DANS LES ANNÉES 1990, la situation était relativement simple. Aux fêtes techno, les produits stimulants, à l'espace urbain, les opiacés. Mais depuis le milieu des années 2000, selon les dernières observations du dispositif TREND (Tendances récentes et nouvelles drogues), c'est «le brouillage croissant» entre espaces, produits et modes d'usage. Les jeunes vont d'un espace à l'autre, on retrouve ceux qui ont commencé leur consommation dans les fêtes dans les structures de réduction des risques et les centres de soins. Les produits circulent de même. L'héroïne apparaît dans les fêtes, sniffée ou fumée, et elle y est consommée de plus en plus pour ses effets propres (plaisir) et plus seulement dans le cadre de la gestion de la descente des stimulants. Une enquête réalisée en 2004 et 2005 montre que 26 % des personnes rencontrées dans le milieu festif ont consommé de l'héroïne au moins une fois au cours de leur vie et 8 % le mois précédent. Du coup, dans les fêtes, l'ecstasy en comprimé devient la drogue des débutants et est de plus en plus considérée comme une drogue douce, dont la dangerosité est oubliée. Dans le même temps, la MDMA ou les amphétamines, substances habituelles de l'espace festif, se retrouvent utilisées en injection par les usagers marginalisés des centres urbains. Du coup, on constate un élargissement des groupes sociaux concernés par les usages de substances psychoactives. Après la cocaïne, consommée par des couches très diverses de la société, c'est au tour des opiacés d'apparaître «là où ils ne sont pas attendus»: l'héroïne chez des personnes insérées socialement ou dans des milieux ruraux ; la buprénorphine, à usage de détente, dans des groupes professionnels divers (déménageurs, coursiers, cadres). Même si l'étendue de ces pratiques est restreinte, la tendance est inquiétante, car ces nouveaux usagers sont peu informés des consignes de réduction des risques, en particulier en ce qui concerne l'injection. Et le rajeunissement et la féminisation des usages n'ont rien pour rassurer.
Autre préoccupation : avec la hausse de la disponibilité de l'héroïne (la production afghane a atteint des records au cours des deux dernières années), on peut s'attendre à une remontée du nombre de surdoses.
Le rapport ne note par ailleurs que peu d'évolutions en matière de détournement des produits de substitution. En 2006, la disponibilité de la buprénorphine à haut dosage sur le marché parallèle local a retrouvé son niveau d'origine malgré les mesures adoptées par l'assurance-maladie au cours des deux années précédentes, alors que, dans le même temps, le trafic international s'identifiait. Mais les premières observations de 2007 suggèrent une diminution de la disponibilité du Subutex, avec augmentation des prix, du fait probablement de son remplacement partiel par les génériques, peu recherchés en usage détourné.
« Tendances », n° 58, sur les phénomènes marquants 2006 et les premières observations 2007.
Attention au GBL
Cette fois, c'est l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT, Lisbonne) qui s'alarme d'un nouveau risque : si le GHB (gamma-hydroxybutyrate, ou ecstasy liquide) n'est plus en vente libre, ses précurseurs, le GBL et le 1,4-BD ne sont pas contrôlés au niveau international. Utilisés de manière assez répandue dans l'industrie chimique et disponibles dans le commerce, ainsi qu'en ligne (15 fournisseurs au moins), ils peuvent être utilisés pour fabriquer facilement du GHB. Et lorsqu'ils sont ingérés directement, ils se transforment rapidement en GHB dans l'organisme. Des consommateurs ont dû être admis d'urgence à l'hôpital.
Peu de données existent sur l'utilisation récréative du GHB-GBL, mais des études ont montré qu'elle représente un pourcentage significatif des urgences liées à la consommation de substances illicites (8 % dans un hôpital d'Ibiza en 2005, par exemple).
Le GHB est connue comme « la drogue du viol », alors que, dans les cas d'agressions sexuelles répertoriés, on a plutôt retrouvé un mélange d'alcool et de benzodiazépines. Mais c'est peut-être la réputation du GHB en la matière qui en a limité, jusqu'à présent, l'usage récréatif.
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