NUREMBERG, en Bavière, ville où siégea le tribunal créé par les Etats-Unis, l'Union soviétique, la France, la Grande-Bretagne et l'Irlande au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. De décembre 1946 à juillet 1947, vingt praticiens sont jugés pour avoir été impliqués dans l'expérimentation médicale nazie. Karl Gebhardt, médecin de Himmler, chef de la Gestapo, président de la Croix-Rouge allemande, à l'origine d'expériences, spécialement sur des femmes de Ravensbrück, est exécuté le 2 juin 1948. De même que Joachim Mrugowsky, chef de l'Institut d'hygiène de la SS, et que Wolfram Sievers, dirigeant de l'Ahnenerbe, établissement de recherche sur la «race nordique indo-européenne».
En ces temps d'abomination, l'éthique est hors la loi. Face aux crimes contre l'humanité, Nuremberg va appeler – et c'est une première – à se poser la question des expériences sur l'homme. Au commencement était Nuremberg. «Depuis, nombre de progrès ont été accomplis en éthique médicale», bien que les conditions d'une recherche clinique, réclamant sans cesse de nouveaux ajustements, n'en finissent pas de susciter des interrogations, souligne le Pr François Goldwasser, chef du service de cardiologie de l'hôpital Cochin (Paris), membre du groupe Ethique de la Ligue nationale contre le cancer (LNCC). Ce sera l'un des thèmes du premier colloque Ethique et cancer, organisé jeudià Paris à l'initiative des Prs Axel Kahn et Francis Larra, respectivement présidents de Paris-V - Descartes et de la LNCC, sous le patronage de la Santé.
Donner du temps au patient pour prendre sa décision.
Il faut attendre la loi Huriet du 20 décembre 1988 pour que soit posé et sacralisé le principe du «consentement éclairé» de la personne qui se prête à la recherche médicale. Pour autant, «chaque situation à laquelle nous nous trouvons confrontés fait ressortir les limites du système», explique au « Quotidien » le Pr Goldwasser. «Consentement éclairé... Mais sommes-nous en mesure, nous médecins, de décrire comme il se doit les conditions dans lesquelles se déroule la recherche clinique et de communiquer sur ses enjeux, s'interroge le spécialiste. Les éléments fournis au patient suffisent-ils pour qu'il se prononce de façon autonome, librement, et en toute lucidité? Une Marseillaise, qui a participé à un essai, viendra témoigner au colloque. Elle expliquera en quoi elle n'a pas disposé de suffisamment de recul pour répondre par la négative.»«Quelle attitude adopter face à une personne à qui on va annoncer un cancer, donc fragilisée, et que l'on n'exclut pas de faire entrer dans un essai permettant de comparer les traitements A et B?» «Il faut lui donner du temps», répond le cancérologue, en suggérant l'intervention d'un acteur de santé, «qui ne serait ni juge ni partie, pour éclairer le pour et le contre». Formé à la culture de l'essai thérapeutique, cet intervenant mettrait l'accent sur les risques et les contraintes (prise de sang, déplacements à l'hôpital…) comme sur les bénéfices attendus. «Un temps d'infirmier de recherche clinique ferait l'affaire.» Depuis 2002, le Pr Goldwasser a recours à ce type de personnels paramédicaux – même s'il n'existe pas de statut professionnel en recherche clinique – «dans l'optique d'expliquer au patient le déroulement d'une expérimentation». La formule pourrait donc être élargie «à l'aide à la prise de décision».
«L'essai thérapeutique, qui se doit d'être pertinent, ne saurait constituer une fin en soi», conclut le spécialiste. Chaque année, une cinquantaine des 460 patients suivis dans son service pour un cancer, «préalablement éclairés», participent à des essais thérapeutiques, pour une moyenne nationale de 1 à 5 %.
Le colloque Ethique et cancer
Le colloque Ethique et cancer, premier du genre, aura lieu le jeudi 14 février, de 8 h 30 à 17 h 30 à la Cité des sciences, à Paris, sous le patronage du ministère de la Santé. Roselyne Bachelot devrait participer à la séance inaugurale. Quatre thèmes seront abordés : annonce du diagnostic et information au cours de la maladie ; les essais cliniques et le consentement ; le traitement du cancer chez les personnes en situation de fragilité ; la communication publique sur le cancer.
Tél. 01.56.81.15.18, www.ligue-cancer.asso.fr.
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