OEUVRE SYMBOLISTE sur un livret de Maurice Maeterlinck, « Ariane et Barbe-Bleue » est un petit bijou qu'ont salué en leur temps, Olivier Messiaen en tête, tous les disciples de Paul Dukas (1865-1935), éminent professeur de composition et d'orchestration au Conservatoire de Paris. Un peu oublié après les années 1950, l'opéra est revenu à Garnier en 1975, sous l'intendance de Rolf Liebermann, dans une esthétique classique et chanté par le trio féminin : Grace Bumbry, Irina Arkhipova et Suzanne Sarroca. On ne rêve plus de réunir aujourd'hui des interprètes de cette trempe… En 1991, le Châtelet, dirigé par Stéphane Lissner, le confiait à Ruth Berghaus, terreur des scènes allemandes de l'époque, imposant une esthétique venue de la RDA à l'autre Allemagne et ayant contribué à fonder l'école de régisseurs iconoclastes (Regietheater) qui sévit encore en Europe et que les Américains appellent volontiers Eurotrash… On y voyait la pauvre Ariane, assez mal servie par Françoise Pollet, arpenter les toits de Paris, un des pires spectacles de l'ère Lissner, qui a pourtant été riche en ratages en tout genre.
Gérard Mortier reste dans la ligne en confiant l'oeuvre, seize ans après, à Anna Viebrock, décoratrice de Christophe Marthaler, metteur en scène de la même mouvance à qui l'on doit quelques récents scandales (« les Noces de Figaro », la « Traviata »), mais, soyons juste, une excellente « Katia Kabanova ».
Fidèle à son esthétique misérabiliste qui s'inspire des ateliers, magasins, usines et autres entrepôts de l'ex-RDA, Anna Viebrock enferme l'action dans une série de pièces vitrées qui pourraient bien être des bureaux, peu importe. Un réalisateur vidéo est chargé de montrer sur un écran de bien vilaines images de ce que l'on ne peut voir de la salle de cet étrange univers clos. Ariane et sa Nourrice, attifées comme si elles avaient trop regardé les feuilletons de détectives anglais des années 1960, arpentent ces mètres carrés de bureaux avec bien peu de direction scénique. Les femmes de Barbe-Bleue errent aussi sans trop savoir où ni comment exhiber leurs haillons.
On l'aura compris, Anna Viebrock, qui est une piètre décoratrice, usurpe la fonction de metteur en scène et échoue lamentablement à mettre une quelconque idée scénique dans ce décor. Ce n'est pas faute d'être assistée car huit personnes émargent pour ce lamentable résultat.
Willard White a la part belle dans la distribution : belle prestance déjà admirée l'an dernier dans l'autre « Barbe-Bleue » (de Bartók) à Garnier et pas plus de trois minutes de chant en tout. Deborah Polaski, que l'on a admiré sur la même scène (« Elektra » récemment), est en grande méforme et le rôle aux aigus très brillants d'Ariane ne lui convient pas ; vibrato caverneux et prononciation défectueuse aggravent son cas. Les femmes de Barbe-Bleue sont plutôt bien.
Sylvain Cambrelling continue de confondre direction dans la fosse et sur la scène. L'orchestre, beaucoup trop sonore à quelques passages intimistes près, oblige tous les chanteurs à hurler et dénature complètement le caractère éthéré de la partition. Une bien méchante soirée et surtout une cuisante déception.
Opéra de Paris : 0.892.89.90.90 et www.operadeparis.fr. Prochaines représentations les 2 et 6 octobre à 19 h 30.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature