PREMIER grand chef-d’œuvre de Mozart, « Idoménée, roi de Crète » (1781) est un opéra séria. Rescapé d’une tempête au retour de la Guerre de Troie, Idoménée promet à Neptune de lui sacrifier la première personne qui viendra à sa rencontre. Malheureusement, il s’agit de son fils Idamante, sur lequel la princesse troyenne captive Ilia et la princesse Electre ont toutes deux jeté leur dévolu. Dilemmes !
Comme tous les opéras de Mozart, « Idomeneo » dut être ressuscité au XXe siècle et c’est grâce à Fritz Busch, au festival de Glyndebourne en 1951, qu’il fut révélé au public d’après-guerre, dans une version certes tronquée de moitié mais dans une production légendaire, signée Carl Ebert et Oliver Messel, qui resta au répertoire jusqu’en 1964. Trois enregistrements permettent de suivre l’évolution de ce spectacle dont le dernier vient d’être édité par les soins même du festival dans un son satisfaisant et une édition très luxueuse qui exploite peu à peu les grandes archives de la maison.
Des soirées princeps reste un enregistrement au son très inégal, à la partition trafiquée et aux coupures très abruptes mais qui est le seul témoignage de la direction électrique et claire de Fritz Busch (1). Mais pour la première Ilia de Sena Jurinac, qui reste aujourd’hui inégalée, il est indispensable. Richard Lewis, le seul Idomeneo de cette série, est au sommet de son expressivité et de son humanité. Leopold Simoneau, Idamante, en revanche, se bonifiera par la suite. La jeune Birgit Nilsson fait bien sur l’affiche mais son Elettra est une cruelle déception, tant elle est étrangère à l’univers mozartien et son air final de furie, « D’Oreste, d’Ajaste », est réduit à quasiment rien par une incompréhensible coupure.
Avec une distribution sensiblement améliorée, l’enregistrement réalisé en 1956 dans le mythique studio n° 1 d’Abbey Road fait figure de référence absolue. John Pritchard avait succédé à la baguette à Busch, disparu à la fin de l’été 51. Sa direction (malgré les coupures d’usage à l’époque) gagne en clarté et en style (l’excellence des tempi) ainsi qu’en dramatisme dans les scènes chorales (l’amélioration du son en est partiellement responsable). Dans cette équipe magnifique fait irruption une nouvelle Elettra, l’excellente Lucille Udovick, qui, techniquement, domine le rôle, même si elle n’en a pas intégré toutes les facettes dramatiques. Exceptionnel aussi le Grand Prêtre de William McAlpine (2).
Arrive Pavarotti.
La (dernière) reprise de 1964, toujours dirigée par Pritchard, existait dans le circuit non officiel. Glyndebourne lui donne une seconde vie dans un habillage luxueux et un son meilleur (3). L’événement était l’arrivée, pour chanter Idamante, du tout jeune Pavarotti, qui hésitait encore entre un avenir de footballeur ou de chanteur. Grâce soit rendue à Glyndebourne d’avoir contribué à l’éclairer sur ce sujet ! À la fin de sa carrière il revint vers ce Mozart exceptionnel pour en chanter le rôle-titre au Metropolitan Opera de New York. S’il n’est pas le roi de la vocalise, sa vocalité italienne dans les récitatifs, la chaleur et le soleil de son timbre dans un rôle si lié à la lumière méditerranéenne, et sa ligne belcantiste sont miraculeux. Jeune aussi, Gundula Janowitz reprenait à Jurinac le rôle d’Ilia, avec le timbre pur et somptueux qu’on lui connaît mais une trop grande retenue qui s’apparente souvent à de la froideur. Enriqueta Tarrés, qui avait fait les beaux soirs d’Aix dans le même rôle, est une Elettra très à l’aise et convaincante. Mais cet enregistrement brille surtout dans les ensembles (le quatuor de l’acte III est miraculeux, le drame y est si palpable) et par la sensation d’aboutissement d’une mission commencée treize ans auparavant sous les meilleurs auspices. À découvrir absolument !
(1) 1 coffret de 2 cd, Urania Milano, 1951 (live).
(2) 1 coffret de 2 cd, EMI, collection « Références », 1956 (studio).
(3) 1 album cartonné de 2 CD, Glyndebourne Opus Arte (distribution Codaex), 1964 (live).
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