Pesticides aux Antilles

L'Afssa révise la liste des aliments à risque

Publié le 19/09/2007
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LA RÉVISION de la liste des aliments est nécessaire «pour inclure le chou caraïbe et les poissons, alors que la tomate, le melon et la chair de poulet n'apparaissent plus comme étant forts contributeurs» à la contamination, prévient l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa). L'agence souligne que les niveaux d'exposition chronique des Antillais au chlordécone sont plus faibles en 2007 qu'en 2005. «En ce qui concerne les nourrissons et les jeunes enfants, des études plus spécifiques sont en cours dont les résultats seront disponibles en 2008», précise l'Afssa. Les aliments qui, en raison de leur forte consommation ou de leur forte contamination, apportent le plus de chlordécone sont la dachine (ou madère), la patate douce, l'igname, la carotte, le chou caraïbe (malanga), les produits de la mer, la banane ti-nain et fruit, le concombre et les fruits de type corossol. L'agence rappelle également «que les populations qui consomment principalement les produits issus des circuits courts en zone contaminée (jardins familiaux et pêche de loisirs ou de subsistance) doivent être informées et impérativement respecter les recommandations de limitation de consommation (deux fois par semaine) ainsi que les interdictions de pêche».

De son côté, l'Institut national de veille sanitaire (InVS) précise que, «à ce jour, aucun lien n'a été démontré entre l'exposition aux pesticides aux Antilles et les observations sanitaires qui y ont été effectuées», mais va renforcer sa surveillance pour détecter «toute conséquence sanitaire potentiellement liée» à la présence des pesticides organochlorés. «La plus grande fréquence absolue du cancer de la prostate aux Antilles par rapport à la métropole peut être expliquée par l'origine ethnique de la population», explique l'InVS en faisant référence à des travaux conduits aux Etats-Unis. De même, «la diminution du nombre d'enfants par femme est également non spécifique et relève de bien d'autres causes que d'un impact sanitaire sur la biologie de la reproduction», observe l'Institut. Les résultats de recherches effectuées chez l'animal, mais aussi, dans le cas du chlordécone, chez l'homme, «dans une cohorte de personnes exposées massivement à la suite d'un accident industriel survenu aux Etats-Unis, ont révélé une toxicité principalement hépatique, neurologique et sur la reproduction». Mais il s'agissait «d'expositions beaucoup plus importantes que celles enregistrées aux Antilles», relève l'InVS.

De nouvelles études.

L'Institut rappelle avoir publié en 2004 un rapport faisant le point des connaissances sur les dangers et les valeurs toxicologiques de référence des insecticides organochlorés utilisés aux Antilles. De nouvelles études (Ti Moun et Karuprostate), coordonnées par l'unité 625 de l'Inserm, sont en cours, dont les résultats seront connus en 2008. La première s'intéresse aux pathologies de la grossesse, à la croissance intra-utérine, à la fonction thyroïdienne et au développement neurologique, la seconde aux facteurs de risque du cancer de la prostate. Une autre étude concerne la répartition spatio-temporelle des cancers en Martinique.

Des parlementaires demandent une commission d'enquête

Plusieurs élus martiniquais et guadeloupéens ont demandé que «toute la lumière» soit faite sur l'utilisation des pesticides dans l'agriculture antillaise, lors de la présentation à la presse à l'Assemblée nationale du rapport du cancérologue Dominique Belpomme, qui évoque un risque de «désastre sanitaire» dû à l'utilisation massive de pesticides. Le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, Christian Estrosi, s'est dit «tout à fait favorable» à l'ouverture d'une commission d'enquête parlementaire.

Le Pr Belpomme, qui a présenté son rapport comme «un état des lieux», s'est défendu de tenir des «propos alarmistes». La pollution chimique des sols et des eaux en Martinique est «multiple, diffuse, énorme», a-t-il déclaré, soulignant que «l'alimentation sous toutes ses formes est polluée». Le lien entre le cancer de la prostate, «en augmentation foudroyante», et le chlordécone «n'est pas démontré», a-t-il admis, réclamant des études toxicologiques sur le rôle des pesticides. Le Pr Belpomme a appelé à «réactiver» le registre du cancer en Martinique et à en créer un en Guadeloupe. Il a également réclamé «des preuves que la banane est propre», le chlordécone étant considéré comme se fixant dans la peau du fruit.

> S. H.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8219