INFORMATICIENS, banquiers, juges ou éditeurs : que deviennent les hémophiles ? C'est ce que cherche à savoir la fondation Wyeth en lançant une enquête pour comprendre comment les enfants et les adolescents hémophiles se construisent avec la maladie.
«Aujourd'hui, l'espérance de vie d'un nouveau-né hémophile est semblable à celle de n'importe quel enfant», souligne le Pr Claude Griscelli, qui préside la fondation. Mais la vie des jeunes hémophiles n'est pas semblable à celle de n'importe quel enfant. Il leur faut accepter les fortes contraintes liées aux traitements. A raison d'une à trois injections par semaine, le fragile capital veineux des enfants les rend parfois difficiles à accepter. L'administration par voie intraveineuse du facteur VIII ou IX défaillant demeure pourtant la seule façon de limiter les risques de saignements. Cette solution reste transitoire et les principaux travaux de recherche en cours visent précisément à améliorer la durée du traitement. De ce point de vue, la thérapie génique a déjà livré des résultats encourageants, faisant renaître l'espoir d'alléger la prise en charge. Depuis dix ans, pas moins de cinq essais menés aux Etats-Unis ont permis de guérir des modèles de souris. Malheureusement, ces résultats ne se confirment pas encore chez l'homme, qui doit, dès son plus jeune âge, apprendre à vivre avec la maladie. En acceptant les multiples piqûres, les enfants hémophiles peuvent, par exemple, suivre normalement une scolarité.
«Les progrès réalisés pour traiter l'hémophilie sont plus importants que ceux enregistrés dans le diabète», martèle le président Griscelli. Alors, traitement à la demande ou prophylaxie ? Aujourd'hui, deux types de produits sont disponibles. Les concentrés de facteur de coagulation dérivés du sang, dont l'origine plasmatique continue d'inquiéter, et concentrés recombinants produits par le génie génétique, qui sont utilisés dans 80 % des cas. Les complications liées au traitement existent et le développement d'anticorps inhibiteurs, qui survient surtout dans l'hémophilie A, touche près de 30 % des malades atteints de la forme la plus sévère de la maladie.
Améliorer la qualité de vie.
«Il reste un travail immense à accomplir pour améliorer la qualité de vie des patients», dit encore Claude Griscelli, qui mesure les difficultés et le handicap, puisque la maladie guide le projet de vie. Naturellement, on pense avant tout aux pratiques sportives, strictement encadrées. «Expliquer à un garçon de 5ans qu'il ne fera pas de football n'est déjà pas simple, et lui apprendre à se piquer est encore une tout autre histoire», précise le Dr Chantal Rothschild, responsable du centre de traitement de l'hémophilie de l'hôpital Necker - Enfants-Malades.
Les hématologues qui prennent en charge ces patients depuis l'enfance jusqu'à l'âge adulte sont regroupés dans des centres spécialisés. Six structures d'expertise sont à présent réparties entre Lyon, Lille, Nantes, Marseille et dans les hôpitaux de Necker - Enfants-Malades et de Bicêtre à Paris. Ils tissent aujourd'hui un réseau piloté par le Centre national de référence pour l'hémophilie, créé dans le cadre du plan national Maladies rares, qui s'achève cette année.
Le Pr Claude Négrier, du centre régional de traitement de l'hémophilie de l'hôpital Edouard-Herriot, à Lyon, insiste notamment sur l'importance de la coordination avec les médecins de ville, «qui font face à tous les bobos de la vie courante en lien avec le centre hémophilie le plus proche. C'est un facteur de confiance et une source de sécurité pour l'enfant ou le jeune adolescent». L'hémophilie ne ferait pas systématiquement l'objet d'un diagnostic prénatal et ne se révélerait pas toujours à l'accouchement. Il estime donc que «les médecins doivent mieux connaître les signes précurseurs qui se manifestent par exemple au moment de l'apprentissage de la marche». Les ecchymoses ou bleus à fleur de peau comme les hématomes au niveau des muscles peuvent faire penser au syndrome des enfants battus. Ces diagnostics peuvent aussi être l'occasion de suspecter une hémophilie.
Parmi les 15 000 personnes affectées par un processus de coagulation défaillant recensées en France, on compte à l'heure actuelle 5 000 hémophiles, dont la moitié souffrent d'une forme sévère. Au niveau mondial, 400 000 personnes en seraient atteintes, mais seulement 30 % auraient fait l'objet d'un diagnostic.
La vie avec l'hémophilie reste donc très encadrée mais devient possible. Le développement de thérapeutiques nouvelles est une clé pour une bonne intégration dans la société qui doit, selon le Pr Griscelli, «accepter d'en prendre le coût en charge». Le coût du traitement annuel pour un enfant de 10 ans est de 60 000 euros et celui du traitement prophylactique reste trois fois plus élevé. Le prix à payer pour se construire un avenir avec la maladie.
Quels sports ?
Le sport, qui était formellement contre-indiqué aux hémophiles jusqu'à la fin des années 1960, est désormais recommandé dans certaines limites aux jeunes malades. Selon une étude publiée en 2007, 80 % des hémophiles de 4 à 16 ans pratiquent une activité sportive à l'école, contre 37 % seulement des patients de 18 à 72 ans à l'époque où ils étaient scolarisés.
Selon une enquête de 2005, 50 % des hémophiles sportifs sont des nageurs, et 44 % font du vélo. Marche, pêche, aviron, bicyclette, golf, haltérophilie, natation sans plongeon, ping-pong et tir à l'arc présentent un risque faible. D'autres présentent un risque moyen (badminton, course à pied surtout intensive, escalade, escrime, planche à voile, ski de fond, ski de randonnée, VTT) ou élevé (équitation, patinage sur glace, planche à roulettes, plongée, rollers, ski alpin, snowboard, squash, volley-ball). Athlétisme, basket-ball, handball, rugby, sport de combat, moto sont à éviter absolument.
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