EN FRANCE métropolitaine, 3 461 communes sont situées en zones sous-médicalisées, c'est-à-dire près de 10 % des communes (la France en compte 36 000). C'est le premier enseignement tiré du travail de décompte de ces zones effectué par la Csmf (Confédération des syndicats médicaux français), dans le cadre de son étude sur les différentes aides à l'installation et à l'exercice disponibles, qu'elles soient attribuées par l'assurance-maladie, l'administration fiscale, l'Urssaf ou les collectivités territoriales. Selon les chiffres de l'assurance-maladie, 3 461 communes correspondent à environ 1 600 médecins généralistes et à 2,6 millions d'habitants. Certes, ce résultat semble dessiner les contours d'une France malade de son accès aux soins, alors que la réalité est plus contrastée : commune sous-médicalisée ne signifie pas forcément commune sans médecin et, le plus souvent, celles qui en sont réellement démunies ne dépassent pas les 1 000 habitants, et disposent malgré tout d'un généraliste dans un rayon de moins de 10 km.
Mais malgré ces précautions, les chiffres n'en demeurent pas moins alarmants en ce qu'ils constituent la version édulcorée de ce qui attend une bonne partie du territoire dans les dix prochaines années : des départs à la retraite de médecins généralistes qui ne vont aller qu'en s'accélérant, conjugués au vieillissement d'une population dont les besoins de soins ne vont que croître.
L'un des intérêts de l'étude de la Csmf tient en ce qu'elle présente sous forme synthétique des éléments jusque-là disparates. Des cartographies des zones sous- médicalisées existaient jusqu'à présent, notamment sur le site Internet des Urcam (unions régionales des caisses d'assurance-maladie), mais elles étaient limitées à l'échelon régional, ce qui compliquait la tâche. Avec ce travail de la Csmf, c'est la France entière qui est scannée. De plus, selon Michel Chassang, président de la Csmf, cette liste des communes situées en zones sous-médicalisées tient compte des arrêtés préfectoraux pris depuis la mise au point de la première cartographie des zones sous-médicalisées effectuée par les Urcam et les ARH (agences régionales de l'hospitalisation). Ces arrêtés préfectoraux modifient sensiblement les contours de ces zones, souvent pour les élargir. Selon Michel Chassang, «les documents du ministère et de l'assurance-maladie sur ce sujet sont incomplets. Le seul document à jour, c'est le nôtre».
L'étude de la Csmf fait également apparaître des disparités d'accès aux soins au sein même des régions. La région Rhône-Alpes, par exemple, qui comprend à elle seule 256 communes sous-médicalisées, est constituée de 8 départements (Ain, Ardèche, Drôme, Isère, Loire, Rhône, Savoie et Haute-Savoie) qui ne sont pas vraiment logés à la même enseigne. Les 256 communes situées dans des zones sous-médicalisées se répartissent en effet de la manière suivante : 53 pour le département de l'Ain, 57 pour l'Ardèche, 17 pour la Drôme, 72 pour l'Isère, 34 pour la Loire, 11 pour le Rhône, 3 pour la Savoie et 9 pour la Haute-Savoie. On parle souvent du déséquilibre nord-sud ou du déséquilibre ville-campagne en matière de démographie médicale, mais l'exemple de la région Rhône-Alpes fait apparaître des déséquilibres manifestement plus complexes à analyser.
De la même manière, il n'existait pas jusqu'à présent de document synthétisant les différentes aides à l'installation ou à l'exercice. Si bien que les généralistes, et notamment les jeunes à la recherche d'une première installation, renoncent trop souvent à défricher le maquis des aides disponibles. Elles sont pourtant nombreuses, mais fonctionnent le plus souvent sous conditions. Certaines ne sont applicables que dans les zones franches urbaines ou dans les zones de revitalisation rurale, d'autres dans les stations de sport d'hiver ou dans certains départements bien précis, d'autres enfin si le cabinet est situé à plus de 20 minutes d'un service d'urgences. Pour Michel Chassang, «les médecins ont du mal à se retrouver dans ce maquis des aides, si bien que nous avons jugé utile de faire le point sur ce sujet. D'ailleurs, quand on en fait la synthèse, on s'aperçoit que l'ensemble de ces mesures est très attractif».
Mais le patron de la Csmf n'en reste pas là et agite l'épouvantail des mesures coercitives en matière d'installation : «Il faut faire en sorte que les aides disponibles soient utilisées au maximum et qu'elles aient un effet sur les déséquilibres démographiques. Sinon, nous n'échapperons pas aux mesures coercitives.»
D'autant que, comme le rappelle Michel Chassang, «la plupart de ces mesures peuvent être cumulées. De sorte qu'un médecin intelligent et qui étudierait bien son dossier pourrait trouver un très agréable lieu d'exercice en zone sous-médicalisée, et, grâce aux aides, ne travailler qu'à mi-temps».
L'ensemble de l'enquête de la Csmf, à savoir les différentes aides disponibles, la liste des communes situées en zones sous-médicalisées, la liste des zones de revitalisation rurale et celle des zones franches urbaines, est disponible en ligne, à partir d'aujourd'hui, sur le site Internet de la Csmf.
Une enquête de l'Ordre des médecins sur l'efficacité des aides
Dans le cadre d'une enquête réalisée par l'Ordre des médecins, et rendue publique hier, sur «les attentes, projets et motivations des médecins face à leur exercice professionnel», des étudiants en médecine ainsi que de jeunes médecins ont été interrogés sur leur perception de l'action des pouvoirs publics en matière de résorption des zones sous-médicalisées.
A la question : «Pensez-vous que les pouvoirs publics ont raison de vouloir réduire ces disparités en incitant les jeunes médecins à s'installer dans ces zones?», 88 % des étudiants et des jeunes médecins ont répondu par l'affirmative. Mais à la question de savoir si les mesures proposées permettront de réduire en partie ces disparités, la réponse est sensiblement plus nuancée : les étudiants sont 34 % à répondre par l'affirmative (59 % répondent non), tandis que les jeunes médecins sont 37 % à répondre par l'affirmative (57 % répondent non).
A la question : «Personnellement, pensez-vous que vous pourriez vous laisser convaincre de vous installer dans l'une de ces zones si les mesures proposées vous paraissaient suffisamment incitatives?», les étudiants répondent oui à 58 %, tandis que les jeunes médecins ne sont que 46 % à en faire autant.
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