Près de 8 % des Français souffrent de dépression

Un patient sur quatre ne se soigne pas

Publié le 19/06/2007
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PARMI LES FRANÇAIS adultes, 7,6 % souffrent d'un épisode dépressif qui provoque une gêne dans leur vie de tous les jours (enquête santé mentale en population générale entre 1999 et 2003). La Drees en a interrogé 37 000, qui étaient répartis sur 44 sites, et elle publie un aperçu contrasté qui classe les dépressifs selon leur type de recours au soins (« Etudes et résultats » n° 577, juin 2007). Plus d'un sur quatre (le premier groupe), révèle cette étude, ne se soigne pas : 28 %, précisément, n'ont ni consulté des professionnels, ni utilisé des médicaments, ni recouru à des médecines douces, ni séjourné dans des structures de soins. Certes, certains bénéficient de l'aide de leur famille, mais dans une moindre proportion que les autres dépressifs (38 % contre 48 %) et 47 % reconnaissent que des amis ou des collègues les épaulent. Mais ils sont 35 % à déclarer qu'ils ne bénéficient d'aucun soutien relationnel. Cette absence de recours s'explique par un trouble moins lourd, avec une proportion moindre d'épisodes dépressifs sévères et une comorbidité moindre que dans les autres groupes. Le sentiment d'être malade est moins fréquent (29 % contre 47 % pour l'ensemble des dépressifs). L'épisode peut s'apparenter alors à un mal-être passager. En tout cas, ces patients-là sont plus jeunes, plus diplômés et plus fréquemment célibataires que la moyenne. Et 48 % d'entre eux estiment, en toute logique, qu'il est possible de se soigner sans médicaments.

Le généraliste d'abord.

En revanche, un tiers de la population des dépressifs ont décidé de consulter. Parmi eux, 60 % se sont adressés à un non-spécialiste, en l'occurrence leur généraliste (groupe 2), les autres s'adressant à un psychiatre ou à un psychologue (groupe 3). Et dans 77 % des cas, ils se sont vu prescrire au moins un médicament parmi les antidépresseurs (46 %), les anxiolytiques (40 %) et les hypnotiques (17 %).

Ces dépressifs sont plus âgés que la moyenne, ils sont plus souvent mariés, divorcés ou séparés et leur niveau d'étude est plus souvent primaire que celui rencontré dans les autres groupes.

Interrogés sur les causes de leur dépression, ils citent d'abord un événement de la vie (39 %), puis une origine sentimentale (23 %) et, dans une moindre mesure, le travail ou un événement socio-économique (environ 17 %).

La majorité (51 %) placent le traitement médicamenteux en tête des moyens de soigner la dépression, ce qui ne les empêche pas d'évoquer aussi le soutien relationnel (40 %) et la psychothérapie (31 %).

L'étude note, en outre, que, pour ces deux groupes, la comorbidité est globalement moins répandue que pour l'ensemble des dépressifs. Alors que la part des personnes souffrant d'un trouble anxieux (supérieure à 60 %) est dans la moyenne, celle des patients avec un trouble dépressif récurrent s'inscrit légèrement en dessous des scores moyens.

Guérisseurs et marabouts.

Deux autres groupes, qui représentent 18 % de la population étudiée, sont présentés comme adeptes des médecines douces. Parmi eux, 39 % (groupe 4) ont recours aux seules plantes. Ils s'adressent moins à un professionnel de santé que les autres (62 % contre 81 %). Quant aux non-utilisateurs de la phytothérapie (groupe 5), ils se tournent vers l'homéopathie (57 %), l'acupuncture (12 %) et la sophrologie (7 %).

Ces dépressifs sont davantage diplômés de l'enseignement supérieur que la moyenne et ils comptent parmi eux plus d'actifs. Leur taux de comorbidité atteint 40 % pour le groupe 4 et 28 % pour le groupe 5, les troubles dépressifs récurrents étant plus nombreux chez les seconds (54 %) que chez les premiers (51 %).

Le sixième groupe rassemble d'autres prises en charge que l'étude de la Drees qualifie de « traitements traditionnels » : guérisseurs ou marabouts. Seulement 2,5 % ont fait ce choix ; essentiellement des femmes (69 %), avec une proportion de chômeurs et d'inactifs supérieure à la moyenne. Leurs épisodes dépressifs semblent plus sévères ou récurrents que dans les autres groupes, avec une comorbidité fréquente.

Enfin, les septième et huitième groupes représentent les personnes qui sont allées dans un hôpital ou une clinique psychiatrique (groupe 7) ou un hôpital général (groupe 8) ; comme on pouvait s'y attendre, leurs épisodes dépressifs sont plus sévères, avec plus de troubles récurrents, une comorbidité fréquente, de nombreux problèmes d'alcoolisme (22 % pour le groupe 7, 14 % pour le groupe 8) et de drogue (9,8 pour les deux groupes).

Ces personnes présentent des caractéristiques sociodémographiques proches, vivant dans l'ensemble une situation professionnelle précaire et ont eu à affronter une séparation conjugale. Dans les deux cas, la consommation de médicaments est supérieure à celle des autres groupes, elle est relayée par des psychothérapies, ou des recours à des professionnels de santé.

C'est dans ces groupes que le dépressif est le moins souvent considéré comme responsable de sa dépression (22 %). Et que l'idée que le malade pourrait se guérir tout seul est la moins répandue. Le sentiment d'être malade y est dominant (68 %).

> CHRISTIAN DELAHAYE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8189