Les séjours thérapeutiques font recette

Publié le 12/11/2007
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EN AVRIL dernier, la Haute Autorité de santé (HAS) recommandait aux jeunes patients, dans son guide « Affection de longue durée », à la rubrique « Prise en charge du diabète de type 1 chez l'enfant et l'adolescent », d'enrichir leur connaissance de la maladie en «participant à des cycles d'éducation à l'hôpital, dans des centres d'éducation ou des maisons sanitaires». Cela faisait suite notamment à la 3e Conférence nationale de santé de 1998 qui avait souligné l'intérêt des séjours thérapeutiques. En 1982, déjà, l'Organisation mondiale de la santé déclarait l'importance de la prise en charge éducative des enfants diabétiques mise en place dans les « summer camps ». L'AJD (aide aux jeunes diabétiques) propose depuis sa création, en 1956, des séjours thérapeutiques. «L'intégration sociale des enfants diabétiques est finalement beaucoup plus compliquée qu'avant», note le Dr Michel Cahané, directeur général de l'AJD. «Du fait déjà d'une “judiciarisation” des droits et devoirs de chacun. Le principe de précaution, appliqué à titre individuel, attise les méfiances: les parents reportent sur les enseignants de lourdes contraintes de soins. Les enseignants rétorquent qu'être soignant n'est pas leur métier et puis, une fois munis d'une information (par exemple le taux glycémique de l'enfant) , que doivent-ils en faire? Par ailleurs, l'incidence du diabète de type1 ayant doublé chez les 0 à 5ans lors des dix dernières années, le temps de vie avec un diabète à l'école est plus long. Et la pénurie de médecins scolaires fait que les informations circulent moins bien (entre profs et familles) et que les situations de blocage sont plus fréquentes. D'où l'extrême importance de l'éducation thérapeutique, afin que les enfants et leurs familles soient en mesure de bien comprendre les exigences du traitement pour ensuite les expliquer.»

Apprendre en s'amusant.

L'AJD propose donc aux enfants des séjours sanitaires dans neuf centres de vacances, «source de changement tant au niveau des horaires que dans les rapports à l'alimentation, les activités physiques. Ces activités, ludiques, donc favorables à l'apprentissage, apportent quelque chose de nouveau par rapport à ce qui se passe à la maison. Aux parents également d'apprendre à abandonner leur rôle de surveillant pendant ce temps de vacances et à le partager avec nos équipes».

Plus de 1 100 enfants ont pu profiter cette année des maisons de l'AJD, lors de 27 sessions (été, Pâques, Toussaint, sports d'hiver). Soit 20 345 journées d'éducation, financées par la Sécurité sociale, que le Dr Cahané traduit en «100000décisions d'adaptation des doses» (d'insuline).

Chaque centre, dirigé par un médecin, reçoit entre 30 et 60 enfants. Soit deux médecins par centre, une infirmière et un interne pour vingt enfants et la participation d'élèves infirmiers et d'animateurs de vie. Ce qui représente un adulte pour trois enfants. «Nous sommes volontairement très médicalisés, avec une équipe qui communique avec l'enfant tout au long de la journée, et pas seulement au moment des prises de glycémie et des injections. On demande à l'enfant une double compétence, cognitive: apprendre à analyser ses glycémies, à réfléchir sur les doses d'insuline, à gérer ses repas et activités, à reporter tout cela sur un carnet et à connaître les répercussions sur d'éventuelles hypo- ou hyper- (glycémies) . Il doit aussi acquérir une connaissance de soi, de ses émotions (et leur effet sur la glycémie) .» Lourd. L'absence de psychologue sur ces lieux de vacances est un choix volontaire. «Nous considérons que ces enfants et adolescents travaillent sur les répercussions psychologiques de leur maladie individuellement, lors de leurs consultations au long de l'année. Ici, nous prenons en compte les problématiques qui peuvent être partagées. Les ados nous parlent de leur gêne en public, de leur peur des hypoglycémies, de l'impression d'être seul avec leur diabète, de faire des efforts qui ne sont pas récompensés, de leur crainte aussi d'être un jour parent diabétique…»

Agrandir la connaissance en la partageant.

«Il y a dix ans, la moyenne de l'hémoglobine glyquée (HbA1c) des 6-17ans de l'AJD était de 8,3%, elle est aujourd'hui de 8,22%, donc sensiblement identique. Alors, même si ces moyennes restent plus satisfaisantes que d'autres en Europe et que, certes, nous avons amélioré la qualité de vie de ces enfants (on ne voit plus, par exemple, de comas hypoglycémiques graves) , nous sommes un peu déçus de ces résultats. 70% des jeunes diabétiques se font au moins trois injections par jour, 13% des enfants et 15% des ados sont sous pompe. Et les insulines sont plus performantes. A cet arsenal thérapeutique lourd on devrait donc chercher un pendant qui prenne davantage en compte la psychologie des enfants», reconnaît le Dr Cahané.

