Classée Seveso du fait des risques importants qu'elle fait courir à l'environnement en cas d'accident, l'usine AZF se trouvait à l'époque de sa construction, en 1924, en pleine campagne, avant que les citadins ne soient repoussés aux portes de cette zone industrielle. Le week-end dernier, deux autres entreprises du site ont été fermées jusqu'à nouvel ordre à titre de précaution. L'activité de l'usine de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE), où est notamment fabriqué le carburant des fusées Ariane, et celle de l'usine Tolochimie ont été suspendues afin de « permettre la mise en sécurité des installations ».
Après la catastrophe de vendredi dernier, le ministre de l'Environnement, Yves Cochet, a promis l'ouverture d'une enquête de l'Inspection générale des installations classées et d'une enquête administrative pour déterminer les causes de l'explosion de l'usine AZF. « Il faut voir si toutes les mesures de sécurité avaient bien été prises de manière régulière dans cette installation » dont les activités étaient soumises au contrôle de la direction régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (DRIRE).
Le porte-parole du Parti socialiste, Vincent Peillon, a souhaité « que soit réexaminée rapidement, au cas par cas, la situation des sites industriels à risque qui sont classés Seveso, de façon à renforcer les mesures de sécurité et à prendre en considération la situation de ces sites dans leur environnement urbain ». Une psychose s'installe et certains n'hésitent pas, comme le premier adjoint au maire de Lyon, Jean-Louis Touraine, à comparer les usines des villes à « des bombes qui peuvent exploser demain ». Pourtant, la réglementation en matière de prévention des risques industriels a été récemment renforcée.
L'émotion soulevée par le rejet accidentel de dioxine en 1976 sur la commune de Seveso, en Italie, a incité les Etats européens à se doter d'une politique commune en matière de prévention des risques industriels majeurs. Il s'agit de la directive dite Seveso adoptée le 24 juin 1982, qui a été rendue applicable aux exploitants français grâce à la législation des installations classées. Les objectifs principaux de la directive visaient à la production d'une étude de dangers, l'élaboration de plans de secours et l'information des populations riveraines. Cette directive concernait quelque 400 installations des industries chimiques (dont faisait partie l'usine AZF), pétrolières ou gazières, soit près de 600 installations industrielles sur le territoire national. Depuis le 3 février 1999, elle est remplacée par la directive du 9 décembre 1996 appelée Seveso 2. Celle-ci s'adresse désormais aux établissements où des substances dangereuses sont présentes : on ne fait plus de distinction entre stockage et mise en uvre dans un procédé de substances dangereuses. C'est sur l'arrêté du 10 mai 2000 que repose principalement la transcription française de la directive Seveso 2. Cet arrêté fixe les prescriptions relatives à la prévention des accidents majeurs impliquant des substances ou des préparations dangereuses. Deux catégories d'établissement sont distinguées : les établissements seuils bas (567) et seuils hauts ou les établissements dits AS - Autorisations avec servitudes (682) de la directive. Au total, 1 249 établissements classés Seveso sont aujourd'hui répertoriés en France. Aux quatre régions concernant traditionnellement le plus d'établissements à risques (Rhône-Alpes, Nord - Pas-de-Calais, Haute-Normandie, Provence-Alpes-Côte d'Azur) s'ajoutent maintenant la région Aquitaine, les régions Ile-de-France, Bretagne, Centre, Picardie et Poitou-Charentes.
Une réactualisation tous les cinq ans
Sans chambouler les grands principes de la politique de prévention des risques technologiques majeurs mis en place depuis dix ans, la directive Seveso 2 a néanmoins introduit des modifications au dispositif existant. L'étude des dangers doit être désormais réactualisée tous les cinq ans. De même, les plans d'urgence (plan d'opération interne et plan particulier d'intervention) qui sont réalisés sur la base de l'étude des dangers doivent être testés et réexaminés tous les trois ans. La directive introduit également la nécessité d'examiner les conséquences d'un accident sur les installations voisines (effet domino). La maîtrise de l'urbanisation au voisinage des sites industriels à risque est désormais incluse dans la directive. Par ailleurs, la participation du public est élargie : accessibilité du public aux informations contenues dans le rapport de sécurité, avis du public sur l'implantation d'un nouvel établissement, mise à la disposition du public de l'inventaire des substances dangereuses présentes dans l'établissement.
