Le 20 juin dernier, le « Canard enchaîné » épingle « le Quotidien »* pour avoir relayé un communiqué du CNRS, qu'il accuse de « vanter un médicament bidon à coups de "fake news" », dénonçant un conflit d'intérêts. Au cœur de cette affaire, le Lupuzor, un peptide synthétique appelé P140 découvert par une équipe CNRS de l'Institut de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg dirigée par Sylviane Muller et développé par la société ImmuPharma. Ce candidat médicament pour le lupus a également fait l'objet d'un brevet en 2001 détenu par le CNRS.
Dans un essai positif de phase IIb publié en novembre 2012 dans la revue « Annals of the Rheumatic disease », les auteurs, dont le Dr Robert Zimmer, président d'ImmuPharma, et Sylviane Muller, concluaient à l'efficacité et à la sécurité du Lupuzor (en complément des soins standards) par rapport au placebo, ouvrant ainsi la voie à la phase III.
Le résultat principal n'a pas atteint la significativité statistique
Les premiers résultats rendus publics le 17 avril par ImmuPharma sont aussitôt repris par le CNRS : « Efficacité démontrée pour le Lupuzor, premier traitement contre le lupus sans effets secondaires. » Une interprétation jugée trop hâtive par une vingtaine d'experts dont le Pr Nathalie Costedoat-Chalumeau de l'hôpital Cochin et du centre de référence des maladies auto-immunes systémiques rares d’Île-de-France qui s'en émeuvent auprès du CNRS. « Je ne pars pas en croisade contre le Lupuzor », tient à préciser au « Quotidien » le Pr Costedoat-Chalumeau qui s'inquiète de donner de faux espoirs aux patients.
Les spécialistes des centres de référence du lupus de France et en Belgique font part de leur grande réserve quant aux résultats annoncés.
Sur le site d'ImmuPharma est indiqué que l'analyse primaire sur 202 patients a démontré un taux de réponse du Lupuzor supérieur au placebo (52,5 versus 44,6 % répondeurs). Et précise qu'« en raison d'un taux de réponse élevé dans le groupe placebo, cette réponse supérieure n'a pas permis d'atteindre une significativité statistique (p = 0,2631) et le critère d'évaluation primaire de l'essai n'a pas été atteint », le p étant supérieur à 0,05. Deux résultats sont par ailleurs présentés. L'un montre un taux de réponse supérieur au placebo chez les 153 patients ayant terminé l'étude (68,8 % versus 59,2 %, p non disponible), l'autre indique que chez les patients présentant l'anticorps anti-dsDNA (un marqueur connu du lupus), le taux de réponse est de 61,5 % avec le Lupuzor contre 47,3 % pour le placebo, avec un p = 0,09, non significatif.
« Le critère principal n'est pas atteint (p = 0.26). L'essai est donc négatif et il n'est pas possible scientifiquement de faire ensuite des analyses secondaires (28 étaient prévues dans clinicaltrial). Cependant, les 2 analyses secondaires fournies sont également négatives (un p à 0,09 et un p non disponible) », font observer les experts.
Le CNRS retire quelques jours plus tard son communiqué « afin de ne pas prêter à confusion sur le résultat principal, qui n’a pas atteint la significativité statistique ».
Pourquoi cet organisme public de recherches a-t-il publié ces résultats ? Contactée par « le Quotidien », la direction n'a pas souhaité réagir.
ImmuPharma persiste
Du côté d'ImmuPharma, start-up créée à la suite de la découverte du Lupuzor, le Dr Robert Zimmer, son président, reconnaît que les conclusions du communiqué étaient trop prématurées. Mais il persiste, faisant référence à une analyse complémentaire publiée fin mai. Dans la cohorte européenne de 130 patients, une réduction significative de l'activité de la maladie est observée avec le Lupuzor (71,1 versus 48,8 %, p = 0,02) dans la sous-population de 79 patients présentant l'anticorps anti-dsDNA. « Un résultat hautement significatif », note le Dr Zimmer. En revanche, la cohorte de 72 patients des États-Unis n'a pas permis d'obtenir les mêmes résultats. Parmi les 28 patients présentant l'anticorps anti-dsDNA, 35,7 % ont répondu au Lupuzor contre 42,8 % au placebo. « Nous ne comprenons pas ces résultats aberrants : le placebo fait mieux que l'actif ! Il semble y avoir un biais dans la cohorte américaine que nous n'avons pas identifié », souligne le président d'ImmuPharma. Pourtant, il affirme : « Nous avons un produit qui marche si nous ciblons les patients ayant l'anticorps anti-dsDNA qui représentent 60 à 70 % des malades atteints de lupus ».
« Cela n'a pas encore été discuté avec les autorités, mais dans le cas où nous souhaiterions refaire cette phase III, nous sélectionnerons ces patients, ce qui permettrait de déposer un dossier pour une demande d'AMM en Europe », conclut-il.
* L'article daté du 18 avril a été mis hors ligne
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