C'EST LA VOIX de François Emmanuel parlant de son livre, « la Question humaine » (Stock, 2000), à la radio, qui a tout déclenché. Après « Paria » et « la Blessure », Nicolas Klotz et sa compagne et scénariste Elisabeth Perceval vont boucler avec « la Question humaine » une trilogie sur le contemporain, sur «la machine libérale dans laquelle nous vivons». Après les SDF et les sans papiers, ceux qui sont évacués de la machine, ceux qui la font marcher.
Autour de Simon, psychologue du service des ressources humaines, qui participe sans états d'âme aux réductions drastiques de personnel, Klotz filme l'entreprise contemporaine. Non avec réalisme mais dans son essence de machine de combat dont les rouages, les jeunes cadres, doivent être des tueurs. Puis, quand le personnage principal se voit confier une mission spéciale, enquêter sur l'état mental d'un des dirigeants du groupe, cela commence à déraper. Parce que, surgissant, des morceaux du passé vont troubler sa perception du présent.
Comme le livre, le film suggère un parallèle entre deux façons de nier l'humain, celle de l'entreprise libérale et celle de la machine d'extermination nazie. La similitude est au moins dans le langage, comme s'en aperçoit Simon à la lecture d'une note de 1942. Klotz, lui, dit que «la Shoah est une lumière fossile. Une lumière émise avant même 1940 et qui continue à produire des effets sur le contemporain, à créer de l'avenir». «Il ne s'agit pas d'expliquer le contemporain par la Shoah, ajoute-t-il, mais de tenter de percevoir des résurgences, des projections.»
Le film, qui dure deux heures vingt-quatre, n'est pas tout à fait à la hauteur de ces ambitions. Comment aurait-il pu l'être d'ailleurs ? Mais le cinéaste, par son récit qui prend son temps, qui fait des pauses, avec des flambées de violence, oblige à s'interroger sur ce qui nie l'humain dans notre vie quotidienne même. Utilisant à merveille les voix et les musiques, le noir et les lumières, il pétrit aussi la matière humaine, celle de ses acteurs. Mathieu Amalric, Michael Lonsdale, Jean-Pierre Kalfon, Lou Castel, Laetitia Spigarelli. « La Question humaine » n'est pas un film facile, surtout aux yeux des spectateurs d'aujourd'hui, qui aiment que ça aille vite. Mais, outre de très beaux moments, il a le mérite rare de se servir du cinéma comme d'un précieux outil de questionnement.
> R. C.
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