Chaque année, les maisons de l'AJD accueillent environ 40 % de nouveaux enfants. «Ce qui signifie qu'un enfant sur deux qui a un diabète en France est venu à l'AJD dans sa vie d'enfant», souligne le médecin. Selon lui, de 70 à 80 % des familles d'enfants diabétiques adhèrent à l'AJD.

Les enfants ont exprimé dans un questionnaire leur vécu de la maladie avant et après leur séjour à l'AJD : 56 % l'estimaient «bon» en début de vacances, 83 % à la fin. «Pour ces jeunes, ce sont un peu des vacances du diabète, analyse Sabine Malivoir, psychologue à l'AJD. Ils sont assurés qu'un médecin est derrière eux en permanence. Et puis, entre eux, ils n'ont plus à composer. Ils vont aussi au-delà de ce qu'ils pensaient pouvoir faire.» Maxime a 17 ans, il est tombé malade à l'âge de 7 ans. Six fois, il a passé ses vacances à l'AJD. «Lors de ma première colo avec eux, c'était la première fois que je rencontrais d'autres enfants diabétiques. La maladie nous rassemblait. On agrandit la connaissance en la partageant. Et je me sentais en sécurité.»«Ici, c'est comme à l'école, à un moment donné il faut quitter la colo. C'est l'objectif!», relève le Dr Cahané. Car quitter la colo AJD, c'est signer la prise d'une certaine autonomie.

En 2006, les maisons de l'AJD ont reçu la visite des inspecteurs de la HAS, qui a délivré à l'association sa certification. L'AJD fait depuis partie des 12,5 % d'établissements qui «ne font l'objet d'aucune recommandation», se félicite son directeur général. Outre l'originelle mission d'éducation thérapeutique personnalisée, certains autres points forts ont été mis en valeur, comme le carnet de glycémies informatisé de chaque enfant qui, via un Internet sécurisé, est supervisé à Paris. Des éléments qui pourraient être repris par d'autres centres.

AJD, tél. 01.44.16.89.89, www.diabete-france.net.

Connaissances et ignorance des 15-25 ans

Une étude réalisée par l'IFOP pour les Laboratoires Novo Nordisk a cherché à mesurer la connaissance et l'image que les 15-25 ans (non diabétiques) ont du diabète. Sept sur dix affirment savoir «très bien» de quoi il s'agit, 89 % savent que le diabète ne concerne pas que les personnes âgées et 73 % associent la maladie au sucre (dont 43 % qui précisent le «taux de sucre dans le sang»). Près d'un tiers évoquent spontanément l'insuline au rang des traitements.

Mais si 97 % appréhendent le diabète comme une maladie qui «nécessite une surveillance alimentaire», 9 % seulement signalent qu'il existe deux types de diabète.

Le niveau du diplôme contribue certes à élever le degré de connaissances, mais c'est le fait de connaître une personne diabétique dans son entourage qui apparaît comme le meilleur facteur informatif sur la maladie.

Les plus exposés, ceux qui ont les comportements les plus risqués en la matière (pratiques alimentaires et physiques), ne sont pas les mieux informés : 33 % d'entre eux pensent que le diabète empêche de faire du sport et seulement 6 % évoquent le mode de vie dans leur définition du diabète. Les jeunes les plus exposés sont aussi ceux qui jugent élevé le danger de développer un diabète à l'avenir (77 %, contre 12 % chez les moins exposés au risque). Toutefois, cette population tend à minimiser les contraintes liées à la maladie : 79 % y voient une maladie contraignante, contre plus de 9 sur 10 dans le reste de la population.

Etude réalisée entre le 26 et le 30 octobre 2007, sur un échantillon de 807 personnes, questionnées via Internet.

Paroles de diabétiques

«Quand je cours avec les autres et que, subitement, je suis obligé de m'arrêter pour me resucrer, car en hypo, j'ai la désagréable sensation de rester sur place. Pourtant, il faut continuer à avancer. C'est d'ailleurs une bonne image pour décrire la maladie.» Maxime, 17 ans.

«Ça me pompait, les injections, alors je suis passé à la pompe (à insuline) . Je le vis très bien, je trouve qu'elle m'apporte pour l'instant une grande liberté, mais je sais bien qu'un jour j'en aurai marre aussi et que je repasserai aux piqûres.» Alexandre, 16 ans.

> AU. B.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8255