De la médecine libérale au perchoir

Bernard Accoyer, l'ORL qui monte

Publié le 14/06/2007
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LE PROCHAIN PRÉSIDENT de l'Assemblée nationale, quatrième personnage de l'Etat, sera-t-il un médecin ? C'est bien possible. Car, dans la course au « perchoir », Bernard Accoyer, 61 ans, ORL de son état, part favori. Sous l'étiquette UMP, évidemment, il se targue d'être le candidat de, excusez du peu, François Fillon et Nicolas Sarkozy – le président de la République a pour sa part indiqué prudemment qu'il n'avait pas de poulain dans cette affaire.

Face au Dr Accoyer, les prétendants, officieux ou déclarés, ne manquent pas : Patrick Ollier (UMP), qui préside l'Assemblée depuis que, en mars, Jean-Louis Debré est parti sous d'autres cieux (ceux du Conseil constitutionnel), est sur les rangs, tout comme François Baroin (UMP) ou Pierre Méhaignerie (UMP, ex-UDF). Du beau monde, donc. Mais pas forcément dans les petits papiers des chefs de l'Etat et du gouvernement.

Alors, qui est le Dr Accoyer ?

Inconnu du grand public il y a quelques années encore, l'homme fait partie de ces happy few réélus dès le premier tour des législatives. De ce point de vue, la stature et l'influence locales de Bernard Accoyer ne datent pas d'hier. Il est maire d'Annecy-le-Vieux depuis 1989, député de Haute-Savoie depuis 1993. Deux mandats exercés sans discontinuer, en dépit des fluctuations de la vie politique nationale. Haut-Savoyard d'adoption au milieu des années 1970 – Bernard Accoyer est né à Lyon et a fait ses études de médecine à Grenoble –, le jeune ORL a su faire son trou dans les alpages. Parce que, installé à Annecy comme chef de clinique, il a vite su se constituer un solide réseau local. Parce qu'il a su se garder au fil des années des querelles intestines – entre chiraquiens et balladuriens, par exemple – qui ont politiquement miné la Haute-Savoie. Chez lui, presque vingt ans après qu'il a ceint sa première écharpe tricolore, il faut voir à l'oeuvre la machine Accoyer. Il connaît tout le monde, toutes les boutiques, les exploitations agricoles, serre toutes les mains… Un vrai professionnel, passé par l'école électorale de Jacques Chirac. D'où le score sans appel de dimanche dernier (56,07 % des suffrages). Voilà pour la partie (locale) immergée de l'iceberg. Celle qui fait ressembler notre homme plutôt à la tortue qu'au lièvre de la fable.

Pour le reste, l'ascension nationale de Bernard Accoyer, élu en 2004 président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, est beaucoup plus récente. Et son point de départ est paradoxal. Car aux sources de l'Accoyer d'aujourd'hui, il y a sans doute… le plan Juppé. Une réforme soutenue par le député-maire d'Annecy-le-Vieux contre l'écrasante majorité de ses confrères médecins – ce qui lui a valu de sérieuses démonstrations d'inimitié. Fin 1995, en 1996 et 1997, le Dr Accoyer est allé politiquement au front, sans ménager ses forces, fidèle, quoi qu'il advienne, à Jacques Chirac. Une passe sûrement difficile – il y a eu des dégâts matériels à la mairie d'Annecy-le-Vieux –, mais aussi un tremplin. Une fenêtre qui a permis à un député, parmi beaucoup d'autres, de se singulariser. D'autant que le plan Juppé a été suivi de la dissolution de l'Assemblée et que…, dans l'opposition, Bernard Accoyer s'est révélé mordant. «Je suis vraiment de droite, n'est-ce pas?», euphémisait notre homme dans les colonnes du « Monde » en avril 2006. En effet. Et quand il s'agit de fustiger la gauche (qu'elle soit au pouvoir ou, plus récemment, en campagne électorale), le Dr Accoyer dégaine vite et fort, parle avec ses tripes. Le chirurgien ORL ne fait pas dans l'incision dentelle. Il tape. Et se fait donc entendre. De ses adversaires comme de ses amis. Alliée à un comportement bien plus liant, tout de courtoisie et de sens du compromis, avec ses amis politiques, cette méthode le propulse à l'intérieur de son parti (le RPR devenu l'UMP).

La mission sur le CPE.

D'abord responsable des questions de santé, il intègre la commission exécutive (où il est délégué général chargé des élections), devient au printemps 2001 secrétaire général adjoint puis, en 2004, président du groupe UMP à l'Assemblée. Les Français entendent de plus en plus souvent son nom, le voient au journal télévisé distiller ses commentaires sur fond de salle des Quatre-Colonnes. Au départ, on l'entend surtout sur les dossiers sanitaires. Bernard Accoyer adopte des positions tranchées sur les médecins à diplôme étranger, intervient sur la canicule, sur la réforme de l'assurance-maladie, défend son amendement de réglementation de la psychothérapie… Puis il s'émancipe. La sphère de la santé, il la quitte pour de bon quand, en pleine crise, il est chargé avec Jocelyn de Rohan (président du groupe UMP au Sénat) d'une délicate mission d'arbitrage sur le CPE. Le dossier est piégé. Les deux hommes s'en sortent plus qu'honorablement. Novice dans le domaine des négociations syndicales, Bernard Accoyer ajoute une corde à son arc.

Chiraquien avant tout, sarkozyste un peu par défaut – le Dr Accoyer, qui avait averti des risques encourus, ne pardonne pas à Dominique de Villepin sa mauvaise idée de dissolution de 1997 –, il s'apprête donc aujourd'hui à gravir une nouvelle marche. Avec modestie. «Je suis bosseur, travailleur, confie-t-il au « Quotidien », quand je fais quelque chose, je le fais à fond. Je me suis beaucoup investi dans la vie politique, la législature m'a permis d'assumer des responsabilités importantes au coeur de la majorité. J'ai beaucoup appris humainement et politiquement. Tout cela m'a apporté énormément de satisfaction.» A ce stade, il n'est plus question, évidemment, d'exercer, même a minima – après avoir longtemps conservé une petite activité. Le Dr Accoyer a dévissé sa plaque il y a deux ans et demi. Mais, pour se définir, il préfère cent fois dire « médecin » qu'« homme politique ». «Avant tout, insiste-t-il, je suis médecin. Ensuite seulement je suis un élu.»

Les missions du président de l'Assemblée

Comme ses dix prédécesseurs, le futur président de l'Assemblée nationale sera, au moins sur le papier constitutionnel, un personnage clé de l'Etat (le quatrième). A charge pour lui de veiller au bon fonctionnement de l'assemblée élue par ses concitoyens, d'assurer son rayonnement dans le monde. Le président de la République le consultera obligatoirement dans un certain nombre de circonstances – s'il veut, par exemple, user de son pouvoir de dissolution ; le Premier ministre ne pourra pas provoquer de séances supplémentaires sans son accord.

Pour l'anecdote, la rumeur dit que, au Sénat, un... vétérinaire, ancien ministre délégué à l'Emploi et, accessoirement, ex-président de la FHF (Fédération hospitalière de France), se verrait bien à la place de Christian Poncelet. S'il devait devenir président de la Haute Assemblée, Gérard Larcher, qui devrait d'abord retrouver son siège de sénateur, deviendrait le deuxième personnage de l'Etat (le premier est le président de la République, le troisième, le président du Conseil constitutionnel).

> KARINE PIGANEAU

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8186