Est-ce suffisant ? A l'heure actuelle, il n'est pas possible de savoir si, à l'usine AZF, les consignes de sécurité ont été respectées ou non, ou si une erreur humaine ou mécanique est à l'origine du drame.
Le ministre français de l'Intérieur Daniel Vaillant a indiqué que « la transparence sera de mise » concernant les résultats de l'enquête. « La probabilité, selon nos enquêteurs, est qu'il s'agit d'une explosion accidentelle, mais tant que nous n'avons pas de preuves, on ne peut rien affirmer », a-t-il ajouté. « Nos concitoyens seront mis au courant. Mais laissons nos enquêteurs travailler ».
Une mobilisation « exemplaire » de la communauté médicale
« Le dispositif d'urgence régional élaboré depuis trois ans avec l'ensemble des partenaires a parfaitement rempli sa mission », estime l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) Midi-Pyrénées dans un premier bilan.
Il a en effet fallu faire face à un afflux exceptionnel de blessés, leur nombre représentant de cinq à dix fois l'activité normale des services d'accueil des urgences. D'autant que deux établissements situés à proximité des lieux du sinistre, l'hôpital spécialisé Gérard-Marchant et l'Institut médico-éducatif André-Bousquairol, ont été très fortement touchés : des membres du personnel et des patients ont été blessés et tous les malades ont dû être évacués, grâce notamment à la participation exceptionnelle des équipes des SAMU 31 et 82. L'hôpital de Rangueil a également été très endommagé. Les autres sites du CHU et un grand nombre d'établissements publics et privés ont subi de lourds dommages, mais ont pu assurer, dès la fin du week-end, la continuité des soins.
L'ARH souligne la mobilisation spontanée de toute la communauté hospitalière, des cliniques et de l'ensemble des professionnels de santé. Son directeur, Pierre Gauthier, félicite l'ensemble des intervenants « pour leur mobilisation et leur comportement absolument exemplaire ».
Bernard Kouchner avait déjà salué le travail médical accompli. « Les hôpitaux ont accueilli plus de 2 000 personnes et, en quelques heures, tout avait été mis sur pied. Beaucoup de médecins se sont portés volontaires. Il y a peu de systèmes au monde capables de faire cela », a-t-il affirmé dimanche en clôturant l'université d'été de la CSMF (voir page 3).
De son côté, la FHF (Fédération hospitalière de France) a tenu à féliciter l'ensemble des équipes hospitalières, qui « ont démontré leur capacité de réactivité, leur sens de l'organisation, leurs compétences et leur disponibilité ». Elle souligne aussi la participation spontanée de nombreux bénévoles, médecins à la retraite, infirmières, élèves infirmiers.
Recensement des établissements SEVESO 2
Première catégorie (seuil bas) / Seconde catégorie (as) = Total
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Alsace11 / 33 = 44
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Antilles-Guyane12/12 =24
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Aquitaine28/54 =82
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Auvergne16/11 =27
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Basse-Normandie24/9 =33
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Bourgogne22/17 =39
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Bretagne38/26 =64
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Centre32/38 =70
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Champagne-Ardennes25/10 =35
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Corse2/5 =7
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Franche-Comté17/8 =25
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Haute-Normandie19/55 =74
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Ile-de-France46/56 =102
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Langue-Roussillon16/22 =38
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Limousin3/5 =8
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Lorraine20/23 =43
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Midi-Pyrénées8/25 =33
Nord-Pas-de-Calais4453 97
.
Pays de la Loire29/21 =50
.
Picardie37/30 =67
.
Poitou-Charentes45/17 =62
.
PACA24/61 =85
.
Réunion1 =1
.
Rhône-Alpes49/90 =139
.
TOTAL567/682 =1 249
.
Bilan avril 2001, ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement.
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