Les nouvelles dispositions sur la déclaration des liens d’intérêt entrent en vigueur ce jeudi 23 mai, au lendemain de la publication au « Journal officiel » du décret dit « Sunshine Act ».
Ce texte impose aux entreprises de produits de santé et de cosmétiques à rendre public tout avantage d’une valeur égale ou supérieure à 10 euros perçu par un professionnel de santé, étudiant, usager, établissement, société savante, organisme de conseil, ordres des professions de santé, éditeur de logiciel d’aide à la prescription...
La mesure a suscité des réactions de nombreux acteurs de la santé qui attendaient la parution du décret. Tour d’horizon.
Des médecins très critiques
Le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF, détecte « plusieurs anomalies dans ce décret », et dénonce sans prendre de gants « l’amateurisme ou la complaisance du ministère de la Santé ». Invité d’Europe 1, le bouillant généraliste prend un exemple concret. Selon lui, un étudiant qui reçoit un stylo à 11 euros d’un laboratoire ou un médecin qui sera invité par ce même laboratoire à déjeuner à la brasserie du coin figureront sur la liste des bénéficiaires d’avantages. En revanche, affirme-t-il, un professeur de médecine ou un médecin expert qui auront facturé une prestation, même de 20 000 euros, n’y figureront pas. Le décret prévoit en effet que cette obligation ne s’appliquera pas aux « conventions qui ont pour objet l’achat de biens ou de services » entre des entreprises et des personnes, associations, établissements, sociétés ou organismes... Le patron de la FMF estime qu’avec ce décret, « on amuse la galerie avec des gadgets sans cibler l’essentiel ».
Le président du SML, le Dr Roger Rua, estime pour sa part que l’application de ce décret va se transformer en « usine à gaz ». « Il y avait déjà la loi anticadeaux en 1993, la loi Bertrand de décembre 2011... Ce décret est une opération de communication bien organisée le jour du procès du Mediator. Je regrette qu’une nouvelle fois, on stigmatise les médecins libéraux. »
Le Leem « déplore la lourdeur du système »
Dans un communiqué, le syndicat de l’industrie pharmaceutique (Les Entreprises du médicaments) a également émis de sérieux doutes sur la « réelle portée opérationnelle » du dispositif mis en place. Le seuil de 10 euros fixé par la loi risque, selon lui, « de complexifier inutilement le processus de publication pour les entreprises et de nuire inévitablement à la clarté des informations publiées ». Le Leem regrette également le calendrier imposé par le décret qui oblige une publication des liens d’intérêts dès le 1er octobre prochain. Un délai « excessivement court pour permettre aux entreprises de s’organiser, compte tenu du fait que la nature des données à publier n’était pas connue l’an dernier ».
L’ancien ministre UMP de la Santé Xavier Bertrand n’a quant à lui pas manqué d’égratigner Marisol Touraine, trouvant « dommage » qu’il ait fallu attendre un an pour que soit « enfin » publié le décret sur l’obligation de transparence des liens entre les industriels et les professionnels de santé. Le député de l’Aisne a regretté que la déclaration ne commence pas « dès le premier euro ».
L’UFML appelle à la désobéissance
« Des médecins qui seraient corruptibles pour 10 euros… c’est le prix du mépris ! Cet acte et ces paroles sont une insulte à la profession médicale dans son ensemble ! La corporation attend toujours un texte fondateur sur les conflits d’intérêts », déclare dans un communiqué le président du FML, Jérôme Marty.
« Cette démarche jette l'opprobre sur toute la profession médicale », une profession « insultée et jamais défendue par sa ministre ! » ajoute le président de l’Union, qui demande le retrait du décret pour une révision en urgence « car ce texte ne règle en rien les questions d’éthique ».
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