De notre envoyé spécial en Autriche
LA COMMISSION européenne lancera, en 2008, un programme d'action sur « les changements climatiques et la santé », destiné notamment à lutter contre les conséquences sanitaires du réchauffement de la planète, auxquelles les professionnels de santé sont encore trop mal préparés.
Présenté dans ses grandes lignes lors du dernier Forum européen de la santé, à Gastein, en Autriche (voir encadré), le programme entend jumeler mesures environnementales et sanitaires, parmi lesquelles, en premier lieu, la promotion de la marche à pied et du vélo, en lieu et place de la circulation motorisée. «Nous allons soutenir de nombreuses actions locales pour redonner aux Européens le goût de la marche, non seulement parce que cela limite le recours à l'automobile, mais aussi parce que c'est bon pour leur santé», annonce la Direction de la santé de l'Union européenne. Elle rappelle que 20 % des déplacements en voiture en ville concernent des trajets de moins de un kilomètre et 50 % de moins de trois kilomètres. La promotion de la marche et du vélo, les aménagements urbains en faveur des piétons et le recours aux énergies propres sont autant de mesures très locales en faveur de l'environnement et de la santé, souligne la Commission, qui souhaite aussi que les médecins soient mieux formés aux défis du changement climatique.
Anticiper les risques pour la santé.
Comme le soulignent Michael Hübel (Commission européenne) et le Dr Roberto Bertollini (OMS), les médecins et les professionnels de santé devront apprendre à anticiper les risques liés aux changements climatiques, dont les vagues de chaleur ou de froid, en informant leurs patients des conséquences sanitaires de ces phénomènes, mais aussi en adaptant leur comportement face aux patients à risque, comme les personnes âgées. De plus, la survenue de cas de chikungunya dans le sud de la France et en Italie cet été, causée par des moustiques eux-mêmes infectés après avoir piqué un malade porteur, montre l'irruption en Europe de maladies tropicales, auxquelles les médecins locaux ne sont pas formés. «Les praticiens devront suspecter et reconnaître ces nouvelles affections, et nous invitons les associations médicales nationales à les sensibiliser à ces problèmes», indique le Dr Bertollini. De même, les médecins doivent mieux prendre en compte les conséquences du réchauffement pour leurs patients allergiques et asthmatiques, car les pollinisations surviennent maintenant 10 à 15 jours plus tôt qu'il y a quelques années.
Les hommes chez le médecin.
Parmi les nombreux autres thèmes abordés cette année, les participants ont notamment tenté une évaluation financière et qualitative des politiques de fixation des prix des médicaments, échafaudé les contours d'une politique européenne du diabète ou réfléchi aux moyens d'atténuer les différences de mortalité entre les hommes et les femmes. Le Pr Ian Banks, traumatologue nord-irlandais et président de l'Alliance européenne pour la santé des hommes, souhaite que les systèmes de santé, plutôt que de se contenter de tenir les hommes pour responsables de leur mortalité précoce, développent des stratégies pour les aider à vivre mieux et plus longtemps. Les hommes ont trop rarement recours aux soins de santé, et y font souvent appel beaucoup trop tard pour que ceux-ci soient efficaces : il importe donc de modifier ces comportements par des mesures adéquates, estime-t-il. En Angleterre, par exemple, les diabètes chez les hommes sont dépistés le plus souvent par les… opticiens et optométristes lorsqu'ils pratiquent des examens de la vue dans leurs magasins, car beaucoup d'hommes ne vont jamais chez le médecin, mais cela signifie que les dégâts sont déjà extrêmement avancés.
Venu clore le forum, le Commissaire européen à la santé, Markos Kyprianou, a annoncé enfin un renforcement des politiques européennes en faveur de la santé mentale et un durcissement des actions contre le tabac. Un message d'autant plus apprécié par le Forum que ce dernier plaide depuis longtemps pour de telles mesures, mais que son pays d'accueil, l'Autriche, reste l'un des pays les plus fumeurs d'Europe. «Je voudrais bien mettre en place une politique rigoureuse dans ce domaine, mais ma ministre de la Santé n'est pas chaude pour cela…», a avoué le chancelier autrichien Alfred Gusenbauer, qui dirige un gouvernement de coalition extrêmement divisé sur ce sujet.
Le sommet européen de la santé
Le Forum européen de la santé, organisé en partenariat avec la Commission européenne et les autorités autrichiennes dans la vallée de Gastein, près de Salzbourg, réunit chaque année plusieurs centaines de participants venus de toute l'Europe, essentiellement des responsables politiques européens et nationaux, des représentants des différentes professions de santé et des institutions et organismes sanitaires et de Sécurité sociale. Le Forum, qui fête cette année ses dix ans, est considéré comme un « sommet européen de la santé » où alternent débats, ateliers, réunions prospectives et échanges d'expériences. Il permet aussi à la Commission européenne de prendre le pouls des professionnels de santé en leur exposant sa politique, mais aussi en leur présentant des projets qui, ultérieurement, deviendront des programmes d'action ou des directives européennes.
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