Biographies

Destins d'exception

Publié le 05/11/2007
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LE MOIS DE JANVIER marquera le 60e anniversaire de la mort du Mahatma Gandhi. Prenant les devants, José Frèches – auteur de séries romanesques comme « le Disque de jade », « l'Impératrice de la soie », « l'Empire des larmes », mais aussi de « Moi, Bouddha » – lui consacre une biographie en deux volumes.

Le premier tome, «Gandhi. Je suis un soldat de la paix», relate ses premières années dans une famille aisée – il sera profondément marqué par son enfance et sa mère –, ses études de droit en Inde, d'abord, puis en Angleterre (où il s'efforce de ressembler aux Anglais), sa confrontation, en Afrique du Sud, avec l'apartheid. C'est là que se forge son destin. Le second tome, «Gandhi. Et l'Inde sera libre»(1), relate son combat, non violent, pour la liberté et la dignité du peuple indien, à partir de 1915, seul ou presque contre l'Empire britannique, ses emprisonnements et jeûnes répétés, jusqu'à son assassinat le 30 janvier 1948 .

Une biographie au plus près de la réalité où José Frèches, après être allé sur les traces de Mohandas Gandhi, s'est contenté de le mettre en scène et de le faire parler pour le faire revivre.

Réhabilitation.

Quand Simone Bertière – dont on sait qu'elle a évoqué, en une vaste fresque de six volumes, la condition des reines de France des Temps modernes, dont celle de « Marie-Antoinette l'insoumise », récompensé par le grand prix historique de l'Académie française – écrit un «Mazarin. Le maître du jeu» (2), sa démarche n'est pas tout à fait innocente. Car l'historienne a consacré une bonne partie de sa carrière à des recherches sur le cardinal de Retz, le plus redoutable ennemi de Mazarin ! (cf. sa « Vie du cardinal de Retz »).

Son actuelle biographie a deux objectifs : éclairer la personnalité de Mazarin, être complexe s'il en est, et expliquer le malentendu dont il est la victime. Elle montre comment ce Romain, se sachant promis par sa naissance à des rôles subalternes, s'est battu pour arriver au sommet et a refait surface quand on le croyait perdu. Comment «sans lui, l'oeuvre de Richelieu eût été balayée. Sans lui, le règne de LouisXIV n'aurait pas été ce qu'il fut» ; pourquoi il est, pourtant, le plus mal aimé de tous les ministres qui ont gouverné la France : «Au coeur du malentendu, écrit-elle, on trouve sa personne plus encore que son action.»

Les cousins ennemis. Les histoires de famille, comme les histoires d'amour, finissent souvent mal. C'est ce qui ressort de l'ouvrage de Catherine Clay, «le Roi, l'empereur & le tsar» (3), qui retrace les destins croisés de George V, Guillaume II et Nicolas II, «les trois cousins qui ont entraîné le monde dans la guerre».

On découvre donc Georgie, Willy et Nicky en vacances en famille, aux mariages, anniversaires et funérailles ; puis, s'invitant à leurs couronnements et jubilés respectifs, escortés par leurs suites de courtisans et de domestiques. L'auteur – qui réalise et produit des documentaires pour la BBC – montre que cette entente n'était que de façade. Si le trio se serrait les coudes face à la montée du socialisme, du républicanisme et, en Russie et en Allemagne, face à la menace de la révolution, la belle entente a volé en morceaux en juillet 1914 : chacun de ses membres s'est mis à reprocher aux autres le désastre imminent de la Première Guerre mondiale.

Largement fondé sur des documents inédits, le livre pose en filigrane la question de savoir dans quelle mesure le roi, le kaiser et le tsar sont responsables du conflit et de la fin des monarchies autocratiques.

Icône du féminisme.

Auteur de nombreuses biographies, de femmes de lettres notamment, Huguette Bouchardeau a choisi cette fois comme héroïne « Simone de Beauvoir» (4) ; qui fut pour sa génération, dit-elle, la théoricienne du féminisme et plus encore celle qui, avec Sartre, leur apprit à entreprendre au moins autant qu'à penser.

La matière ne manquait pas, rappelle-t-elle, car Simone de Beauvoir, à travers ses Mémoires, les correspondances qu'elle choisit de faire éditer et l'aide qu'elle apporta aux biographes qui entreprirent des recherches sur elle, s'est chargée d'écrire elle-même sa biographie !

Adoptant, entre le scrupuleux suivi chronologique et les synthèses trop ambitieuses, une voie moyenne, Huguette Bouchardeau a réitéré la méthode qu'elle avait appliquée s'agissant de George Sand : sélectionner dans la vie de Simone de Beauvoir des journées-phares, des dates, non en fonction de leur caractère exceptionnel, mais pour le « point de vue » qu'elles offrent. Il en ressort le portrait d'une femme énergique, «aussi passionnée du désir de connaître que de celui d'affirmer sa liberté, une femme vivant avec d'autant plus d'intensité qu'elle savait que la mort condamne cette existence-ci, la seule, à être riche et pleine».

Une vie chantée.

Ce ne sont pas seulement ses qualités d'écrivaine (de « Les Lauriers du lac de Constance » en 1974 à « l'Eté du sureau » en 2005) qui ont amené Marie Chaix à s'intéresser à «Barbara»(5) , disparue il y a dix ans. Marie Chaix, qui est la soeur de la chanteuse Anne Sylvestre, a été durant près de quatre ans, de 1966 à 1970, l'assistante de Barbara, la suivant lors des tournées, partageant sa vie. Sa biographie est un livre d'amitié et d'hommage où la vie recoupe la musique et inversement, puisque Barbara a sublimé les épisodes pénibles de son existence – la guerre, l'inceste, la fuite du père – en les mettant en chansons : on a tous en mémoire les ritournelles de « Dis, quand reviendras-tu ? », « Nantes », « Göttingen », « L'Aigle noir » et bien d'autres.

