Avec 740 patients inclus en France, mais un seul dans les autres pays participants, l'essai européen Solidarity visant à évaluer plusieurs stratégies de traitement dans la prise en charge de l'infection par le SARS-CoV-2 est pour l'instant au point mort. La faute à des difficultés réglementaires et un manque de coopération et d'harmonisation européenne en matière de législation de la recherche.
En France, « on a écrit le protocole de l'essai Discovery (la déclinaison française de Solidarity) en 6 jours, puis obtenu une autorisation en 15 jours, ce qui est incroyable », a expliqué l'investigatrice principale, le Dr Florence Ader (hôpital de la Croix Rousse, Hôpitaux Civils de Lyon), lors de son audition par la commission des affaires sociales du Sénat. « Nous mettons beaucoup plus de temps pour comprendre les circuits réglementaires des autres pays : chaque pays a ses propres exigences réglementaires », poursuit l'infectiologue. Un seul pays, le Luxembourg, a inclus un unique patient. Toutefois, « aucun pays ne s'est retiré des discussions, assure le Dr Ader. Nous essayons de travailler sur des protocoles qui respectent les lois et les réglementations en vigueur. »
Les 3 200 patients sont tous nécessaires
L'essai Discovery comporte 5 bras : un premier bras traité par le remdesivir, un antiviral conçu initialement pour Ebola, un deuxième traité par une association lopinavir-ritonavir, un troisième par interféron bêta, un quatrième par hydroxychloroquine et un bras traitement symptomatique seul. L'essai est adaptatif : les molécules trop peu efficaces peuvent sortir de l'essai et d'autres peuvent, au contraire, être intégrées de cours de route. « Nous avons déjà fait cinq amendements de forme et de fond depuis le début », indique le Dr Ader.
Si l'essai Discovery a quasiment atteint son objectif de recrutement de 800 patients en France, le faible effectif global de Solidarity « ne permettra pas de répondre rapidement à la question posée, estime le Dr Ader. Si on veut prouver une efficacité, ne serait-ce que partielle, il faut 600 patients par bras. On doit donc avoir les 3 200 patients prévus dans l'essai OMS pour répondre à la question », précise le Dr Adler, qui se veut toutefois optimiste : « On ne peut pas se satisfaire de n'en avoir que 740 en France, mais on peut se réjouir de disposer d'une structure et de CHU qui permettent d'inclure autant de patients. »
Avec la diminution du nombre de nouvelles hospitalisations pour Covid-19 sévère, le rythme des inclusions a diminué. Le Dr Ader a toutefois estimé qu'elles allaient se poursuivre, y compris au-delà des 800 patients prévus. « Il faut croire à ce projet mais garder à l'esprit qu'il donnera une réponse qui sera utile sur plusieurs années, pour les prochaines vagues épidémiques », prévient le Dr Ader.
Une recherche émiettée
Le Dr Ader s'est enfin exprimé devant la commission sur la profusion d'essais en cours en France. « Il y a une épidémie de recherches, mais ce n'est peut-être pas judicieux de démarrer 30 ou 40 études de 10 patients, et de ne pas démarrer des grosses études qui vont répondre à des vraies questions, regrette-t-elle. C'est une perte de charge énorme. »
Cet émiettement des projets de recherche et les difficultés de la coordination européenne ont également été constatés par l'Académie nationale de Médecine qui a émis des recommandations dans un communiqué diffusé le 6 mai. Au niveau national, les académiciens proposent qu’une structure de pilotage unique coordonne la recherche sur le Covid-19, portée par l’Alliance des sciences de la vie et de la santé (AVIESAN) et bénéficierait du soutien de l’Agence nationale de la recherche (ANR), de l’ANRS et du Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC).
Cette coordination nationale devra s’inscrire « dans une stratégie nationale et européenne commune, et que la France lance une initiative d’envergure auprès de l’Union Européenne et des états membres », ajoute les académiciens. Elle devra en outre « mutualiser les infrastructures françaises et européennes existantes : cohortes, biobanques, entrepôts de données de santé, plateformes analytiques ; soutenir la création de cohortes Covid-19 ».
PFAS : l’Académie des sciences s’attaque à une pollution « d’une complexité inédite »
Choc et inquiétude à la Croi après le retrait des États-Unis des programmes de santé mondiale
Des chiens aux urgences aident les enfants anxieux
Xénogreffe : un avenir se dessine en France