« C'EST bien parce qu'il y a ce déficit qu'il y a eu une réforme. » On se console comme on peut.
Le ministre de la Santé, qui a commenté par cette petite phrase laconique, à la sortie du Conseil des ministres, l'annonce du déficit record de l'assurance-maladie en 2003, veut espérer que sa loi permettra d'éviter dans les années prochaines des résultats aussi désastreux.
Les chiffres annoncés hier par la Cour des comptes lors de la présentation de son rapport annuel sur la Sécurité sociale donnent le vertige et montrent que la tâche de l'actuel ministre de la Santé, et surtout de son successeur, sera bien difficile.
En effet, avec un trou de 11,9 milliards d'euros, soit presque le double de celui de l'année précédente (6,1 milliards), le déficit de la branche maladie du régime général de la Sécurité sociale atteint un niveau historique. Les excédents des branches retraite et famille, qui baissent respectivement de 1,7 milliard d'euros à 616 millions et de 1 milliard à 222 millions (des résultats plus que médiocres), réduisent bien peu l'ampleur du déficit de l'ensemble du régime général, à 11,5 milliards d'euros. Ce qui est un très mauvais résultat pour notre système de protection sociale. D'autant, note la Cour, que, fait nouveau, « toutes les branches du régime général, (famille, maladie, vieillesse, accidents du travail-maladies professionnelles) ont vu leur solde se dégrader ».
Pour les magistrats de la Cour des comptes, « la situation est d'autant plus préoccupante que les efforts de maîtrise et de contrôle de certaines dépenses d'assurance-maladie sont loin d'être à la hauteur des enjeux ».
Le rapport pointe les affections de longue durée (ALD) qui sont la première source de dépenses de l'assurance-maladie, puisqu'elles représentent 40 % des soins de ville, soit 16,7 milliards d'euros pour le régime général. Les admissions de l'ALD ont ainsi augmenté de 46 % entre 1990 et 2002 et près de 6 millions de patients aujourd'hui en bénéficient. Et ces dépenses ont crû de 41 % entre 2000 et 2003. Pourtant, accuse le rapport, ce domaine reste mal connu : en raison de « l'insuffisance des systèmes d'information, l'assurance-maladie ne connaît ni le coût de chacune des 30 ALD répertoriées, ni le nombre de patients en ALD ». « L'insuffisante définition de certaines ALD, l'absence de référentiels de traitement, le remboursement intégral de médicaments à service médical rendu faible ou insuffisant sont d'autres faiblesses importantes du système », commente la Cour, qui estime que d'importantes économies pourraient être obtenues sur ce poste, ainsi que le poste des dispositifs médicaux, en forte augmentation, le transport des malades et les indemnités journalières. « L'examen de ces quatre postes de dépenses montrent qu'ils recèlent une potentialité importante d'économies qui, si elles étaient effectives, ne remettraient aucunement en cause notre système de protection sociale », commente-elle encore.
Reste à savoir si ce conseil sera suivi. Lorsqu'on connaît le sort généralement réservé au rapport annuel de la Cour des comptes, on en doute fortement.
La gestion des caisses épinglée
La Cour des comptes consacre la deuxième partie de son rapport à la gestion des caisses du régime général. Le diagnostic n'est pas tendre. « L'analyse de la gestion des organismes de la Sécurité sociale, écrit-elle, montre que le pilotage par l'Etat et les caisses nationales n'oriente pas assez fermement les réseaux vers la réduction des coûts et l'obtention de gains de productivité significatifs. »
Certes, les caisses peuvent toujours répondre que leur mission est de se préoccuper d'abord des usagers et des assurés, mais, écrit la Cour, « ce dernier objectif ne saurait être un alibi à l'absence de maîtrise des dépenses de gestion ». Et c'est pourquoi, conseillent encore les magistrats, les prochaines conventions d'objectifs et de gestion, signées entre l'Etat et l'assurance-maladie, « doivent impérativement mettre l'accent sur la productivité des branches du régime général et l'amélioration de l'efficience du système dans son ensemble ».
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