QUELLE OFFRE LIBÉRALE pour garantir l'accès aux soins de proximité ? Cette question, fil rouge des états généraux de l'organisation de la santé (EGOS), était au coeur de la première convention du Centre national des professions de santé (CNPS, regroupant 28 syndicats de libéraux de santé), qui s'est tenue à Paris en présence d'élus, d'experts, d'hospitaliers, de représentants des usagers et de professionnels de terrain.
Pour lutter contre l'émergence de déserts médicaux, chacun a avancé ses idées, plus ou moins novatrices.
Pour Gérard Raymond, président de l'Association française des diabétiques (AFD), «notre système n'est pas si mauvais», mais il est «fragilisé» par le «désintérêt» des jeunes pour la médecine générale, métier du «premier recours» auquel il convient de redonner ses lettres de noblesse. Ce qui passe, explique Gérard Raymond, par une «redéfinition» des missions et du statut du médecin généraliste traitant, la promotion d'un exercice moins isolé et une « remise à plat de la rémunération» avec introduction d'une «logique forfaitaire valorisant la prise en charge globale». D'où la participation de l'AFD à l'expérimentation d'un programme d'accompagnement de 136 000 patients diabétiques avec l'assurance-maladie, en lien avec 6 000 médecins traitants rémunérés par un forfait (« le Quotidien » du 24 janvier).
Désaffection.
Pour l'économiste de la santé Gérard Viens, «il n'y a pas d'insuffisance de l'offre médicale en France», maisune «inadéquation avec la demande». Cette situation tiendrait à certaines «pratiques responsables de la désaffection pour la médecine générale». En cause : un exercice trop individuel, la «faiblesse» de la délégation de tâches ou encore «les habitudes ancrées» de la visite à domicile (même si le taux a beaucoup baissé depuis cinq ans). Pour Gérard Viens, ce n'est pas un bonus sur le C dans certains secteurs ou des aides nouvelles qui attireront les jeunes médecins dans les zones sous-médicalisées, mais la révision complète des modes d'organisation et de recours aux soins : maisons médicales avec des équipements technologiques mutualisés ; pratiques pluridisciplinaires et coordonnées ; partage de tâches bien identifiées ; amélioration des transports et des déplacements des patients, meilleure qualité de vie (gardes) ; développement des dispositifs de pratique à distance (télémédecine par exemple).
Le Dr François-Charles Cuisigniez, président du nouveau syndicat CSMF-jeunes médecins, ne croit pas pour sa part «aux solutions miracle». Mais il souligne le caractère «inadapté» de la formation initiale actuelle «hypercentrée autour du CHU»; le manque de diversité sociale et géographique des jeunes médecins qui peut expliquer leur réticence à s'installer dans certaines zones sensibles ou rurales ; et aussi la «peur» de se lancer dans un exercice libéral surtout dans des zones «où il n'y a personne».
Elisabeth Hubert, aujourd'hui présidente de la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile (FNEHAD), se réjouit des progrès accomplis depuis vingt-cinq ans. «Hier, être libéral signifiait indépendance, isolement, offre compartimentée, pa iement exclusif à l'acte... Les choses évoluent!» Mais l'ancienne ministre de la Santé et de l'assurance-maladie dans le gouvernement Juppé, regrette que le seul modèle identitaire pour les jeunes médecins lors de leurs études soit... «le secteur hospitalier public». Résultat : «aucune appétence pour la médecine générale».
Autre facteur pénalisant l'accès aux soins de proximité : la «part indigente» des alternatives à l'hospitalisation en France (chirurgie ambulatoire, hospitalisation à domicile). Elisabeth Hubert plaide pour le développement de la «subsidiarité» (la ville prend le relais de l'hôpital quand c'est possible).
Quid de la liberté d'installation en médecine libérale ? Le débat ne sera pas tranché. Elisabeth Hubert ne croit pas que les mesures incitatives suffiront à court terme et assume un discours qui dérange. «Le libéralisme n'est pas l'anarchie. Il faut prévenir les jeunes médecins qu'ils devront donner quelques années dans certains endroits. On n'y échappera pas...» Une approche qui hérisse toujours les plus jeunes. «Commençons par appliquer tous dispositifs incitatifs, à les cumuler, et dans des zones clairement identifiées!», lance le Dr François-CharlesCuisigniez. D'où l'idée qui fait son chemin d'un guichet unique régional des aides à l'installation.
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