La mort tragique d’un bébé in utero, vendredi à la maternité de Port-Royal (Paris, AP-HP), a aussitôt replacé au cœur de l’actualité la problématique du manque de moyens des maternités et des conséquences sur la sécurité des patientes.
Sachant le sujet très sensible, la ministre de la Santé Marisol Touraine a appelé dès dimanche à « une enquête exceptionnelle, à la fois administrative et médicale » pour « faire toute la lumière » sur l’affaire.
Les « premiers éléments de compréhension » ne seront pas connus « avant ce lundi soir », a prévenu de son côté l’AP-HP, en charge de l’enquête.
Les résultats complets sont attendus « d’ici un mois », tout comme l’autopsie de l’enfant. Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire. Selon « Le Parisien », le père de l’enfant décédé a porté plainte contre X pour « homicide involontaire par négligence ».
6 000 accouchements par an
Quels sont les faits ? Dans la nuit du jeudi 31 au vendredi 1er février, une jeune femme enceinte s’est présentée à la maternité de Cochin-Port Royal avec un fœtus mort in utero à terme. Elle s’était déjà déplacée le mardi précédent et le jeudi en fin de matinée pour « examen et déclenchement de l’accouchement », indique l’AP-HP. À chaque fois, elle a été renvoyée à son domicile.
Pourquoi ? Dans son témoignage au « Parisien », le compagnon de la patiente estime qu’« il n’y avait plus de chambre disponible » à Port-Royal, plus grande maternité de Paris (6000 accouchements par an). La patiente se rend alors aux urgences. Là encore, l’opération est déprogrammée.
Faute d’éléments pour l’instant, l’AP-HP veut « déterminer pour quelles raisons cette femme a été renvoyée à son domicile, s’il y avait un manque de lits à Port-Royal et pourquoi la patiente n’a pas été transférée dans une autre maternité ».
Pas un cas isolé
À Port-Royal, les professionnels de santé restent discrets. Aucun ne veut servir de coupable idéal. « Ce n’est ni une erreur structurelle, ni médicale, souffle une cadre de santé. La patiente n’était pas du tout en travail quand on l’a renvoyée chez elle, son rythme était normal. Il s’agissait d’un déclenchement de convenance, et non d’une grossesse à risque. C’est un manque de chance ».
Président d’honneur du Syndicat national des gynécologues obstétriciens (Syngof), le Dr Marc-Alain Rozan précise. « Quand on renvoie une patiente à domicile, c’est qu’il n’y a aucune urgence médicale, estime-t-il. Et s’il y a urgence et qu’on manque de place, on en trouve quand même! ». Le médecin redoute une « surenchère médiatique ».
La présidente du collège national des sages-femmes de France (CNSF) ajoute que le cas de Port-Royal « n’est pas un cas isolé ». « Les morts fœtales à terme, il y en a une par mois à l’hôpital » », indique-t-elle. Sophie Guillaume rappelle que « 80% des accouchements se passent bien en France. Sur les 20 % des accouchements programmés, seuls 10 % se font en urgence ».
La polémique risque néanmoins de rebondir sur les effectifs débordés et la saturation des services.
Le Dr Christophe Prudhomme, médecin urgentiste et délégué CGT, estime que « le motif premier » du drame de Port-Royal est « le manque de lits ». Il demande une enquête parlementaire, tout comme l’urgentiste Patrick Pelloux.
Système obsolète
Certains professionnels de santé incriminent le plan périnatalité de 1998 (qui établit une classification des maternités selon trois niveaux). Ce dispositif différencie les établissements selon le niveau de soins apportés aux nouveaux-nés, d’une grossesse normale (niveau I) à grossesse à haut risque (niveau III).
Sous entendu : ce type de classification inciterait les patients à recourir aux maternités de niveau élevé alors qu’ils n’en ont pas forcément le besoin médical (contribuant à l’engorgement de certains établissements). « Il faut réévaluer ce système obsolète en incluant les soins à la mère, analyse le Dr Marc-Alain Rozan. En Suède, certains établissements font 10 000 accouchements par an sans problème, avec un service de réanimation, du personnel adapté et une garde 24 heures sur 24 ».
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