LE PREMIER ministre l'avait annoncé lors de son déplacement aux Antilles en janvier. Un plan d'action chlordécone devait renforcer en Martinique et en Guadeloupe les actions et mesures concernant les effets du chlordécone, l'antiparasitaire utilisé pendant longtemps contre le charançon du bananier et retrouvé dans les sols, dans certaines denrées végétales ou animales, ainsi que dans les eaux de certains captages. Cette molécule organophosphorée a été utilisée jusqu'en 1993, année de son interdiction dans les deux départements (elle est interdite en métropole depuis 1990), et sa longue persistance (une centaine d'années) soulève des interrogations quant à ses effets sur la santé – le chlordécone est considéré comme un cancérigène possible par le Centre international de recherche sur le cancer. En septembre dernier, le Pr Dominique Belpomme, avait donné l'alerte et évoqué une «catastrophe sanitaire» (« le Quotidien » du 19 septembre 2007). Roselyne Bachelot affirmait partager les inquiétudes du cancérologue mais soulignait qu'elles avaient «besoin d'être confirmées par des études scientifiques de haute qualité».
Quatre objectifs et quatre axes.
Le plan 2008-2010, dont la mise en oeuvre a été confiée au directeur général de la santé, le Pr Didier Houssin, a quatre objectifs. Deux concernent directement la santé : surveillance et connaissance des problèmes cliniques et environnementaux liés au chlordécone ; réduction de l'exposition de la population au chlordécone. Les deux autres objectifs sont de proposer des mesures d'accompagnement en agriculture et d'améliorer la surveillance des sols et des produits des jardins familiaux.
Le gouvernement affiche sa volonté de «réduire l'exposition de la population» mais aussi de «restaurer la confiance des consommateurs et engager une politique de qualité de la production alimentaire». Comme l'avait déjà évoqué Roselyne Bachelot, les limites maximales de résidus (LMR) qui avaient été fixées par un arrêté d'octobre 2005 sur la base de l'évaluation de l'AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) vont être réduites. Un arrêté qui devrait être publié à la fin du mois fixera les valeurs maximales admises pour les denrées végétales à 20 µg/kg pour celles cultivables sous climat tropical ou tempéré, à 10 µg/kg pour certaines denrées spécifiques aux régions de climat tempéré ou susceptibles d'être importées de pays tiers. Pour les denrées animales, qu'elles soient d'origine terrestre ou aquatique, la valeur limite sera de 20 µg/kg, contre 50 µg/kg pour la viande de volaille et 200 µg/kg actuellement pour les autres denrées d'origine animale.
Le contrôle et la surveillance des aliments ont été renforcés au début de l'année. Des actions de proximité sont également prévues pour évaluer les risques liés aux pratiques de culture et d'élevage familial et diffuser des conseils sur la consommation et les modes de préparation. Les recherches sur les effets sur la santé et l'impact potentiel du chlordécone déjà lancées vont être poursuivies notamment en ce qui concerne le cancer de la prostate (étude « Karu prostate » et les issues de grossesse (étude « Ti-moun »). Elles seront complétées par la mise en place ou le renforcement de registre des cancers et des malformations congénitales dans les deux départements. Un comité scientifique piloté par l'Institut de veille sanitaire (InVS) et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a été constitué. Présidé par William Dab (ancien directeur général de la Santé), il regroupe à la fois des experts de l'impact sur la santé du chlordécone et des spécialistes en santé environnementale. Le conseil s'apprête à effectuer une mission aux Antilles dès cet automne et ses premières conclusions devraient être connues pour le premier trimestre 2009.
Site Internet, le 30 juin.
Deux autres volets du plan visent, d'une part, à renforcer la connaissance des milieux (développement des cartographies, des équipements des laboratoires d'analyses locaux et des études sur le sujet) et, d'autre part, à assurer une alimentation saine (meilleure traçabilité des produits) et à mieux gérer les milieux contaminés (diagnostic technico-économique personnalisé proposé aux agriculteurs, aides à la reconversion, aux investissements, renforcement des formations).
Enfin le plan prévoit d'améliorer la communication destinée à la population, qui pourra accéder à toutes les informations utiles, en particulier grâce à un site Internet, www.chlordécone-infos.gouv.fr, qui sera ouvert le 30 juin. Plus de 33 millions d'euros sur trois ans seront consacrés aux différentes actions (quarante au total), qui feront l'objet d'une évaluation annuelle.
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