Un solitaire.

S'il est un écrivain qui connaît la chanson et la musique, c'est bien François Bon. Après son fameux « Rolling Stones, une biographie » paru en 2002, il conforte son image de biographe des stars du rock en publiant «Bob Dylan, une biographie» (6).

Il n'est pas le premier à s'aventurer derrière le miroir de cette icône du XXe siècle – et Bob Dylan lui-même a entrepris une autobiographie dont le premier volume, « Chroniques, volume un », est paru il y a deux ans –, mais il le fait à sa façon : en toute complicité avec le musicien, son « vieux compagnon », tout en le considérant aussi comme un reflet des questions qui agitaient alors la société.

Il en ressort le portrait d'un homme solitaire, un personnage hors norme qui avait l'art de se placer systématiquement à l'écart d'où on l'attendait, un artiste considérable qui, à vingt-cinq ans, miné par la drogue, au bout de lui-même, incompris et hué, a arrêté sa carrière pour s'isoler à Woodstock.

(1) XO éditions, 362 et 377 p., un cahier de photos N&B dans chaque volume,, 19,90 euros chaque tome.
(2) Editions de Fallois, 697 p., deux cahiers de photos noir et couleurs, 24 euros.
(3) Editions J.-C. Lattès, 455 p., deux cahiers de photos N&B, 23 euros.
(4) Editions Flammarion, 344 p., un cahier de photos N&B, 22 euros.
(5) Libella - Maren Sell éditions, photos N&B, 201 p., 12 euros.
(6) Editions Albin Michel, 486 p., 22 euros.

Les pièces du dossier

Au moment de l'épuration, Louis-Ferdinand Céline, réfugié au Danemark, fut arrêté par les autorités danoises sur ordre de la justice française, qui le poursuivait pour « haute trahison ». Tandis que Céline, depuis sa prison, clamait son innocence, une lutte sans merci a opposé, de 1945 à 1951, ses avocats à l'ambassadeur de France à Copenhague, Guy Girard de Charbonnière, qui rêvait de donner des gages au pouvoir gaulliste. Le gouvernement danois n'a finalement pas extradé Louis-Ferdinand Céline, le sauvant ainsi d'une mort certaine.

Pour mieux comprendre les dessous de cette affaire, on dispose aujourd'hui de toutes les pièces du dossier qui dormait aux archives du ministère des Affaires étrangères. Lettres diplomatiques, télégrammes, correspondance privée, coupures de presse, tous ces documents sont présentés, pour la première fois et par dérogation spéciale, par David Alliot (qui a déjà consacré trois ouvrages à l'écrivain) dans «l'Affaire Louis-Ferdinand Céline». Il replace ladite « affaire » dans son contexte et attire notre attention sur l'intérêt des pièces publiées, ainsi que sur l'enjeu des parties en présence.

Editions Horay, 182 p., 20 euros.

Mémoires, suite

Né au Nigeria en 1934, prix Nobel de littérature en 1986, actuellement installé aux Etats-Unis, Wole Soyinka donne, avec «Il te faut partir à l'aube», une suite à ses deux premiers volumes de Mémoires (« Aké, les années d'enfance » et « Ibadan, les années pagaille »).

Plus que des doutes sur certains de ses choix esthétiques et l'impact de ses pièces de théâtre ou de sa poésie, Soyinka réfléchit sur la place et le rôle de l'intellectuel dans un environnement politique dégradé. Référence bien sûr au règne du général Sani Abacha, qui terrorisa le Nigeria, de 1993 à sa mort en 1998. Un livre dense – où le dramaturge présente aussi les pièces théâtrales d'avant-garde qui défièrent la censure et la tradition – qui est la chronique intime d'une vie publique passionnante.

Editions Actes Sud, 650 p., 28 euros.

Un Apache nommé Geronimo

Une biographie inédite de «Geronimo» directement en Folio : c'est le cadeau d' Olivier Delavault, le spécialiste du monde indien (à l'origine de la collection « Nuage rouge » aux éditions du Rocher, avant « Terres étrangères »).

Loin des images d'Epinal, se déroule la vie de cet Apache du Nouveau-Mexique, qui n'a jamais été chef mais un chaman influent et redouté. Guerrier belliqueux et stratège hors pair, il rompit l'accord de paix négocié par Cochise, s'enfuit de la réserve où il était assigné et organisa des raids meurtriers. Dernier guerrier apache à se rendre en septembre 1886, il fut déporté avec les siens en Floride puis en Oklahoma. Converti au christianisme, devenu fermier, il mourut d'une pneumonie à Fort Sill. L'ouvrage est agrémenté d'un cahier de photos.

Editions Gallimard, 446 p., 8,20 euros.

Souvenirs de jeunesse

Christiane Peugeot est la petite-fille du fondateur de la célèbre marque au lion. Dans «Mon nom de voiture», elle livre ses souvenirs de jeunesse et, mêlant faits historiques et anecdotes personnelles, nous fait entrer dans l'intimité de la famille Peugeot. Un univers familial dominé par les hommes, une dynastie protestante industrielle et bourgeoise qui, nous apprend-elle, fut aussi parmi les grands précurseurs dans le domaine social. L'ouvrage présente des documents d'époque inédits sur la famille Peugeot et un album de photographies anciennes et récentes.

Editions AkR, 230 p., 22 euros.

> MARTINE FRENEUIL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8250