DEPUIS L'AUTOMNE 2005, la COCA du centre hospitalier André-Mignot de Versailles, au Chesnay (Yvelines), s'efforce de résoudre des problématiques médico-psychologiques liées aux adoptions, tant chez l'enfant que pour les adoptants. Le Dr Anne de Truchis, qui travaille en binôme avec une psychologue, intervient avant, pendant et après la procédure d'adoption.
C'est contraint par la nécessité que le service de pédiatrie-néonatologie a donné le jour à la COCA. Son responsable, le Dr Pierre Foucaud, avait constaté toutes sortes de problèmes chez des enfants adoptés à l'étranger à leur arrivée en France : «Infections méconnues, y compris séropositivité au VIH, tuberculose, syphilis congénitale, syndrome d'alcoolisation foetale, troubles nutritionnels mal pris en charge à l'origine d'une puberté précoce, souffrance psychique d'hyperactifs…» Et les urgences enregistraient une surreprésentation de l'adoption – là encore, majoritairement internationale – parmi les tentatives de suicide et autres conduites à risques au moment de la crise identitaire de l'adolescence. Elles devaient faire face aussi au syndrome du bébé secoué ! Nombre de ces cas renvoyaient, en fait, à «des parents livrés à eux-mêmes, manquant de conseils éclairés», dès la constitution, sans doute, du dossier d'adoptants, avant même d'avoir porté leur dévolu sur un enfant.
Un lieu d'expertise.
«Avec la COCA, nous sommes en mesure d'anticiper ou de prévenir, bien souvent, des situations à problèmes», témoigne le Dr Foucaud. Tout en précisant que «ce lieu d'expertise n'assure pas le suivi de l'enfant adopté, qui incombe au généraliste, au pédiatre de ville et au médecin de PMI». À raison de trois vacations par semaine, les membres de la consultation donnent «des avis spécialisés, à divers stades de la procédure d'adoption».
Le Dr Anne de Truchis satisfait par exemple chaque semaine par courriel plusieurs demandes de «lecture interprétative d'informations médicales fournies à des familles qui l'interpellent de Chine, d'Haïti, d'Éthiopie, de Russie ou de Colombie», les pays où les adoptants français sont les plus nombreux. Les réponses, non personnalisées, pour des raisons éthiques et techniques, mettent l'accent sur les conditions sanitaires propres au pays d'origine et les pathologies prévalentes, à l'instar de l'alcoolisme foetal pour l'Europe de l'Est.
Soutien à la parentalité.
En liaison avec le médecin traitant, la COCA fait le bilan de l'enfant adopté à son arrivée en France. Il comprend la nutrition, l'identification d'éventuelles pathologies tropicales (teigne et gale), l'analyse du calendrier vaccinal initial, le développement psychomoteur – «dès que les barrières linguistiques sont levées» – et l'état staturo-pondéral. S'y ajoutent des premières recommandations éducatives, comme «ne pasvouloir scolariser trop tôt un enfant en âge de l'être». La COCA peut permettre de repérer également chez la mère adoptante un possible syndrome de baby blues.
Le «soutien à la parentalité» représente la moitié de l'activité du binôme psychologue-pédiatre. Il peut s'agir, par exemple, d'un repli de l'enfant sur lui-même, le lien avec les parents tardant à se tisser, qui nécessitera éventuellement un accompagnement en CMP, ou par un psychologue ou bien un psychiatre.
La consultation offre ainsi aux adoptés et aux adoptants un passeport pour une vie à bâtir. En 2007, elle a accueilli, quasiment à leur descente d'avion, 150 enfants, âgés de quelques mois à 6-7 ans. Certains d'entre eux auront été vus à deux ou trois reprises dans l'année. Riche de son bien-fondé, la COCA de Versailles pourrait être sollicitée, à l'avenir, par ces mêmes familles exposées à quelques «imprévus».
Des missions à définir et des moyens en personnels.
