«IL S'AGIT d'un problème majeur, affirme le Pr Arnaud Basdevant. L'accès à l'imagerie moderne pour les personnes qui ont une obésité extrême n'est pas possible. C'est vrai pour le scanner et pour l'IRM, mais nous avons aussi de grosses difficultés pour les échographies», poursuit-il. Chef de service du centre de recherche et de médecine de l'obésité (hôpital Salpêtrière), un des centres de référence pour la prise en charge médico-chirurgicale de l'obésité de l'adulte labellisé en 2005 à l'AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), il est l'un des auteurs du rapport du CEDIT (Comité d'évaluation et de diffusion des innovations technologiques) publié en octobre 2005. «C'est un problème sur lequel nous alertons les pouvoirs publics depuis longtemps. Il a été bien étudié à l'AP-HP et je pense que, au niveau de la DHOS (Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins) , il existe une vraie prise de conscience même si, pour l'instant, peu de solutions concrètes ont été prises», poursuit le nutritionniste. En février 2005, la DHOS publiait une circulaire relative à la création de pôles interrégionaux spécialisés dans l'accueil des personnes obèses qui confirmait que «les patients atteints d'obésité morbide sont souvent complètement exclus du système de soins». Pour y remédier «en urgence», huit pôles interrégionaux d'accueil spécialisés répartis sur l'ensemble du territoire ont été créés dans lesquels des équipements appropriés devaient permettre une réelle prise en charge des patients obèses.
Du brassard à l'IRM.
Les problèmes d'équipement, un des premiers freins à l'accès aux soins des patients, se posent de manière globale, «cela va du brassard pour la prise de tension à l'IRM», souligne le Pr Basdevant. Il faut savoir que la charge admissible est de 180 à 200 kg pour les équipements standard (lits, tables de bloc opératoire, lits d'examens pour les scanners et les IRM), alors qu'une charge de 250, voire de 500 kg serait nécessaire pour un patient obèse. Pour le scanner et l'IRM, le problème est non seulement celui du poids (lit d'examen), mais aussi celui de la corpulence (largeur du tunnel). Appareils médicaux et équipements hôteliers doivent tous être adaptés : systèmes de pesée, soulève-malade mobile avec pesée, brancard et fauteuil roulant, matelas anti-escarres. «Que faire lorsqu'il faut prendre en charge un enfant de 180kg ou un adulte de 220, voire 300kg?», interroge le nutritionniste.
Les besoins ont été identifiés mais les moyens financiers manquent cruellement et parfois les solutions techniques n'existent pas.
La Salpêtrière va bientôt être dotée d'une IRM cérébrale accessible aux personnes de très forte corpulence, «mais le problème de l'IRM et du scanner corporels reste majeur», reconnaît le Pr Basdevant. Il lui arrive d'adresser ses patients dans le privé, notamment à Toulouse, et de procéder aux démarches nécessaires auprès des caisses de Sécurité sociale pour le remboursement des indemnités de transport. Les décisions ne sont d'ailleurs pas toujours favorables. Cependant, «le point crucial est celui de l'urgence. Là, nous sommes très démunis; nous ne pouvons rien faire», admet-il.
Un autre problème se pose quelquefois de manière dramatique, celui du transport des patients : le véhicule doit être adapté et le transport nécessite l'intervention de plusieurs ambulanciers. «Les cas ne sont pas rares de personnes décédées faute d'avoir pu bénéficier de transport adapté», déplore le chef de service.
Si la prévalence de l'obésité en France a été estimée à 12 %, celle de la très grande obésité (obésité morbide) est de moins de 1 %. Et, de l'avis du Pr Basdevant, la T2A va encore plus aggraver le problème : «Ce type de patients n'est pas rentable et le surcroît de travail n'est pas comptabilisé. L'établissement gagne la même chose qu'il prenne un patient de 100 ou qu'il prenne un patient de 300kg. Les très grands obèses sont rarement pris en charge dans le privé», souligne-t-il.
L'idée des centres de référence mis en place par l'AP-HP (sept pour adultes et quatre pour enfants) était d'éviter la dispersion des moyens et, dans le cas de la prise en charge chirurgicale, l'objectif était d'atteindre un niveau d'activité suffisant pour garantir la qualité de la prise en charge : «Je plaide vraiment pour un centre référent par région ou plus selon la population. Chaque centre doit avoir à sa disposition l'imagerie moderne, IRM ou scanner», précise-t-il.
Conscient des limites actuelles et du manque de moyens, il poursuit avec la DHOS la mission que lui a confié l'ancien ministre de la Santé, Xavier Bertrand : construire un plan cohérent qui puisse améliorer la prise en charge des patients, à l'hôpital mais aussi en dehors pour les soins de suite ou de réadaptation et les maisons de cure ou en long séjour. «Un vieil obèse, personne n'en veut parce que les lits ne sont pas adaptés, parce qu'il n'y a pas de système de portage», regrette-t-il. Le Pr Basdevant devrait remettre son rapport au printemps prochain. Quant aux centres de référence qui avaient un an et demi pour remplir le cahier des charges, un audit est en cours dont les résultats seront connus au mois de décembre.
Obésité morbide
• Surpoids : IMC entre 25 et 29,9.
• Obésité : IMC entre 30 et 34,9.
• Obésité sévère : IMC entre 35 et 39,9.
• Obésité morbide : IMC supérieure ou égale à 40.
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