De plus en plus d'enfants diabétiques

Publié le 12/11/2007
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L'incidence a doublé en vingt ans (Phanie)

UN PROGRAMME de surveillance du diabète existe en France depuis 2002 mais concerne principalement l'adulte diabétique. Or, depuis plusieurs années, les autorités sont alertées par le changement du profil épidémiologique de la maladie : les données disponibles de 1988 à 1997 mettaient en évidence une augmentation de 3,7 % par an du diabète de type 1, une hausse qui semblait persister dans les années 2000 ; l'émergence, il y a dix ans, chez l'enfant américain d'un diabète de type 2, considéré alors comme le diabète de l'âge mûr, a révélé une tendance qui s'est confirmée puisque le diabète de type 2 y est maintenant aussi fréquent que celui de type 1. On y parle «d'épidémie». En Europe et en France, les premiers cas ont été publiés au tout début des années 2000. Une telle évolution concernant une pathologie chronique, aux répercussions lourdes sur la santé actuelle et future de l'enfant, a conduit l'Institut de veille sanitaire (InVS) à s'interroger sur la mise en place d'une surveillance spécifique du diabète de l'enfant. Cela en s'appuyant sur l'expertise de l'INSERM, en particulier de l'unité 690 Diabète de l'enfant et développement. Le rapport, publié à la veille de la Journée mondiale, confirme l'ampleur du problème et souligne l'insuffisance des données actuelles.

Les 15 membres du comité de pilotage, animé par le Dr Claire Lévy-Marchal, directrice de l'unité 690 et le Dr Anne Fagot-Campagna, endocrinologue et responsable du programme de surveillance du diabète de l'InVS, ont procédé à partir d'une revue de la littérature et d'entretiens des différents acteurs intervenants dans le domaine du diabète de l'enfant, sur le terrain ou dans les instances de décision.

Les difficultés de la prise en charge.

Concernant le diabète de type 1, le seul registre français d'incidence du diabète de l'enfant a été fermé en 1997 pour des raisons financières, alors que d'autres registres européens ont perduré. Les données datent donc de dix ans : 8 cas pour 100 000 en 1988, avec un accroissement de 3 à 4 % par an, prédominant chez les tout-petits (avant 5 ans). Cependant, au vu des registres européens, «on peut aujourd'hui anticiper un taux d'incidence annuel chez l'enfant de moins de 15ans de l'ordre de 15 pour 100000», affirment les auteurs. Une incidence multipliée par deux en vingt ans et un décalage du diagnostic vers les tranches d'âge plus précoces qui posent problème. Car la prise en charge du diabète des moins de 5 ans est très lourde médicalement, pour le personnel soignant et pour les familles. En outre, «on considère trop souvent que la question de la prise en charge du diabète de type1 de l'enfant est une question résolue dans notre pays», souligne le rapport, qui identifie un certain nombre de difficultés. La première tient du paradoxe : alors que la fréquence de la maladie augmente, l'offre de soins en milieu hospitalier pédiatrique spécialisé semble en diminution et est répartie de façon très inégale sur le territoire. Malgré l'amélioration des traitements et la diffusion de recommandations nationales et internationales, «le contrôle glycémique des enfants est insuffisant et ne les met pas à l'abri de complications» ; les complications sont dans ce cas retardées, apparaissant à l'âge adulte, mais elles représentent le coût réel, humain et financier de la maladie. Par ailleurs, l'acidocétose, souvent révélatrice de la maladie – environ la moitié des cas –, est une situation grave qui conduit à une morbidité importante, voire au décès, en raison de l'oedème cérébral. De telles conséquences sont rares, mais pourraient être évitées et prévenues par des campagnes d'éducation.

La problématique est «mal documentée en France», tout comme ce qui concerne le retentissement familial, la qualité de vie ou l'insertion scolaire et sociale des enfants. Certaines périodes mériteraient, selon le rapport, une attention particulière, l'adolescence et le moment de transition entre les secteurs pédiatriques et adultes. Elles peuvent être source d'errance médicale, exposant les patients au risque de complications précoces et invalidantes. «On ne connaît ni l'ampleur de cette difficulté dans notre pays ni ses causes spécifiques», déplore le comité.

Une émergence qui inquiète.

Pour le diabète de type 2, il n'existe aucune donnée d'incidence en dehors d'une série hospitalière de CHU qui montre un accroissement rapide depuis les années 2000 : 5,2 % des enfants hospitalisés pour diabète en 2001-2003 contre 2,2 % entre 1993-1998 pour ce centre spécialisé qui recrute 50 % des nouveaux cas de diabète en Ile-de-France. De plus, la prise en charge ne bénéficie pas de recommandations et n'est codifiée ni en Europe ni aux Etats-Unis. Sa fréquence n'est pas encore alarmante mais l'émergence de ce type de diabète est «inquiétante» car les complications sont sévères et s'installent rapidement au cours de l'évolution de la maladie, chez le jeune adulte (microalbuminémie conduisant à une insuffisance rénale, dyslipidémie, hypertension artérielle et atteintes cardio-vasculaires). Le surpoids et l'obésité constituent un facteur de risque majeur de ce type de diabète qui concerne avant tout les adolescents.

Les auteurs signalent la difficulté de distinguer les deux formes de diabète au moment du diagnostic : un enfant obèse peut souffrir d'un diabète auto-immun de type 1 ; à l'inverse, l'acidocétose est fréquente au moment du diagnostic d'un diabète de type 2.

Compte tenu de toutes ces observations, le comité recommande un renforcement du système de surveillance des deux types de diabète chez l'enfant. En particulier, il insiste sur la mise en place d'enquêtes sur le diabète des tout-petits, un champ d'étude aujourd'hui délaissé. Parmi les projets en cours d'élaboration, il propose de soutenir la mise en place d'un registre dans le Grand Ouest, une initiative portée localement par le centre hospitalier de Lorient et qui devrait être associée à la création d'une cohorte. Ses données, qui ne pourront être disponibles que dans cinq ou dix ans, viendront compléter les études transversales Entred-Enfant lancée par l'InVS en octobre 2007 et Entred-Ado qui doit débuter en 2008. Une étude sur le devenir sociétal des enfants diabétiques arrivés à l'âge adulte réalisée par le Fondation Wyeth, en collaboration avec l'INSERM, est également en cours de planification.

Journée mondiale

En attirant l'attention sur le diabète chaque 14 novembre depuis 1991, la FID (Fédération internationale du diabète) rend par ricochet hommage à sir Frederick Banting, médecin canadien né le 14 novembre 1891, prix Nobel de médecine pour sa découverte, avec Charles Best, alors jeune étudiant de 22 ans, de l'action de l'insuline sur la glycémie.

Cette année, la journée est consacrée aux enfants et aux adolescents diabétiques.

En France, l'AFD (association française des diabétiques) et l'AJD (Aide aux jeunes diabétiques) lancent d'une même voix un appel à la générosité des laboratoires pharmaceutiques afin de récolter des fonds qu'elles reverseront à deux associations africaines : Santé Diabète Mali et Taxi Brousse au Togo. A New York, l'Empire State Building s'illuminera en bleu clair, couleur du logo de la journée.

> Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8255