Nouvelle étape dans la polémique autour de l'efficacité de l'hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19 : un nouvel essai n'est pas parvenu à démontrer son efficacité chez le macaque. Ce travail publié dans « Nature » a été mené conjointement par le CEA, l’INSERM, l’Institut Pasteur, le CNRS, l’université de Paris-Saclay, l’AP-HM et l’université Claude-Bernard Lyon-1.
En temps normal, ce genre de travail chez l'animal est un préalable aux essais chez l'homme. L'urgence de la situation épidémique a conduit de nombreuses équipes dans le monde à court-circuiter cette étape. À la lumière de ces résultats chez l'animal, les études chez l'homme pourraient se révéler vaines : « Nos données ne sont pas en faveur de l'usage de l'hydroxychloroquine, seule ou en association avec l'azithromycine », concluent les auteurs.
Plusieurs stratégies au banc d'essai
Les chercheurs ont évalué l'activité antivirale de l'hydroxychloroquine in vitro et chez des macaques infectés par le SARS-CoV-2. L'hydroxychloroquine a partiellement confirmé son activité antivirale in vitro, ce qui avait déjà été observé lors d'autres travaux, avec une activité antivirale observée sur des cultures de cellules rénales de singe mais pas sur une reconstitution d'épithélium pulmonaire humain. En revanche, aucune stratégie médicamenteuse impliquant l'hydroxychloroquine, seule ou en association, ne s'est révélée efficace chez le macaque.
Plusieurs scénarios ont été testés : l'utilisation en prophylaxie, de manière précoce (avant le pic de la virémie) ou plus tardive (après le pic), seule ou en association avec l'azithromycine. L'hydroxychloroquine ne procurait pas de protection contre l'infection, et ne réduisait pas la virémie quand elle était administrée rapidement après l'infection.
Parmi les huit animaux qui ont servi de contrôle, la charge virale (mesurée via des prélèvements nasopharyngés) était importante dès le premier jour après l'infection, et atteignait son maximum au 2e jour. Une charge virale résiduelle restait détectable jusqu'à 3 semaines après l'infection dans des prélèvements rectaux et dans le produit de lavages bronchoalvéolaires. Les animaux présentaient majoritairement des signes cliniques légers. Des lésions pulmonaires étaient systématiquement observées à l'imagerie dès le 2e jour, mais aucun des animaux du groupe contrôle n'a développé de forme sévère de la maladie.
Un premier groupe de cinq singes a été traité dès le premier jour de l'infection, avec 90 mg/kg d'hydroxychloroquine en monothérapie le premier jour, suivi d'une dose de 45 mg/kg par jour pendant 10 jours. Un autre groupe de quatre singes a lui bénéficié d'une prise en charge précoce, mais avec une dose plus faible : 30 mg/kg le premier jour et 15 mg/kg les jours suivant. En ce qui concerne le traitement tardif par hydroxychloroquine, quatre animaux ont reçu le traitement 5 jours après leur infection.
Tous les animaux traités par hydroxychloroquine présentaient une cinétique virale similaire à celle des animaux non traités, en termes de délai de survenue et d'importance du pic de la virémie. Il n'y avait pas non plus de différence en ce qui concerne la réplication virale constatée dans les lavages bronchoalvéolaires. La durée médiane avant que la charge virale ne devienne indétectable état de 4,5 jours dans le groupe contrôle, et 7 jours dans tous les groupes traités.
L'association hydroxychloroquine et azithromycine a également été évaluée chez cinq singes traités dès le premier jour de l'infection, tandis qu'une prophylaxie pré-exposition (PrEP) par monothérapie d'hydroxychloroquine a été testée chez un dernier groupe de cinq singes. Dans ces deux groupes également, les données de la virémie étaient similaires à celles des animaux du groupe contrôle. L'hydroxychloroquine ne prévenait pas non plus le risque de lymphopénie et ne réduisait pas le risque de lésions pulmonaires.
Une impression de déjà-vu
« Nos résultats illustrent parfaitement les contradictions fréquentes entre les résultats in vitro et in vivo », expliquent les auteurs, qui rappellent que des problèmes similaires ont été observés lorsqu'on a tenté d'utiliser l'hydroxychloroquine pour traiter d'autres infections virales comme la grippe, la dengue ou le chikungunya.
Par exemple, en 2008, le Pr Xavier de Lamballerie (Université de la Méditerranée et Institut de recherche pour le développement) et Roger Le Grand (CEA), également auteurs de la nouvelle étude publiée dans « Nature », avaient montré que, en dépit de résultats encourageants in vitro, l'hydroxychloroquine augmentait le risque de comorbidité en cas d'infection à chikungunya. Les essais cliniques lancés à l'époque avaient dû être arrêtés en urgence.
Au début du mois de juillet, l'Organisation mondiale de la santé avait déjà pris la décision de mettre fin au bras hydroxychloroquine de son essai randomisé Solidarity, faute de résultats préliminaires probants.
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