Après l'incendie à l'hôpital Pompidou

Retour progressif à une activité normale

Publié le 29/08/2007
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LE NAVIRE AMIRAL de l'AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), comme se plaisait à l'appeler l'ancienne directrice générale Rose-Marie van Lerberghe, ne sombrera pas. Il faudra davantage qu'un incendie pour lui faire prendre l'eau.

Il faut dire que depuis son ouverture, en 2000, l'Hegp a connu une série de déboires (voir encadré).

Malgré tout, l'affaire aurait pu mal tourner cet été. Le 14 août, pour une raison qu'il reste à déterminer, une armoire prend feu dans un sous-sol de l'établissement. Pas de chance, ladite armoire abrite un tableau électrique de toute première importance, puisque transitent par là des câbles qui alimentent deux des quatre secteurs de l'hôpital. L'alerte est donnée, et l'incendie, rapidement maîtrisé, de sorte qu'aucun blessé n'est à déplorer.

L'impact sur l'établissement, en revanche, est considérable. Car la moitié des services, privés d'alimentation, se trouvent durablement plongés dans le noir. A ce jour, certains services sont encore sans courant ; les travaux de réparation devraient prendre plusieurs semaines, de sorte que le retour à un fonctionnement normal n'est pas prévu avant la mi-septembre.

A peine les flammes éteintes, l'établissement a réagi et s'est organisé pour faire face. Certains patients ont été déplacés dans l'hôpital pour plus de sécurité, d'autres ont été transférés sur d'autres sites de l'AP-HP. «Il n'y a eu aucune rupture dans la chaîne de soins», insiste le Dr Daniel Brasnu, chef du service ORL et vice-président du CCM (le comité consultatif de l'Hegp). Par chance, l'incendie n'aura pas trop perturbé les conditions de travail, car le programme d'interventions est traditionnellement allégé durant les congés d'été. Sept des huit salles d'opération que l'hôpital avaient prévu d'ouvrir en août sont malgré tout fermées depuis le 14 août. Pas de chômage technique pour autant : une partie des équipes de l'Hegp ont investi d'autres hôpitaux de l'AP-HP pour opérer les cas urgents, en cancérologie principalement. Quant aux urgences, celles qui présentent un caractère vital sont systématiquement orientées ailleurs. L'hôpital privé Saint-Joseph, qui en récupère une partie, a enregistré une hausse de la fréquentation de son service d'urgences d'environ 20 % depuis deux semaines. «Avec vingt patients supplémentaires par jour, ça chauffe un peu, mais bon, rien d'exceptionnel non plus», commente le Dr Philippe Aillères, chef du service. Non loin de là, les urgences de l'hôpital Cochin font face également. «Mais ça risque d'être problématique si ça continue en octobre-novembre», confie une urgentiste. L'hôpital Ambroise-Paré, et l'hôpital Percy ont également été mis à contribution.

A l'échelle de la région, l'incident n'a guère eu de répercussions sur l'accueil des urgences, affirme de son côté le Dr Patrick Pelloux, urgentiste à l'hôpital Saint-Antoine. Mais il vient souligner, si besoin était, un problème récurrent en Ile-de-France : «Le manque de disponibilité en lits d'aval, notamment en réanimation», selon le président de l'Association des médecins urgentistes.

A Pompidou, le patron du pôle urgence-réseaux, le Pr Olivier Saint-Jean, voit son service tourner au ralenti depuis deux semaines. «Notre activité a baissé de moitié», constate-t-il. La situation n'a entamé ni son moral ni la confiance qu'il place dans son outil de travail. «L'hôpital Pompidou, affirme-t-il, est un établissement prodigieux. Il a, certes, des difficultés transitoirement. Mais il faut remettre cet événement à sa place: dans tous les hôpitaux, il y a des incidents techniques. L'incendie aurait pu être problématique en pleine épidémie hivernale, mais là, coup de chance, nous étions en période creuse.»

Les discours rassurants de la directrice.

Chaque soignant interrogé livre à peu de chose près le même discours positif et rassurant – peut-être faut-il y voir la volonté de la direction de verrouiller l'information, peut-être pas. Une cadre infirmière, Annick Cevadille, est formelle : «L'incendie n'a pas eu de répercussion sur les conditions de travail du personnel. Ils ont assuré une sécurité optimale pour les patients.» Même son de cloche auprès de la directrice des soins de l'Hegp, Marylène Guingouain : «Cet incident peut sembler surprenant, mais je ne suis pas en mesure de commenter l'aspect technique. Ce que je peux dire, c'est que la réorganisation des services et la coopération des personnels ont été exemplaires.»

La directrice de l'hôpital Pompidou apparaît tout aussi détendue. «Tout s'est passé dans la plus grande sérénité», dit-elle. Peut-on chiffrer les retombées sur les comptes de l'hôpital, déjà l'un des plus coûteux de France (270 millions d'euros de budget annuel de fonctionnement) ? «C'est trop tôt. Et puis, la priorité, c'était d'assurer la sécurité des soins», recentre aussitôt la directrice, Elisabeth de Larochelambert. A quand un retour à la normale ? «Cela aussi, nous ne pouvons le dire précisément. Nous assurons aujourd'hui les deux tiers de notre activité. Les travaux dans le local technique endommagé vont prendre plusieurs semaines. Nous réintégrerons tous nos locaux ensuite», conclut la directrice de l'Hegp.

Des incidents à répétition

Certains disent de cet hôpital qu'il est maudit. Sans sombrer dans le mysticisme, il faut bien avouer que la courte vie de l'hôpital Pompidou a été émaillée d'aléas à répétition qui peuvent laisser perplexe au regard des sommes faramineuses englouties depuis sa construction. Trois fléaux s'abattent sur l'Hegp à peine ses portes ouvertes, en 2000. Un vaste bug informatique : «Les prescriptions de médicaments, leur livraison au lit des malades: tout devait être informatisé, mais rien de tout ça ne marchait à l'ouverture», se rappelle le Pr Philippe Even, ancien doyen de la faculté de médecine Necker, et auteur en 2001 du livre « les Scandales des hôpitaux de Paris et de l'hôpital Pompidou ». Autre tuile : «Le système d'imagerie était totalement déficient», ajoute le professeur. Puis ce sera l'épidémie de légionellose à la fin de l'année 2000. Quelques années plus tard, un audit révèle des dysfonctionnements importants au sein des blocs opératoires de l'Hegp. Tous ces problèmes ont été corrigés depuis, ce qui fait dire au Pr Even que l'hôpital Pompidou est aujourd'hui l'un des plus performants et l'un des plus fiables d'Europe. Le récent incendie survenu cet été ? «La faute à pas de chance. En termes de sécurité, je pense qu'on ne peut pas faire beaucoup mieux que cet établissement», conclut l'ancien doyen.

> DELPHINE CHARDON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8205