DE NOTRE CORRESPONDANT
UN MÉDECIN à qui la caisse primaire d'assurance-maladie (Cpam) reproche la délivrance d'un trop grand nombre d'arrêts de travail et qui est mis sous « tutelle » par l'assurance-maladie ; la présence à ses côtés du secrétaire national d'Espace Généraliste ; la première décision d'une commission paritaire (mais non conventionnelle) non suivie à la lettre par le directeur de la caisse : tous les ingrédients étaient réunis pour que l'affaire qui vient d'éclater dans le Morbihan prenne un tour polémique.
Et cela n'a pas manqué.
Lancée par Espace Généraliste dès le 25 mai sur son site Internet (1), la grogne a aussi gagné les cinq médecins, de la Csmf et du SML siégeant à la « commission d'inobservation des règles de la Sécurité sociale » (2) (une instance par ailleurs mise en cause par Espace Généraliste).
Lors d'une conférence de presse, ces praticiens ont depuis annoncé leur intention de démissionner de cet organisme. Avant de rendre définitive cette décision, ils devraient malgré tout rencontrer Mohamed Azgag, le directeur de la caisse primaire (Cpam) du Morbihan, qui a accepté de les recevoir.
Une procédure prévue par les textes.
Il est reproché au Dr Joëlle Hemon, généraliste de 48 ans installée à Guidel depuis seize ans, d'avoir prescrit 11 685 indemnités journalières pendant une période à cheval sur 2004 et 2005, «quand la moyenne régionale est de 2291», précise Mohamed Azgag. «Repéré pour son atypisme, ce médecin a donc fait l'objet d'une procédure prévue par les textes, qui lui a permis d'abord de livrer ses observations, et qui l'a amenée ensuite devant la commission d'inobservation des règles», explique encore le directeur de la Cpam.
«Le seul contrôle que la caisse a effectué portait sur le nombre d'arrêts, pas sur leur motif», regrette le Dr Joëlle Hemon, qui fait partie d'un des nombreux groupes qualité de Bretagne. «La caisse ne m'a pas donné d'exemples d'arrêts qui seraient injustifiés, poursuit-elle . J'accepte tout à fait l'idée d'être contrôlée. D'ailleurs, je téléphone souvent au médecin-conseil pour parler des arrêts prolongés. Mais il faut que ce contrôle soit cohérent. Dans le cas présent, ils n'ont pas tenu compte de ma clientèle importante.»
« Une mesure d'accompagnement ».
Un argument que balaie le directeur de la Cpam : «La patientèle du DrHemon est moyenne et les pathologies lourdes n'y sont pas surreprésentées, dit-il . D'une manière générale, on sait bien que certaines prolongations d'arrêts ne sont pas justifiées. J'ai tenu compte de la pression qu'exercent les patients pour prendre cette décision. Je réfute d'ailleurs le terme de sanction. Pour moi, il s'agit d'une mesure d'accompagnement pour aider ce médecin.»
De leur côté, les cinq médecins membres de la commission n'ont pas la même lecture de la situation que Mohamed Azgag. «L'étude de son dossier montre qu'il s'agit d'un médecin honnête, soucieuse de ne pas délivrer de prescriptions non justifiées médicalement, explique, au nom des cinq médecins, le Dr Paul Robel, responsable de la Csmf du Morbihan. La sanction prononcée par le directeur de la caisse est fondée sur des motifs purement statistiques. C'est indigne d'une démocratie de condamner des gens non pas sur des actes dont ils se seraient rendus coupables, mais sur des statistiques. Nos arguments ont d'ailleurs convaincu les représentants des caisses à la commission des sanctions, puisque celle-ci s'est prononcée à l'unanimité pour l'absence de sanction.»
Uniquement consultative, la commission ne pouvait contraindre le directeur à se ranger à sa position. A ce jour, le Dr Hemon n'a pas pris sa décision d'un éventuel appel auprès du tribunal administratif.
(1) http://www.espacegeneraliste.info/ prescription-d-arrets-de-travail.
(2) Cette commission a été créée en application de l'article L.162-1.14 du code de la Sécurité sociale, modifié par l'article 23 de la loi de financement de la Sécurité sociale qui a été précisé dans le décret d'août 2005.
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