L'ANIT A MAL aux toxicomanes, qu'elle accompagne depuis bientôt trois décennies. «Aujourd'hui, l'usager de drogue est perçu comme un délinquant. La prévention et l'éducation à la santé cèdent la place à des actions de police et de justice. Et la ministre de la Santé garde le silence.» Le Dr Alain Morel, psychiatre, ancien responsable de l'association, en témoigne en rapportant en substance ces quelques propos empruntés à une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy, intitulée « Vingt ans en arrière » et publiée le 26 mai dans « Libération », qu'il a cosignée avec les Drs William Lowenstein, François Bourdillon (Société française de santé publique) et Pierre Micheletti (MDM).
Son successeur, Jean-Pierre Couteron, psychologue, ne se montre pas moins inquiet et exigeant. Le choix du thème des 29es Journées nationales de l'ANIT « Addictions au quotidien, l'ordinaire des addictions » le signifie. «La montée de la notion d'individualisme estompe le lien social et la règle.Dans le même temps, on fait appel de manière intensive à l'expression sensorielle. Il faut apparaître en permanence branché, ressentir les choses de manière forte. La société survalorise l'intensité sensorielle qui renvoie toujours plus chacun à ses propres pulsions, à ses angoisses.La cyberplanète surproduit des comportements addictifs. Le cinéma n'y échappe pas: un bon film n'est plus nécessairement caractérisé par un scénario mais vaut par les décharges d'adrénaline qu'il engendre toutes les trois ou quatre minutes. Ainsi, ce ne sont pas les addictions qui se banalisent, mais les incitations sociales qui rendent de plus en plus banale l'expérience de l'addiction.»
«En conséquence, poursuit le psychologue, les réponses à apporter ne sauraient se limiter à nommer les dangers.» «Face à la cyberdépendance, par exemple, la solution n'est pas l'élimination de l'ordinateur mais la réhabilitation de la fonction éducative parentale.»
Éducation et prévention.
Dans tous les cas, l'ANIT met l'accent sur le travail éducatif et préventif. Dans cet esprit, il revient au thérapeute d'aider les personnes en situation de dépendance à recouvrer des capacités de réaction, des moyens de faire face. «En aucune façon, la judiciarisation d'un comportement addictif ne constitue une réponse, pas plus que la médicalisation à tout va des toxicodépendants n'est une solution. La pénalisation de l'usage d'un produit vaut, exclusivement, dès lors qu'il y a mise en danger de la vie d'autrui et du lien social. Quant à l'intervention thérapeutique, elle doit permettre à la personne de se reconstruire afin qu'elle puisse contrôler son expérience (NDLR, son addiction), et non éradiquer un comportement addictif» au nom de la loi.
«Ne laissez pas la France s'engager dans une guerre à la drogue synonyme de guerre aux drogués, demandent au chef de l'État les signataires de la lettre ouverte. Que peut-on attendre d'une prévention qui ne serait qu'information obligatoire, comme l'imposent les “stages cannabis” (…) La MILDT ne doit pas devenir une annexe de la place Beauvau. La création d'une Agence de recherche sur les addictions, sur le modèle du Conseil national du sida, s'impose».
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