Le maintien des tests ADN

Sur le sens de l'ouverture

Publié le 17/10/2007
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THIERRY MARIANI, le député UMP qui a introduit la clause des tests ADN dans le projet de loi de l'immigration ne convainc personne quand il répète, comme il l'a fait mardi encore dans « le Figaro », que ces tests faciliteront l'immigration de personnes en provenance de pays où l'état civil est aléatoire. Il n'a présenté son amendement que pour démontrer au gouvernement que la majorité parlementaire existe.

Sur un dossier toujours douloureux, toujours passionnel, toujours déchiré entre bons sentiments et nécessités, à savoir l'immigration, M. Mariani a donc greffé un autre problème : jusqu'à quand la politique d'ouverture peut-elle faire avaler des couleuvres à la majorité ?

Un état proche du coma.

L'amendement de M. Mariani est sorti de la commission Assemblée-Sénat dans un état proche du coma. Les tests ADN ne seront effectués que sur les personnes volontaires ; ils seront à la charge de l'Etat (français) ; ils devront être autorisés par un juge, approuvés par le comité d'éthique et réservés aux ressortissants des pays dans lesquels existe une carence de l'état civil. Franchement, pas de quoi faire hurler de douleur un militant de l'humanitaire.

Nous-mêmes, nous n'avons pas été excessivement choqués par l'introduction de l'amendement, mais nous y avons vu aussitôt le signe d'une manoeuvre quelque peu perverse, comme une surenchère répressive par rapport à un projet de loi déjà sévère pour les immigrants. Nous ne croyons pas aujourd'hui avoir eu tort. Car ce n'est plus vraiment le contenu de la disposition qui inquiète. C'est ce que signifie son maintien si elle est votée in fine par les deux Chambres. Elle veut dire que la majorité parlementaire a son mot à dire sur la conduite des affaires de l'Etat, ce qu'on peut accepter sans ciller ; mais elle marque aussi des limites de la politique d'ouverture chère à Nicolas Sarkozy.

En effet, que s'est-il passé ? L'opposition, qui a encore plus besoin d'exister que les députés de l'UMP, s'est emparée de l'affaire, en a fait un os à ronger, une pomme de discorde, un test de l'ouverture. Elle n'a pas tort de dire que l'ouverture ne peut se résumer à une répartition des portefeuilles entre ministres de droite et ministres de gauche. Dès lors que le président de la République a fait savoir aux ralliés venus de la gauche qu'il ne leur demandait pas de changer d'opinion, n'était-il pas dans l'obligation de tenir compte de leur point de vue ?

L'OPPOSITION ET LA DROITE ONT INTERET A FAIRE ECHOUER LA POLITIQUE D'OUVERTURE

Une garantie de générosité.

On veut bien admettre que l'exercice a ses limites et qu'il n'y avait pas de risque que M. Sarkozy appliquât le programme de Ségolène Royal (encore que…). Mais, dans les domaines qui ne sont pas liés de près au nécessaire redressement de la France, où la morale fait une irruption massive, où les avis sont partagés et émotionnels, et où, littéralement, on entreprend de broyer les coeurs des Kouchner, des Amara, des Yade, des Hirsch, ne fallait-il pas éviter la confrontation ? Sincèrement, dans la nouvelle politique de l'immigration, combien le maintien des tests ADN, avec des modalités d'application aussi circonspectes, va-t-il influer sur le flux migratoire ? Réponse : influence zéro.

En revanche, il nous semble que la présence au gouvernement des personnages cités ci-dessus est précieuse à M. Sarkozy. Ce ne sont pas eux qui vont s'insurger à propos de la réforme des régimes spéciaux de retraite ou de la carte judiciaire. Ils ont en revanche leur mot à dire sur tout ce qui touche à l'humain, à la dignité : la sécurité, la santé, les droits civiques. Leur présence devait constituer une garantie de générosité au sein d'un gouvernement conduit, par l'état inquiétant de la France, à réprimer et à imposer ses décisions. Nous avons cru le président Sarkozy chaque fois qu'il a dit qu'il respectait la gauche et les gens de gauche ; nous avons très bien perçu sa façon de conduire la bataille électorale : il a beaucoup moins critiqué publiquement Ségolène Royal que les socialistes ne l'ont critiquée en privé ; il nous a bien semblé que M. Sarkozy apporterait de l'ordre dans des relations sociales perverties par d'interminables et irréalistes revendications, mais qu'il jetait sur les misères du pays un regard d'où le coeur n'était pas absent.

C'était donc possible. Il était possible de mettre un terme à un clivage politique qui a créé un énorme fossé entre deux France irréconciliables ; il était possible de ne pas sombrer dans la mièvrerie de la politique du coeur sur la main et de rendre au pays la dynamique économique et sociale qui est le meilleur signe de la dignité retrouvée, y compris pour les plus pauvres, qui ont plus besoin d'un emploi que de l'aide toujours chiche de la collectivité.

D'une certaine manière, c'est peut-être parce que Nicolas Sarkozy est allé trop loin dans une politique d'ouverture qu'il veut élargir encore que les parlementaires de l'UMP, ou plutôt de la droite de l'UMP, lui ont tendu le piège dans lequel Brice Hortefeux est tombé avec trop de complaisance. Il est vrai aussi que le ministre de l'Immigration devait donner un gage à la majorité. Il a pensé, sans doute, comme M. Fillon, qu'il ne s'agirait que d'un « détail ». Mais, ce faisant, il a placé les ministres venus de la gauche dans une position embarrassante. On peut même dire que la majorité et l'opposition ont été complices dans cette affaire : elles ont toutes les deux intérêt à ce qu'échoue la démarche la plus originale, la plus novatrice, la plus intelligente de M. Sarkozy. Quel dommage !

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8239