LES CENTRES de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) ont été conçus à la fin des années 1980 pour favoriser l'accès au dépistage et participer à la politique de prévention en accompagnant la réalisation du test à une activité de counselling. En 2006, un rapport du Conseil national du sida (CNS) a remis en question leur place et leur efficacité dans la stratégie de dépistage. Le rapport se prononçait pour une réforme des centres et un changement de paradigme du dépistage en France, avec des tests proposés de façon plus routinière ; Stéphane Le Vu et Caroline Semaille dressent un nouvel état des lieux dans « le Bulletin épidémiologique hebdomadaire » publié aujourd'hui. «On peut se demander, disent-ils, si le changement de paradigme du dépistage en France nécessite d'opposer les particularités du modèle du “voluntary counselling and testing” –celui des CDAG– à un modèle plus banalisé du dépistage VIH comme préconisé par les Etats-Unis. Il est plus vraisemblable qu'une stratégie de dépistage élargi et moins encadré devra être associée au maintien d'un dispositif spécialisé ciblant les personnes à risque et les plus vulnérables, et offrant une opportunité de test anonyme.»
En effet, les résultats de la surveillance (2003-2006), qui reposent sur le recueil de l'activité annuelle des CDAG et sur les données d'une enquête transversale réalisée en 2004 auprès de 5 330 consultants, confirment que la part des CDAG dans le dépistage reste modeste.
300 000 sérologies.
En 2006, les CDAG ont accueilli environ 357 000 personnes et ont effectué 305 325 sérologies VIH, dont 1 186 étaient positives. La part des sérologies réalisées en CDAG a peu varié depuis 2003 et se situe en 2006 à 8 % des sérologies en France. C'est à Paris (18 % des tests) et dans les départements français d'Amérique (DFA, 8 %) que la place des CDAG par rapport à l'ensemble de l'offre de dépistage est la plus importante. Ce sont aussi les deux régions qui dépistent le plus grand nombre de personnes séropositives. Les consultants sont en général des jeunes, (moins de 25 ans). Les hommes sont majoritaires (54 %), mais les femmes qui consultent sont en général plus jeunes. Surtout, les CDAG ont vu augmenter au cours de ces dernières années la part des immigrés originaire d'Afrique subsaharienne. Et, d'une façon générale, ils accueillent une population plus exposée au risque (originaire d'Afrique subsaharienne et homosexuelle) : la proportion de sérologies positives y est constamment plus élevée que dans le reste du dispositif.
Des données qui «confirment la raison d'être de ces consultations: permettre d'inclure le dépistage dans une stratégie de prévention, notamment en direction des jeunes, et dépister parmi les populations les plus susceptibles d'être infectées. Leur activité est cohérente avec la problématique particulière de l'infection dans les DFA et en Ile-de-France», concluent les auteurs.
Ils conviennent cependant que des améliorations et des innovations pourraient être apportées, comme la délégation du counselling à des acteurs de prévention non médecins et l'utilisation de tests rapides.
Autre point souligné par les auteurs : «L'offre spécifiquement anonyme des CDAG n'est pas adaptée au cadre pénitentiaire.» La proportion des séropositifs dans les 76 antennes de prison est notablement faible. Le suivi de l'activité des antennes ne reflète pas l'offre de dépistage et ne permet pas d'appréhender le niveau de l'infection à VIH en milieu carcéral.
Idée reçue
Dans le cadre de l'enquête sur les connaissances, attitudes, croyances et comportements face au VIH/sida réalisée en 2005 par l'Institut de veille sanitaire (InVS), 1 874 personnes originaires d'Afrique subsaharienne et résidant en Ile-de-France ont été interrogées. Les résultats (« BEH ») montrent un niveau de recours au test dans cette population très élevé (64,9 %), supérieur à celui de la population interrogée en métropole (53,9 %) et dans les DFA (61,5 %). La différence est plus accentuée pour les hommes (63,9% contre 46,1 % en métropole et 54,8 % dans les DFA). «Ce résultat va à l'encontre de l'hypothèse souvent avancée selon laquelle les populations d'Afrique subsaharienne recourraient moins souvent au dépistage du VIH que les autres», souligne l'étude. Elles s'adressent sensiblement au même site de dépistage que les autres : le recours au CDAG est du même niveau que dans la population générale mais la place de l'hôpital (30,4 % des personnes y ont fait leur dernier test) et l'initiative médicale (bilan, protocole de dépistage) y sont importantes.
Femmes et sida au Palais-Bourbon
A l'initiative de l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), une rencontre est organisée à l'Assemblée nationale sur le thème « Les femmes et le sida en France. Enjeux sociaux et de santé publique ». Le développement de la transmission du virus lors des rapports hétérosexuels et la plus grande vulnérabilité des femmes explique la tendance à une plus grande féminisation de l'épidémie. En France, en 2005, les femmes représentaient 38 % des découvertes de séropositivité, dont la moitié étaient originaires d'Afrique subsaharienne. Un numéro spécial de la revue « Médecine Sciences »*, publié avec le soutien de l'agence, fait le point sur la question, à la veille de la Journée de la femme. Coordonné par Geneviève Paicheler, il décrit en une vingtaine d'articles une situation en France moins dramatique qu'ailleurs, mais dans laquelle des inégalités sociales face à l'infection par le VIH, notamment entre les sexes, persistent. Les conséquences peuvent être mesurées aussi bien sur les pratiques de prévention que sur l'accès aux soins et les conditions de vie de celles qui vivent avec le VIH. Le colloque réunira autour de ce thème des élus, des chercheurs, des responsables de santé publique et des représentants associatifs. Marie-George Buffet, présidente du groupe d'études sur le sida à l'Assemblée, ouvrira les débats en compagnie du Pr Jean-François Delfraissy. Des personnalités comme Line Renaud, Charlotte Valandrey seront présentes lors des tables rondes. Le mot de la fin sera laissé à la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot.
* Hors-série n° 2, mars 2008 (www.medecinesciences.org).
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