Taille, poids et âge de la puberté au fil des ans

Plus grands, plus gros et plus précoces

Publié le 16/03/2008
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Un lien entre obésité et puberté(Bsip)

DEPUIS le XIXe siècle, on observe dans les pays européens une croissance et un développement plus rapides des enfants, une taille moyenne plus élevée et une maturation plus précoce (âge de la puberté). Cette tendance séculaire, qui s'observe dans tous les pays et est clairement en rapport avec l'industrialisation et les changements de conditions de vie, n'est pas linéaire : la hausse de la taille à l'âge adulte se ralentit ou est même stoppée dans certains pays, comme en Belgique, où Quételet (1796-1874), l'auteur de ce que l'on appellera l'indice de masse corporelle (IMC, poids en kilogramme divisé par la taille au carré), a été le premier à noter une relation entre nutrition et croissance des nouveau-nés.

Deux types d'explications sont avancés pour expliquer cette décélération belge : soit les conditions de vie sont telles qu'elles sont devenues optimales pour l'expression complète du génotype, soit elles ont cessé de s'améliorer dans les dernières décennies.

Manque de données.

Qu'en est-il en France ? Les références récentes, qu'il s'agisse des études longitudinales (données sérielles chez le même sujet) ou des études transversales en population (mesures uniques chez des sujets différents à chaque âge), qui permettent d'établir des courbes de référence, manquent. Il n'existe pas de données pour les enfants nés après les années 1960. Or l'émergence, dans les années 1980, du surpoids et de l'obésité chez l'enfant associée à une diminution de l'âge d'apparition de la puberté, deux phénomènes sans doute liés, appellent à la vigilance. C'est pourquoi le Régime social des indépendants (RSI) a demandé à l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) une expertise collective sur la croissance et la puberté et leurs évolutions. Après une revue de la littérature (près de 350 articles) et des données disponibles au deuxième trimestre de 2006, le groupe d'experts a remis ses conclusions et recommandations, parmi lesquelles figure la mise en place d'études transversales et longitudinales. La dernière observation réalisée en France (1998), fondée sur la mesure de la taille des conscrits de 18-20 ans, montre un gain de 0,7 cm par décennie entre 1900 et 1960 et de 1 ou 2 cm par décennie entre 1960 et 1990. Une étude plus récente (1984-1985) indique que les enfants actuels sont plus grands et ont un poids plus élevé, mais met aussi en évidence un avancement du rebond d'adiposité et une vitesse augmentée de la croissance au début de la vie.

L'âge moyen de la puberté est estimé à 11,6 ans (stade d'augmentation du volume testiculaire) chez le garçon et a surtout été étudié chez la fille. L'âge des premières règles (ménarche) est de 12,6 ans en France (12 ans en Italie et 13,5 en Allemagne). Cet âge tend à diminuer de 0,175 an par décennie pour la période allant de 1840 à 1980. Il a baissé de deux ans en région parisienne, une diminution à mettre en rapport avec l'augmentation constante de l'obésité chez l'enfant. La relation entre masse adipeuse et puberté semble bien établie. En revanche, les études ne permettent pas de déterminer si la préexistence d'un surpoids favorise une puberté précoce ou si, au contraire, les changements hormonaux qui accompagnent la puberté sont responsables de l'augmentation de la masse adipeuse. La leptine, découverte en 1994, pourrait être une clé dans la compréhension du lien entre obésité et puberté. Le tissu adipeux qui produit le peptide «pourrait se comporter comme une glande hormonale secondaire capable d'influencer la synthèse et la libération d'hormones comme les estrogènes qui agiraient directement sur la maturation sexuelle».

Marqueurs de puberté.

Les aspects génétiques de l'âge de la puberté sont également mal connus. «Définir de nouvelles constantes biologiques de l'initiation de la puberté est un besoin urgent pour étudier la part des facteurs génétiques et environnementaux», soulignent les auteurs. Les changements somatiques survenant à la puberté sont le reflet de profondes modifications, mais il est difficile de faire la part entre ce qui relève d'une cause ou d'une conséquence du processus pubertaire. Les nouveaux marqueurs biologiques des phases initiales de la puberté auraient un intérêt diagnostique (retard pubertaire simple ou avec retentissement sur la fertilité) et prédictif. «Il semble exister une corrélation entre cancer du sein et âge de la puberté», poursuivent-ils.

La composante génétique pourrait être déterminante sur la taille avec une héritabilité estimée entre 0,69 et 0,95. Les valeurs les plus élevées sont observées aux Pays-Bas (184 cm en moyenne pour les hommes et 171 cm pour les femmes) et les plus basses en Italie (177 et 163 cm). Le stress précoce (période prénatale, périnatale, petite enfance, adolescence) pourrait avoir une influence sur la croissance comme sur la puberté. Des influences qui mériteraient aussi d'être étudiées.

* « Croissance et puberté. Evolutions séculaires, facteurs environnementaux et génétiques », éditions INSERM, 176 pages, novembre 2007, 15 euros, librairies spécialisées.

> Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8333