Réponse sanitaire au bioterrorisme

L'insuffisante formation des généralistes

Publié le 14/06/2007
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LA RÉPONSE sanitaire au risque terroriste non conventionnel passe par des dispositifs urgentistes et hospitaliers qui, note le Pr Pierre Carli (Samu 75), ont «considérablement évolué» au cours de ces dernières années. Depuis l'attentat de la rue de Rennes, le 17 septembre 1986, «une culture du risque s'est développée», se félicite le patron du Samu de Paris, avec la mise au point des plans blancs et des plans Biotox, Piratox, Piratome, et, souligne le Pr Jean-Etienne Touzé (service de santé des armées), le maillage de l'ensemble du territoire au sein des zones de défense, avec des établissements hospitaliers de référence.

Une réponse globalement excellente. «Globalement, la réponse sanitaire au défi terroriste est aujourd'hui excellente», estime le Pr Pierre Vayre en conclusion à la séance thématique consacrée à la question par l'Académie de médecine (« le Quotidien » du 13 juin).

Excellente, mais, ajoute-t-il, «pas infaillible». Certes, comme le relève le communiqué final, la prise en charge de victimes sur le site de l'événement implique un personnel entraîné et protégé (Samu, sapeurs-pompiers, unités de sécurité civile) et des PMA (postes médicaux avancés), dont on s'accorde à reconnaître l'expertise ; certes, un corps de réserve sanitaire a été créé par la loi du 5 mars 2007, qui permet de mobiliser rapidement des effectifs opérationnels ; la médecine de catastrophe, dans toute la France, fait l'objet de multiples exercices et de formations spécialisées. Mais, alors que la compétence des urgentistes est saluée, subsiste une lacune majeure : la formation des médecins généralistes demeure, selon le Pr André Aurengo (services médecine nucléaire Pitié-Salpêtrière, Paris), «pitoyable et catastrophique». «Pour la plupart d'entre eux, explique l'académicien, la formation initiale relève d'une époque lointaine, cependant que, en FMC, le bioterrorisme n'est pas ressenti comme une priorité. Aujourd'hui, les praticiens ne disposent pas du niveau requis pour prendre en charge les victimes d'une action bioterroriste. Cette situation est d'autant plus préoccupante que les médecins qui voudraient s'informer sur Internet n'y trouveraient pas les éléments directement applicables, mais un ensemble de textes réglementaires nécessitant plusieurs heures d'études.»

Risque de propagation de fausses nouvelles.

Pour le Pr Aurengo, non seulement les praticiens « ne sauraient pas comment réagir, mais, en l'absence de formation, ils risqueraient de propager de fausses nouvelles et de contribuer aux phénomènes de panique».

L'académie en appelle donc aux doyens des facultés pour qu'ils ajustent la formation initiale et le Pr Pierre Ambroise-Thomas, son président, suggère que, «étant donnée la surinformation dont ils font par ailleurs l'objet, les généralistes puissent accéder en cas de besoin, à une information claire, rapide et immédiatement opérationnelle».

Pour autant, les efforts pour améliorer le niveau d'équipement sanitaire du pays ne doivent pas être relâchés : acquisition de sérums antibotuliniques de première génération dirigés contre les valences les plus virulentes (A, B, E) ; dotations en seringues à deux compartiments, atropine à forte formulation pour prendre en charge les intoxications par les organophosphorés ; développement des chélateurs enzymatiques (butylcholinestérase, paraxonase).

Il faut aussi remédier aux disparités de moyens entre petits et grands établissements, certains hôpitaux ne disposant ni de PMA ni d'unités de décontamination.

En matière de recherche, la priorité devrait être donnée au partage et au regroupement, notamment dans le domaine des maladies infectieuses, en utilisant notamment le potentiel des services vétérinaires et des laboratoires du ministère de l'Agriculture, pour faire face aux zoonoses et aux future agents émergents.

Autant d'efforts que l'Académie de médecine, dans son rôle de vigie sanitaire, invite à soutenir plus que jamais, même si, observe le Pr Jean-Louis Pourriat (chef du service des urgences de l'Hôtel-Dieu, Paris), «ces dernières années ont été marquées par d'autres priorités sanitaires de premier plan, avec le sras et la grippe aviaire».

> CHRISTIAN DELAHAYE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8186