LE QUOTIDIEN : Quelles sont les raisons qui ont présidé à la création de la SoFECT ?
Dr BERNARD CORDIER : Cette société savante créée en 2010 a pour objet de rassembler tous les professionnels concernés par la question du transsexualisme et de sa prise en charge en les faisant travailler dans un environnement de collégialité pluridisciplinaire. Elle réunit des psychiatres, psychologues, endocrinologues, chirurgiens, mais aussi des juristes pour offrir un cadre le plus complet possible aux personnes qui souhaitent effectuer une transition de genre. Par ailleurs, nous avons également estimé indispensable de créer cette association afin que des professionnels de santé puissent se joindre aux discussions avec la Haute autorité de santé qui n'avait pour seuls interlocuteurs sur cette problématique que des associations de personnes transgenre.
Quel est le rôle du psychiatre dans cette prise en charge ?
Avant tout premier rendez-vous, les personnes reçoivent une information écrite qu'elles s'engagent à lire puis sont reçues par un psychiatre pour une phase d'évaluation qui permet la constitution d'un dossier contenant la biographie de la personne et l'histoire de sa dysphorie de genre, puisque c'est le terme qui a été adopté dans le DSM-5* de 2013 (2015 pour la version française) et qui consacre le fait que ces personnes sont en souffrance, mais ne sont plus considérées comme atteintes d'un trouble mental. Il est donc clair que nous n'avons pas à psychiatriser cette question, mais notre intervention est indispensable pour comprendre les motivations qui les animent et éviter notamment à certaines d'entre elles, souffrant d'une pathologie psychiatrique les poussant à penser qu'elles sont dysphoriques de genre, de s'engager dans un processus qui ne leur est pas indiqué. Les cas sont rares, mais ils existent.
Comment se poursuit le parcours ?
Si c'est bien le souhait de la personne, une réunion de concertation pluridisciplinaire décide de son éligibilité au traitement hormonal (masculinisant ou féminisant) après un bilan somatique complet. S'ensuivent une évaluation des effets des hormones et un accompagnement des transformations induites qui précèdent la RCP d'éligibilité à la demande de traitement chirurgical. C'est à ce moment qu'un certificat pluridisciplinaire est envoyé à la CNAM pour qu'elle donne son accord à une prise en charge de l'acte chirurgical. Il faut noter que la France est, à ma connaissance, le seul pays au monde à rembourser à 100 % cette opération, sans compter que l'ALD peut être accordée dès le premier rendez-vous avec le psychiatre.
Vous êtes confrontés à des critiques émanant de certaines associations du milieu LGBT**, comment y répondez-vous ?
Outre le fait qu'on nous reproche l'intervention d'un psychiatre dans ce processus qui est un point sur lequel je me suis déjà expliqué, ces associations fustigent le temps de parcours qu'elles estiment bien trop long. Sur cette question, elles oublient notamment que l'Assurance maladie nous impose un délai de 2 ans entre le premier rendez-vous et la chirurgie pour valider la prise en charge chirurgicale. Ce qui m'importe surtout est de savoir, grâce à une enquête rétrospective sur 15 ans, que plus de 90 % des personnes vont vraiment mieux après leur transition. C'est un réel encouragement à continuer et la preuve que nous rendons un grand service à ces personnes qui étaient en réelle souffrance.
* Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux
** Lesbiennes, gays, bisexuels et trans
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