«LE MANQUE appartient à l'existence. Il est structurel, à l'origine de notre capacité à parler, à désirer, et de la prise de conscience de l'autre.» Pour Diane Enrègle, psychologue clinicienne et psychanalyste en milieu hospitalier, le manque remonte à la petite enfance. De cette époque où nos plus secrètes envies étaient tournées vers le sein nourricier est né le désir, produit du manque. Et, contrairement au besoin, qui est, lui, physiologique et qu'on peut combler, le désir demeure insatisfait, par définition. Dans les addictions, le désir remplace rapidement le besoin. «Le manque sera plus ou moins bien géré par la suite en fonction de la façon dont il aura été vécu pendant l'enfance», assure-t-elle. Ainsi, certaines personnes ne souhaiteront pas s'en passer : «C'est un moindre mal pour réussir à tenir.» D'autres, au contraire, apprendront à combler ce manque par d'autres choses, plus variées. «Le vide et le manque demeurent au final de formidables espaces de création.»
Le manque ressenti entre deux cigarettes ou pendant la phase de sevrage d'un fumeur s'explique autrement, d'un point de vue physiologique. «Lorsqu'on fume, c'est uniquement pour apaiser la sensation de manque provoquée par la nicotine», explique Marion Adler, médecin généraliste et responsable de l'unité de consultation de tabacologie à l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart. Un manque qui devient alors proche de la souffrance : «Lorsqu'un fumeur déclare ne pas vouloir arrêter de fumer, il désire en réalité ne pas vouloir souffrir de ce manque.» Il s'agit alors d'envisager le fumeur comme un malade atteint d'une maladie chronique, «faite de multiples possibilités de rechutes avant d'atteindre la guérison». Génétiquement déterminés à la naissance, un certain nombre de récepteurs seront comblés par une quantité correspondante de nicotine, variable selon les personnes. «Rares sont les personnes (environ 5 % des fumeurs) qui n'éprouvent pas de manque en fumant seulement quelques cigarettes de temps en temps», affirme la tabacologue. Le but d'un sevrage est donc de fermer progressivement ces récepteurs afin de calmer le manque physique. «Un bon sevrage débutera par la dose adéquate de nicotine qui n'est pas toxique pour le corps, dès le départ, en calmant la sensation de stress, d'angoisses, d'énervement, de difficulté à se concentrer, voire de dépression, jusqu'à ce que le corps n'en ait plus besoin.»
Nouveaux gestes.
Selon ces deux intervenantes, s'arrêter de fumer n'est pas qu'une question de volonté. «Si le fumeur est en manque physique, il lui sera plus difficile de ne pas prendre de cigarette que s'il est comblé physiquement par un apport adapté et suffisant en nicotine», selon Marion Adler. Un traitement adéquat est ainsi nécessaire pour éviter les symptômes de manque (agressivité, irritabilité, augmentation de l'appétit, troubles du sommeil, etc.). Les substituts nicotiniques peuvent aider à combler ce manque, sans risque pour la santé, au cas où le fumeur continue de fumer fréquemment, puisque la nicotine n'est pas toxique.
Une fois le manque physique disparu, l'ancien fumeur devra réapprendre de nouveaux gestes, afin de remplacer ses habitudes liées à la cigarette. «Se faire plaisir en comblant un vide, c'est apprécier de faire autre chose, en fonction de ses passions. Sans cigarette, la vie se réorganise autrement.»
Trucs et astuces
- Changer le geste : penser au geste qui fait du bien, le substitut nicotinique, comprimé à sucer ou gomme. En trois ou quatre minutes, la nicotine atteint le cerveau pour faire du bien, sans aucun risque.
- Éviter les anciens réflexes : penser aux automatismes et moments associés à la cigarette : le café du matin, le soda frais de l'après-midi, l'apéritif du soir. Les remplacer ou les modifier en changeant d'endroit.
- Se désaltérer : boire un grand verre d'eau. La déshydratation accentue les symptômes liés à l'arrêt. Boire de l'eau diminue également l'envie de grignoter.
- Remplacer le manque par un plaisir : jouer d'un instrument, préparer un bon plat, se défouler en se remettant au sport. Afin d'occuper son corps et son esprit.
- Apprécier les bénéfices retrouvés : faire des vocalises avec le timbre de voix retrouvé en savourant l'agréable sensation de mieux s'exprimer et d'avoir plus de souffle.
- Savourer la liberté : se mettre en valeur en étant fier de ne plus être esclave de la cigarette.
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