NICOLAS PHILIBERT est un documentariste réputé, surtout depuis le formidable succès d'« Etre et avoir » en 2002. C'est avec René Allio qu'il a fait ses premières expériences de cinéma, avec surtout, en 1975, l'aventure de « Moi, Pierre Rivière ». La reconstitution, sur les lieux mêmes, avec des habitants des lieux, du crime perpétré en 1835 par un jeune homme de 20 ans, Pierre Rivière, et qu'un livre collectif présenté par Michel Foucault venait de sortir de l'oubli.
Philibert mène l'enquête. Il y a cette photo de famille des participants au film d'Allio, qui avait recruté des gens du cru, et le voici à la recherche de ces acteurs éphémères, ceux qui sont encore dans la région mais aussi d'autres, en particulier Claude Hébert, qui jouait Pierre Rivière.
Ce faisant, le cinéaste continue à marcher sur les traces d'Allio, qui voulait donner la parole à ceux qui ne l'ont pas, les sauver de l'oubli. L'un élève des cochons, l'autre fabrique du cidre, une troisième, à l'époque boulangère et militante communiste (OCT), lutte pour retrouver la parole après une rupture d'anévrisme...
Les paysans d'aujourd'hui sont-ils différents de ceux d'il y a trente ans ? La modernisation est passée par là, on manifeste contre les déchets nucléaires ou on travaille pour la Confédération paysanne mais, au fond, les questions sont les mêmes. Les histoires se téléscopent, des parallèles se font, le réalisateur, en voix off, fait résonner les interrogations, sur le cinéma, si difficile à faire pour certains, sur notre monde, sur le rapport à l'autre, au père... Il pose aussi, comme l'avait fait Foucault, la responsabilité du criminel malade mental, question que l'on sait très actuelle.
«Si on ne connaît pas le film d'Allio et si on n'a jamais entendu parler de l'affaire Rivière, ce n'est pas grave, précise Philibert. Cette histoire a presque une dimension intemporelle et aurait pu se passer n'importe où: il y a longtemps, quelque part dans un coin de campagne, un film s'est tourné, qui racontait un crime, avec des non-professionnels. Depuis, la vie a continué, plus tout à fait comme avant...» On le savait, le cinéma peut changer la vie.
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