tutelle, annonce une prévision de dépassement du budget sans précédent, qui atteindrait 137 millions d'euros à la fin de 2002, soit un milliard de francs (budget 2002 : 4,9 milliards d'euros), malgré la rallonge de 30 millions d'euros que Jean-François Mattei a accordée à l'AP-HP cet été à partir de l'enveloppe de 300 millions d'euros destinée à réduire les tensions budgétaires des hôpitaux de toute la France.
Sollicitée par « le Quotidien », la direction des finances par intérim du siège n'a pas souhaité commenter ces résultats. L'AP-HP a tout de même tenu à minimiser l'impact de cette malencontreuse « fuite » : « Cette note est à pondérer, les chiffres ne sont pas définitifs puisqu'ils reposent sur une estimation », précise-t-on, non sans quelque embarras.
L'AP-HP reconnaît cependant l'existence de « tensions budgétaires fortes, notamment sur les postes du médicament, des produits sanguins et des activités hôtelières sous contrat ». Ce « gros trou » aurait trois origines d'après l'AP-HP : les reports de charge (39,3 millions d'euros), l'évolution tendancielle des dépenses de + 1,5 % (73,5 millions d'euros) et l'insuffisance des crédits en base (54 millions d'euros). C'est pourquoi l'Assistance publique a décidé d'envoyer ce courrier. Il s'agit de « sensibiliser les directeurs hospitaliers afin qu'ils prennent l'engagement de stabiliser ce déficit prévisionnel en fin d'année ».
La faute à l'insuffisance
des crédits
L'institution se défend par ailleurs contre les attaques du « Parisien », qui, à la veille de son départ (voir encadré), mettait en doute « les capacités de "gestionnaire" de son directeur général, Antoine Durrleman ». L'AP-HP « n'a pas mal géré son déficit, mais a été victime de crédits insuffisants. Sa tutelle (les ministères de la Santé, des Finances et de l'Intérieur, NDLR) en a d'ailleurs été informée dès mars 2002 ».
Et puis, poursuit l'AP-HP, l'exercice 2003 n'est pas clos ; le déficit annoncé peut très bien être revu à la baisse au début de l'année prochaine, comme ce fut déjà le cas en 2001. En effet, le dépassement budgétaire prévu à l'automne 2001 (130 millions d'euros) avait pu être ramené à 39,3 millions d'euros au mois de février 2002, grâce à des crédits obtenus à la dernière minute (notamment 15,25 millions d'euros débloqués par la tutelle à la fin de 2001, ainsi que plusieurs enveloppes d'un montant de 45 millions d'euros attribuées à certains postes budgétaires précis). L'Assistance publique elle-même avait mis la main à la poche, en versant 30 millions d'euros à l'AP-HP. Mais ce sauvetage in extremis risque fort de ne pas se reproduire cette année, regrette l'AP-HP : « La tutelle nous a clairement fait comprendre qu'on ne pouvait pas compter sur les crédits de l'an dernier vu qu'ils n'ont pas été reconduits .» La note des reports de charges de l'exercice 2002 de l'AP-HP s'annonce donc salée.
Antoine Durrleman cède son siège à Rose-Marie Van Lerberghe
Ainsi que l'annonçait le journal « les Echos » mardi, le conseil des ministres devait mettre fin hier, sur décision de l'Elysée, aux fonctions d'Antoine Durrleman à la direction générale de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Un poste que cet homme, principal artisan du « plan Juppé » en 1995, occupait depuis cinq ans puisqu'il avait été nommé à la tête du plus gros groupe hospitalier du monde juste avant la défaite de la droite aux législatives de 1997.
Pour le remplacer, le gouvernement devait choisir hier, en omettant d'en avertir la mairie socialiste de Paris, qui préside pourtant le conseil d'administration de l'AP-HP, l'actuelle directrice des ressources humaines du cabinet de conseil Altedia. Rose-Marie Van Lerberghe, énarque, normalienne, « étrangère » au monde de la santé, mais pas du tout à celui des relations sociales. De fait, le parcours de la nouvelle directrice générale a de quoi interpeller les syndicats de l'AP et même la « vieille dame » - c'est ainsi que l'on surnomme l'institution - tout entière.
C'est à l'IGAS (inspection générale des Affaires sociales), intégrée en 1976, que Rose-Marie Van Lerberghe a fait ses armes, avant de faire un premier petit passage au ministère du Travail. En 1986, elle est chargée des relations sociales chez Danone, puis devient directrice générale d'abord des Verreries de Masnières (entre 1990 et 1992) ensuite de l'Alsacienne (entre 1992 et 1993).
Après quoi, elle prend en main le pôle entier de la gestion du personnel de Danone et acquiert à ce poste, fermeté et sens de la négociation aidant, la réputation de « diva des ressources humaines ». Entre 1996 et 1999 - sous Jacques Barrot puis sous Martine Aubry, donc - elle est au ministère des Affaires sociales « déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle ».
Dans le fauteuil du directeur général de l'AP-HP, Rose-Marie Van Lerberghe va devoir faire la preuve de son talent : elle prend les commandes d'une institution financièrement mal en point, dont le plan stratégique bat de l'aile et où, selon certains observateurs, l'ambiance sociale est « détestable ».
K. P.
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