NICOLAS SARKOZY n'aura donc pas menti : il n'y a, dans le projet de budget, ni austérité ni rigueur. A telle enseigne que le déficit, calculé à hauteur de 41 milliards, sera en progression, en valeur absolue, par rapport au budget de 2007 qui, lui, a entre-temps bénéficié d'une hausse légère, mais imprévue, des recettes fiscales. En pourcentages du PIB, le déficit et la dette restent inchangés : 2,3 % et 64 %, respectivement, contre 2,4 et 64,2 en 2007.
La réforme ajournée.
Le projet décevra ceux qui, après s'être résignés au « paquet fiscal » de quelque 15 milliards destiné à tenir les promesses électorales de M. Sarkozy, espéraient des mesures drastiques pour faire baisser et les déficits publics et la dette. Il est vrai que ces deux orientations sont incompatibles et non complémentaires. Mais alors, à quoi rimaient les déclarations intempestives de François Fillon sur la « faillite de l'Etat », locution toute faite pour préparer une ponction du contribuable ? Il semble bien que, en définitive, le président et le Premier ministre ne se sont pas seulement querellés sur des mots ; un différend sur les choix budgétaires serait forcément un différend de type idéologique. M. Sarkozy a ajourné l'essentiel de la réforme, même s'il double (à 22 900) le nombre de fonctionnaires qui partent à la retraite et ne seront pas remplacés.
Trois constats.
Le premier constat, c'est que nous risquons, dans l'affaire, une crise avec nos partenaires européens, déjà quelque peu agacés par le triomphalisme permanent de M. Sarkozy et sa manière de s'attribuer tous les succès de l'Union. Or la France est présidente de l'UE à partir de juillet 2008 ; le chef de l'Etat conduira alors une politique européenne dynamique, mais de quel crédit bénéficiera-t-il si son propre pays n'est toujours pas revenu au respect des critères de Maastricht, alors que l'Allemagne, l'Espagne, la Grande-Bretagne s'acheminent vers l'équilibre budgétaire (la dette publique espagnole est à peu près la moitié de la nôtre) ?
LE PROJET A ETE BATI SUR DES PROJECTIONS TROP OPTIMISTES
Le deuxième constat, c'est que, dès lors que le gouvernement lui-même prévoit un creusement du déficit du commerce extérieur, qui va passer de 31,7 milliards en 2007 à 34,6 en 2008, une grande partie des gains d'activité risque de bénéficier aux produits importés plutôt qu'à l'emploi national, en dépit des assurances de M. Sarkozy, qui affirme que le budget est conçu pour créer des emplois.
Le troisième constat, c'est que ce budget est fondé sur des prévisions trop optimistes : un euro à 1,37 dollar (alors que, aujourd'hui, il est à 1,41 et semble sur une pente ascendante), un baril de pétrole à 73 dollars, alors qu'il a crevé le plafond des 80, et une croissance entre 2 et 2,5 %, qui relève plus du rêve que de la réalité. Or, si ces projections sont démenties par les faits, tous les déficits (budget, commerce extérieur, dette) augmenteront automatiquement.
Le projet de budget ne s'adresse pas à la situation « de faillite » ou « sérieuse » qui nous a été décrite par M. Fillon, dont les sombres déclarations nous semblent mieux correspondre aux faits réels qu'à l'optimisme inébranlable de l'Elysée.
Il ne s'agit pas non plus d'un projet innovateur, comprenant, par exemple, une recette fiscale nouvelle comme la « TVA emploi » ou une réduction des cotisations payées par le travailleur et par son patron. Pourtant, le diagnostic est établi depuis assez longtemps pour qu'on change de vitesse en 2008. Un déplacement d'une partie des cotisations payées par l'entreprise et par ses salariés vers la TVA aurait « libéré » les forces du travail, comme le pouvoir ne cesse de nous le répéter, sans accroître substantiellement l'inflation et en augmentant peut-être le pouvoir d'achat.
Le financement de la dette.
Enfin, le déficit budgétaire, faut-il le rappeler, s'ajoute au déficit des régimes sociaux et, en augmentant la dette, il augmente du même coup la part des recettes fiscales qui sont consacrées au paiement des intérêts de la dette, soit une quarantaine de milliards que nous pourrions affecter à la santé, à l'éducation ou aux transports publics. La quasi-totalité de l'impôt sur le revenu suffit à peine pour payer les intérêts annuels de la dette, alors que le non-remplacement de près de 23 000 fonctionnaires ne rapportera à l'Etat que 458 millions. Nous sommes vraiment très loin du compte et le projet de budget ne nous donne pas les moyens de nous en rapprocher.
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