«L'heure est venue de faire entrer la COCA dans le droit commun», conclut le Dr Foucaud. Les pouvoirs publics en ont pris bonne note, en présentant le 27 août un plan de relance de l'adoption dans lequel la structuration des COCA constitue un axe fort, conformément à un rapport sur le sujet remis par le médecin à Roselyne Bachelot en janvier 2008*. «Nous attendons une circulaire du ministère de laSanté définissant les missions de la COCA et un minimum de moyens en personnels (pédiatres, psychologues, paramédicaux) , pour deux ou trois vacations hebdomadaires», précise le pédiatre versaillais. Le contexte, il est vrai, exige une réponse rapide des autorités. Le nombre d'adoptions françaises stagne au plus bas depuis plusieurs années, et celui des enfants étrangers a chuté de 20 % en deux ans (voir encadré). Un «besoin émergent» de COCA se fait sentir. «La porte des adoptions internationales devient étroite, explique Pierre Foucaud. Les pays concernés affichent des économies à la hausse, une fécondité à la baisse, moins d'abandons de mineurs, une meilleure protection de l'enfance et une promotion nationale de l'adoption. Ainsi, les jeunes adoptables par les étrangers diminuent et ils sont plus nombreux à compter dans leurs rangs des enfants “à particularité”». Ces derniers accusent des handicaps à des degré divers qui compliquent quelque peu leurs conditions d'arrivée en France. D'où le besoin urgent de COCA.
* Rapport impliquant la participation de la Société française de pédiatrie, l'AFA et la Fédération enfance et familles d'adoption. Le Dr Pierre Foucaud est président du Collège des pédiatres d'hôpitaux d'Île-de-France.
Les 12 COCA
Douze COCAont été ouvertes à ce jour. Pau et Dijon, ouvertes respectivement depuis une quinzaine et une dizaine d'années, sont des consultations pionnières, présentant à l'origine un caractère un peu militant, avec des fondateurs pédiatres adoptants :pour l'une le Dr Jean-Jacques Choulot, pour l'autre le Dr Jean-Vital de Monléon. Toutes les deux ont été très rapidement débordées par une fréquentation dépassant le cadre de la région. Comme Versailles-Le Chesnay, elles effectuent de l'ordre de trois vacations hebdomadaires. Les neuf autres COCA en font une seule, pour celles d'entre elles qui se trouvent réellement opérationnelles, sans pouvoir couvrir en conséquence l'ensemble de la problématique de l'adoption. Elles se situent à Tours, Toulouse, Marseille, Hyères, Nancy, Brest, Nice, Nantes et Paris (Saint-Vincent-de-Paul, Necker).
En chiffres
– 3 162 adoptions internationales ont été recensées en 2007 contre 4 136 en 2005. En France, il n'y a eu que 764 adoptés pour 2 300 pupilles de l'État en 2006. Sur 23 000 enfants placés, moins de 1 % sont adoptables.
– Agréments quinquennaux délivrés après enquête sociopsychologique par le conseil général : 8 000 par an, et 30 000 couples agréés au total en 2006.
– Intermédiaires : 42 organismes privés autorisés pour l'adoption (OAA), et un public, l'Agence française de l'adoption (AFA), qui accompagne les procédures. À l'international, 38 % des adoptions relèvent de démarches individuelles et 42 % (2007) se font via les OAA.
Le plan de relance
– À l'étranger : autorité centrale, dépendant des Affaires étrangères, avec 22 agents ; fonds de coopération doté de crédits publics de l'aide au développement consacrés à des projets humanitaires dans 74 pays où les Français adoptent ; réseau de volontaires de l'adoption pour aider sur place les familles, dans cinq pays, puis dans vingt en 2009.
– En France comme à l'étranger, accompagnement renforcé des parents avant, pendant et après l'adoption, grâce aux COCA.
Le suivi de la réforme est assuré par un comité interministériel présidé par François Fillon et animé par la ministre de la Famille.
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